En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Climat : début des auditions devant la Cour internationale de justice
Dans le cadre de l’instruction de la demande d’avis consultatif relative aux obligations des États en matière de changement climatique, la Cour internationale de Justice tient, du lundi 2 au vendredi 13 décembre 2024 des audiences publiques, au cours desquelles les représentants de 98 États et 12 organisations internationales seront entendus. L’occasion de faire le point sur les enjeux de cette procédure importante pour le droit de l’environnement (crédit photo : ICJ).
On rappellera que ce n’est pas la première fois qu’une juridiction internationale est saisie d’une demande d’avis consultatif sur les obligations des Etats en matière de changement climatique. Aux termes d’un avis consultatif rendu le 21 mai 2024, le Tribunal international du droit de la mer, saisi par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, a indiqué que les Etats parties la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite Convention de « Montego Bay » ont, non pas une obligation de moyen mais une « obligation de diligence requise » de niveau élevé pour prévenir, réduire ou maîtriser les conséquences du changement climatique et pour restaurer les milieux marins endommagés (cf. notre commentaire). Toutefois, en raison de l’étendue tant matérielle que territoriale de sa compétence, il est bien entendu que la portée juridique et politique de l’avis à venir de la Cour internationale sera plus importante encore.
Par ailleurs, au contentieux, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg s’est également prononcée, par un arrêt du 9 avril 2024 (Affaire Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse) sur la responsabilité de la Suisse pour son action climat insuffisante, en statuant sur requête introduite par l’association de femmes seniors suisses pour le climat et par quatre femmes suisses à titre individuel. (cf. notre décryptage de cette décision avec Marie Bellan pour France culture et l’analyse publiée sur le site du CITEPA). Aux termes de cet arrêt (point 538), la Cour internationale de justice a jugé que les Etats ont bien, sur le fondement des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, une « obligation positive » de lutte contre le changement climatique et ses effets :
« a) Les États sont tenus par une obligation positive de mettre en place un cadre législatif et administratif pertinent visant à protéger de manière effective la vie et la santé humaines. Ils ont en particulier l’obligation de mettre en place une réglementation adaptée aux spécificités de l’activité en cause, notamment au niveau de risque qui pourrait en résulter. Il s’agit de régir l’autorisation, la mise en fonctionnement, l’exploitation, la sécurité et le contrôle de l’activité en question, ainsi que d’imposer à toute personne concernée par celle-ci l’adoption de mesures d’ordre pratique propres à assurer la protection effective des citoyens dont la vie risque d’être exposée aux dangers inhérents au domaine en cause (voir, par exemple, Jugheli et autres, § 75, Di Sarno et autres, § 106, et Tătar, § 88, tous précités).
b) Les États sont également tenus d’appliquer concrètement et de manière effective le cadre ainsi mis en place. En effet, une réglementation ayant pour objet la protection des droits garantis n’a guère d’utilité si elle n’est pas dûment observée, la Convention visant à protéger des droits effectifs et non illusoires. Les mesures pertinentes doivent être appliquées en temps utile et de manière effective (Cuenca Zarzoso c. Espagne, no 23383/12, § 51, 16 janvier 2018).«
I. La procédure
L’ensemble des documents et communiqués de presse relatifs à cette procédure est disponible sur la page du site internet de la Cour internationale de justice consacrée à cette affaire.
A titre liminaire, il convient de rappeler que les dispositions relatives à la Cour internationale de justice sont réunies au sein des articles 92 à 96 de la Charte des Nations-unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 et entrée en vigueur le 24 octobre 1945.
L’article 92 de la Charte des Nations-Unies dispose : « La Cour internationale de Justice constitue l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante. » Le Statut de la Cour internationale de justice peut être consulté ici. Ce Statut renvoie à son tour à un Règlement de la Cour qui peut être consulté ici.
29 mars 2023 : lors de sa 64e séance plénière, l’Assemblée générale des Nations Unie, sous le point 70 de l’ordre du jour, a adopté la résolution 77/276 intitulée « Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations des États à l’égard des changements climatiques« .
Aux termes de cette résolution, l’Assemblée générale a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’article 65 de son Statut, un avis consultatif sur plusieurs questions relatives aux obligations des Etats en matière de changement climatique. Les textes de la requête pour avis consultatif et de la résolution 77/276 peuvent être consultés ici.
20 avril 2023 : par une ordonnance de ce jour, la président de la Cour internationale de justice a fixé le calendrier suivant :
- 20 octobre 2023 : date d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur les questions pourront être présentés à la Cour, conformément au paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut ;
- 22 janvier 2024 : date d’expiration du délai dans lequel les États ou organisations qui auront présenté un exposé écrit pourront présenter des observations écrites sur les exposés écrits faits par d’autres États et organisations, conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut.
2 au 13 décembre 2024 : la Cour internationale de Justice tient des audiences publiques consacrées à la demande d’avis consultatif sur les Obligations des États en matière de changement climatique (cf. communiqué de presse).
