Sortie du statut de déchet : publication d’un avis du ministère de l’écologie sur l’application des règlements REACH et CLP

Jan 12, 2016 | Droit de l'Environnement

Le ministère de l’écologie a publié au JO du 13 janvier 2016, un « Avis aux exploitants d’installations de traitement de déchets et aux exploitants d’installations de production utilisant des déchets en substitution de matières premières« . Un avis qui fait suite à un arrêt rendu le 30 décembre 2015 par le Conseil d’Etat sur la notion d’article au sein du règlement REACH (dossier cabinet).

L’avis du ministère de l’écologie publié au JO du 13 janvier 2016

Il convient tout d’abord de rappeler qu’un avis se borne à rappeler la position de l’administration. Un avis n’a pas pour objet de créer de nouvelles règles de droit. Il peut cependant faire l’objet d’un recours en annulation devant la juridiction administrative compétente.

L’avis publié par le ministère au JO du 13 janvier 2016 répond à certaines questions récurrentes, depuis que le régime juridique de la sortie du statut de déchet a été créé au niveau européen puis français. Son principal apporte est le lien qu’il rappelle entre le régime de la sortie du statut de déchet et les règlements REACH et CLP.

L’avis comporte deux parties. Il porte :

– d’une part, sur le statut juridique de ce qui est produit par une installation de traitement de déchets

– d’autre part, sur le statut juridique de ce qui est produit par une installation de production utilisant des déchets en substitution de matières premières

En synthèse, voici ce qu’il faut retenir de cet avis.

Le principe : un déchet reste un déchet après traitement. L’avis précise : « Tout déchet qui est traité dans une installation de traitement de déchets conserve un statut juridique de déchet après traitement« . Ce rappel est important : un déchet reste un déchet même s’il a été traité dans une installation de traitement de déchets.

Ce principe est assorti de deux exceptions. Un déchet peut redevenir un produit dans deux cas. Dans ces deux cas, l’avis rappelle que le produit est soumis au respect des règlements REACH et CLP.

Première exception : la sortie explicite du statut de déchet. Un déchet peut sortir, explicitement, du statut de déchet, à la suite d’une procédure, européenne ou nationale, de sortie de statut de déchet. L’avis précise :

« Certains déchets peuvent sortir du statut de déchet à l’occasion de leur passage par une installation de traitement de déchet, lorsque cette possibilité est prévue dans un règlement européen ou un arrêté ministériel spécifiques à ce type de déchets, et si l’intégralité des critères fixés par le règlement européen ou l’arrêté ministériel sont respectés« .

Le produit, ici de cette procédure de sortie du statut de déchet doit alors respecter les règlements REACH et CLP :

« Dans le cas d’une sortie explicite du statut de déchet, le produit issu du déchet doit respecter les dispositions du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (…), dit règlement REACH, et du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (…), dit règlement CLP.« 

Deuxième exception : la sortie implicite du statut de déchet.

Un article ou un assemblage d’articles – au sens du règlement REACH – issu d’une installation de production – et non d’une installation de traitement de déchets inscrite à la nomenclature ICPE – n’est pas un déchet et ce alors même que son producteur a pu recourir à des déchets comme matières premières. Il en va de même pour une substance ou un mélange au sens des règlements REACH et CLP.

Dans ce cas de sortie implicite du statut de déchet, l’avis précise :

« De telles substances, mélanges, articles ou assemblages d’articles produits par une installation de production utilisant des déchets en substitution de matières premières doivent alors respecter les dispositions des règlements REACH et CLP.« 

Ainsi, à la suite d’une sortie implicite ou explicite du sortie du statut de déchet, le produit demeure soumis aux exigences des règlements REACH et CLP.

Il ne s’agit bien entendu pas d’une nouveauté, s’agissant d’un avis, mais du rappel de la situation juridique existante.

L’arrêt n°354603 du 30 décembre 2015 sur la notion d’article au sens du règlement REACH

Cet avis intervient à la suite de l’arrêt rendu ce 30 décembre 2015 par le Conseil d’Etat. Par cet arrêt le Conseil d’Etat a statué sur un recours pour lequel le cabinet Gossement a occupé et plaidé devant la Cour de justice de l’Union européenne. Arrêt très important qui a permis à la Cour de justice de l’Union européenne de clarifier et d’harmoniser l’interprétation de plusieurs dispositions du règlement REACH, ainsi que la portée de l’avis du 18 juillet 2011.

L’arrêt du Conseil d’Etat précise :

« 2. Dans l’arrêt du 10 septembre 2015 par lequel elle s’est prononcée sur la question dont le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, l’avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, d’une part, que l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, tel que modifié par le règlement n° 366/2011 de la Commission du 14 avril 2011, doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au producteur de déterminer si une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, tel que modifié, est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de tout article qu’il produit et, à l’importateur d’un produit composé de plusieurs articles, de déterminer pour chaque article si une telle substance est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de cet article. Elle a dit pour droit, d’autre part, que l’article 33 du même règlement n° 1907/2006, tel que modifié, doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au fournisseur d’un produit, dont l’un ou plusieurs des articles qui le composent contiennent une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse par article, d’informer le destinataire et, sur demande, le consommateur sur la présence de cette substance en leur communiquant, à tout le moins, le nom de la substance en cause. En outre, elle a précisé au point 54 de son arrêt que  » la qualification d’article reste applicable à tout objet répondant aux critères de l’article 3, point 3 du règlement REACH qui entre dans la composition d’un produit complexe, à moins que, à la suite du processus de fabrication, cet objet devienne un déchet ou perde la forme, la surface ou le dessin qui contribue plus à déterminer sa fonction que sa composition chimique« 

Ainsi, aux termes de cet arrêt qu’il est important de lire en détail, le règlement REACH est applicable à un objet qualifié d’article, sauf lorsque, à la suite d’un processus de fabrication, cet objet devienne un déchet ou perde la forme, la surface ou le dessin qui contribue plus à déterminer sa fonction que sa composition chimique. En d’autres termes : le statut de déchet (notamment) « permet » d’écarter l’application du règlement REACH.

L’avis publié ce 13 janvier 2016 apporte une précision complémentaire : en cas de retour au statut de produit, le règlement REACH (et CLP) s’applique.

La réforme à venir du régime juridique de la sortie du statut de déchet

Pour mémoire : le régime juridique de la sortie du statut de déchet est concerné par la Proposition de directive modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, présentée par la Commission européenne, le 2 décembre 2015.

Nous reparlerons de ce sujet lors de la commission juridique de l’Institut de l’économie circulaire du 19 janvier 2016 et à l’occasion des petits déjeuners organisés au cabinet les 28 janvier et 4 février 2016. 

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