En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Dérogation espèces protégées : le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Pau suspend une autorisation de défrichement en l’absence de demande de dérogation (Tribunal administratif de Pau, ord, 10 novembre 2022, n°2202449)
Par une ordonnance n°2202449 du 10 novembre 2022, le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Pau a suspendu l’exécution d’une autorisation de défrichement, accordée pour la réalisation de lotissements, dans l’attente d’un examen par l’administration de la nécessité pour le porteur de projet de déposer ou non une demande de « dérogation espèces protégées ». Analyse.
Pour mémoire, cette ordonnance du tribunal administratif de Pau a été rendue à la suite de celle du 20 septembre 2022 par laquelle le juge du référé-liberté du Conseil d’Etat a jugé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que consacré à l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (Conseil d’État, référé, 20 septembre 2022, n°451129).
La reconnaissance de cette liberté fondamentale intervient 17 ans après l’adoption de la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005). Elle intervient également après la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Châlons-en-Champagne, ord. 29 avril 2005, n°0500828 et s) qui, le premier, a reconnu le droit à un environnement sain et équilibré comme constituant une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Faits et procédure.
La société X a sollicité l’autorisation de construire 18 villas dans le prolongement immédiat d’un lotissement. Les autorisations d’urbanisme et de défricher ont été accordées. Cette nouvelle extension du lotissement prévoyait des travaux de défrichement devant débuter le 7 novembre 2022.
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022, l’association X a demandé au juge des référés d’enjoindre, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, à la préfète des Landes, de suspendre l’exécution des travaux de défrichement en ce qu’ils portaient une atteinte manifestement grave et illégale aux espèces protégées présentes sur le site litigieux.
Commentaire.
A titre liminaire, il importe de rappeler que seuls les travaux ou activités non autorisés ou procédant d’autorisations qui ne sont pas déjà devenues définitives, pourront véritablement être l’objet de saisines du juge du référé-liberté. Dans le cas contraire il convient de saisir le juge du référé-suspension (tribunal administratif de Marseille, référé, 5 octobre 2022, n°2208000).
En l’espèce, l’association requérante n’a pas contesté l’autorisation de défrichement du 30 août 2022, car elle n’en a pris connaissance qu’à l’affichage de l’arrêté de commencement des travaux de défrichement sur les lieux le 24 octobre et lors du marquage des arbres les 3 et 4 novembre 2022. L’association se trouvait donc bien dans le délai de deux mois à partir du 1er jour de l’affichage de l’autorisation sur le terrain.
En premier lieu, l’article L. 521-2 du code de justice administrative énonce en ces termes les conditions à réunir pour que le juge du référé-liberté puisse intervenir dans un délai de 48 heures :
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
Ainsi, le demandeur qui sollicite l’intervention du juge du référé-liberté doit démontrer que les deux conditions suivantes sont remplies :
- La condition d’urgence ;
- La condition tenant à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale
Sur la condition d’urgence. Au cas d’espèce, la condition d’urgence est satisfaite dès lors que des travaux, réalisables à tout moment, sur un temps très court, risquent de porter une atteinte grave et irréversible aux espèces protégées et à leur habitat.
« Pour justifier de l’urgence, l’association X, (…) fait valoir que le défrichement des parcelles concernées, dont le commencement d’exécution était prévu pour le 7 novembre 2022, porte une atteinte grave et irréversible aux espèces protégées et à la destruction de l’habitat d’intérêt communautaire d’autant que l’exécution de la mesure attaquée sur une surface aussi réduite pourrait être totalement réalisée en une journée. »
Sur la condition tenant à l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La condition tenant à tenant à l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est caractérisée dès lors que l’autorisation en cause est susceptible de porter une atteinte grave et irréversible aux espèces protégées et par voie de conséquent au droit à un environnement sain.
« Par voie de conséquence, la mise en œuvre de l’autorisation de défrichement étant susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale aux espèces protégées présentes sur le site sur lequel le projet de lotissement est amené à être réalisé, les conditions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative sont réunies. »
Le tribunal administratif de Pau a reconnu que le projet est susceptible de porter une atteinte grave et irréversible aux espèces protégées. Les conditions du référé-liberté sont donc remplies.