Il est délicat d’estimer par avance la durée de cette procédure d’avis consultatif. Toutefois, l’étude des précédentes procédures consultatives organisées par la Cour internationale de justice démontre que cette durée est généralement d’un an, parfois deux.
II. La demande d’avis consultatif
Le fondement de la demande. La requête pour avis consultatif adressée par l’Assemblée générale des Nations-Unies à la Cour internationale de justice est fondées sur les dispositions de l’article 96 de la Charte des Nations-Unies. Le paragraphe a) de cet article 96 dispose en effet : « L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique« .
La procédure d’avis consultatif est organisée aux articles 65 à 68 du Statut de la Cour internationale de justice.
- L’article 65.1 précise que « La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis« . Au cas présent, c’est l’Assemblée générale des Nations-Unies qui a saisi la Cour d’une demande d’avis consultatif.
- L’article 66.2 précise que la Cour peut recevoir des exposés écrits ou des exposés oraux au cours d »audiences publiques.
Le contenu de la demande. Aux termes de sa résolution 77/276 du 26 mars 2023, l’Assemblée générale des Nations-Unies a adressé la question suivante à la Cour internationale de justice, question elle-même composée de plusieurs sous-questions.
La question est celle des obligations des Etats en matière de changement climatique, en droit international :
« Eu égard en particulier à la Charte des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris, à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’obligation de diligence requise, aux droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement et à l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin :
a) Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ?
b) Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement, à l’égard :
i) Des États, y compris, en particulier, des petits États insulaires en développement, qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou spécialement atteints par les effets néfastes
des changements climatiques ou sont particulièrement vulnérables face à ces effets ?
ii) Des peuples et des individus des générations présentes et futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques ?«
Cette question appelle les observations suivantes
En premier lieu, la Cour internationale de justice de justice n’est pas bien sûr pas saisie de la question des obligations des personnes privées mais uniquement de celle des Etats.
En deuxième lieu, la Cour internationale de justice de justice n’est pas tenue d’identifier le contenu de ces obligations étatiques au regard de n’importe quel texte mais, très exactement, au regard du droit international et, plus précisément encore, des textes et principes suivants qui ont énumérés dans la demande d’avis consultatif : « (…) la Charte des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris, à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’obligation de diligence requise, aux droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement et à l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin (…) »
Il est intéressant de noter que la résolution fait également référence à d’autres résolutions qui ont trait à l’environnement et au changement climatique :
- La résolution 77/165 du 14 décembre 2022 et toutes ses autres résolutions et décisions relatives à la sauvegarde du climat mondial pour les générations présentes et futures
- La résolution 76/300 du 28 juillet 2022 sur le droit à un environnement propre, sain et durable,
- La résolution 70/1 du 25 septembre 2015, intitulée « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 »,
- La résolution 50/9 du Conseil des droits de l’homme en date du 7 juillet 2022 et toutes les résolutions antérieures du Conseil sur les droits humains et les changements climatiques, la résolution 48/13 du Conseil en date du 8 octobre 2021, ainsi que la nécessité d’assurer l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes, »
En troisième lieu, sur le fond, la question posée à la Cour appelle les premières remarques suivantes.
Première observation : la question posée n’est pas celle de savoir si les Etats ont une obligation en matière de changement climatique mais, en droit international : laquelle. La demande d’avis consultatif part du postulat que ce droit international – et notamment celui qui procède de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – définit déjà une telle obligation. La question n’est pas anodine et on imagine bien l’importance de la réponse dans un contexte marqué par la décision du nouveau président des Etats-Unis de quitter l’Accord de Paris de 2015
Deuxième observation : l’intérêt de l’avis à venir de la Cour international de justice tient principalement à ce qu’elle est amenée, pour la première fois à se prononcer sur le contenu de cette obligation et sur les conséquences d’un manquement à cette obligation, au regard de l’ensemble du droit international et non pas uniquement de la CCNUCC.
Troisième observation : la question posée n’est pas réduite à la seule dimension climatique. Dimension capitale mais qui est associée aux « autres composantes de l’environnement ». On notera aussi la référence aux générations présentes et non pas uniquement aux générations futures : « a) Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ? »
Quatrième observation : la question ne porte par uniquement sur le contenu des obligations des Etats mais aussi aux conséquences d’un manquement de leur part à ces obligations et ce, à l’égard des autres Etats mais aussi des personnes privées (peuples et individus des générations présentes et futures).
Cinquième observation : le lien entre climat et justice est évident et il est probable que le principe de responsabilité commune mais différenciée sera au cœur de la réflexion de la Cour. La demande d’avis souligne ainsi la situation particulière des « petits Etats insulaires » mais aussi des « peuples et des individus des générations présentes et futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques« . D’une certaine manière, la question est déjà « orientée ».
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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