En deuxième lieu, le juge des référés a suspendu l’autorisation de défrichement en attendant que l’administration se prononce sur le point de savoir si le porteur de projet doit ou non solliciter une dérogation espèces protégées (DEP).
Si l’administration constate qu’une demande de DEP est bien nécessaire, alors la procédure de demande de DEP devra être engagée. S’il n’est pas établi que le pétitionnaire aurait dû solliciter une dérogation espèces protégées, alors l’autorisation de défrichement en question redeviendra exécutoire :
« Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 31 août 2022 par lequel la préfète des Landes a autorisé le défrichement des parcelles cadastrés sur le territoire de la commune de X est suspendue sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative jusqu’à ce que la même autorité se prononce sur la nécessité pour la société X de déposer une demande de dérogation aux espèces protégées tel que prévu aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement. »
L’appréciation de la nécessité de déposer une DEP ne relève plus seulement de la responsabilité du pétitionnaire. L’administration doit également s’assurer que le futur projet ne portera pas atteinte aux espèces protégées, quand bien même le porteur de projet n’aurait pas sollicité de DEP.
L’administration lorsqu’elle instruit le dossier d’autorisation d’un projet, doit donc veiller à ce que ce dossier soit complet et comporte bien une demande de DEP lorsque celle-ci s’avère nécessaire.
Cette vérification en amont de la délivrance par l’administration de l’autorisation de réalisation du projet, permet de s’assurer que ce dernier ne portera pas atteinte à la bonne conservation des espèces protégées. En enjoignant à l’administration de vérifier si le projet nécessite une DEP, le juge des référés assure ainsi une préservation effective des espèces protégées.
Julie Leroy – Elève-avocate
A lire également :
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
2 mai 2025 : conférence d’Arnaud Gossement à l’université de Lille sur « L’effet non-suspensif des recours en contentieux administratif, à l’aune de l’affaire de l’autoroute A69 »
Le vendredi 2 mai 2025 à 14h, Me Arnaud Gossement donnera, à l'université de Lille, une conférence intitulée : "Retour sur l'affaire de l'autoroute A69, l'effet non-suspensif de recours en contentieux administratif". Cette conférence sera animée par M. Pierre-Yves...
« Ne boudons pas les bonnes nouvelles » : nouvelle chronique d’Arnaud Gossement pour le journal La Croix
Arnaud Gossement est l’un des quatre experts membres du comité écologie du journal La Croix. Un comité mis en place pour accompagner la rédaction dans sa volonté de mieux traiter l’actualité des enjeux environnementaux. Dans ce cadre, Arnaud Gossement a publié ici une...
Transition énergétique : le Premier ministre confirme un changement de forme et de fond pour la prochaine feuille de route énergétique, qui sera adoptée par une loi
Ce lundi 28 avril 2025, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a procédé à une "déclaration sur la souveraineté énergétique de la France" qui a été suivie d'un débat sans vote, comme le prévoit l'article 50-1 de la Constitution. Un débat du même type sera...
Déchets – économie circulaire : une proposition de loi pour rendre visible l’éco-contribution sur les produits relevant du principe de la responsabilité élargie du producteur (REP)
Voici une mesure qui peut sembler technique mais qui est en réalité essentielle pour la protection de l'environnement et, plus précisément, pour la prévention et la gestion des déchets. Ce 17 avril 2025, M. Stéphane Delautrette et plusieurs autres députés du groupe...
Pollution de l’eau potable par les nitrates : la Commission européenne saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France (Affaire C-154/25)
Par un recours daté du 21 février 2025 et rendu public ce 22 avril 2025 (affaire C-154/25), la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de constater que la France ne respecte toujours pas la directive (UE) 2020/2184 du Parlement...
Loup : article de Me Florian Ferjoux dans le « Journal du droit européen » sur la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne
Me Florian Ferjoux a procédé à une analyse des enjeux juridiques liés à la préservation du loup au regard de la directive Habitats dans son nouvel article intitulé : « Le loup : la protection des espèces dans la directive Habitats », publié au sein du Journal du droit...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.