Solaire : le point sur les nouvelles mesures relatives aux installations solaires agrivoltaïques (loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables)

Fév 14, 2023 | Energie – Climat

Le cabinet Gossement Avocats commence aujourd’hui une série d’articles de présentation et d’analyse des principales mesures de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale (le 31 janvier) et le Sénat (le 7 février 2023). Le présent article a trait aux mesures de ce texte relatives aux installations solaires agrivoltaïques. 

Résumé

Le projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables a été définitivement adopté le 7 février 2023. L’article 54 du projet de loi crée notamment un régime juridique de l’installation agrivoltaïque.
Les principales dispositions de cet article 54 sont :
  • L’identification des critères de qualification d’une installation agrivoltaïque ;
  • L’encadrement de l’implantation de l’installation photovoltaïque au sol, qui ne répondrait pas à la qualification d’agrivoltaïque, compatible avec un terrain naturel, agricole et forestier. Est notamment prévue la création d’un document-cadre qui identifie des surfaces d’implantation de ces installations photovoltaïques au sol. Un projet d’installation photovoltaïque au sol qui ne serait pas qualifié d’agrivoltaïque ne peut pas être autorisé sur un site non-identifié par ce document cadre ;
  • La CDPENAF rend un avis conforme sur les projets d’installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol sur les terrains agricoles, naturels et forestiers. Si l’installation est implantée sur une surface identifiée par le document-cadre, l’avis est simple ;
  • L’interdiction d’autoriser un projet d’installation photovoltaïque au sol lorsque ce dernier nécessite une autorisation de défrichement soumise à évaluation environnementale systématique.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 février 2023. La promulgation de la loi est suspendue et devrait intervenir après et sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel.

Commentaire

A l’issue de son examen par la commission mixte paritaire, le projet de loi n’a pas été substantiellement modifié. Le texte comporte cependant de nouvelles dispositions, qui avaient été initialement adoptées par le Sénat en première lecture ( voir ici et ici) mais supprimées par l’Assemblée Nationale.

I. Rappel des dispositions introduites en première lecture par le Sénat et l’Assemblée Nationale

Le texte tel qu’adopté par le Sénat et l’Assemblée Nationale, après examen par la commission mixte paritaire, reprend les dispositions principales relatives aux régimes de l’installation agrivoltaïque et de l’installation photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers.

Sur les critères de qualification d’une installation agrivoltaïque

Pour rappel, un nouvel article L. 314-36 du code de l’énergie prévoit qu’une installation est qualifiée d’agrivoltaïque lorsque :

  • elle produit de l’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil, dont les modules de cette installation sont situés sur une parcelle agricole et contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ;
  • elle garantit une production agricole significative ;
  • elle garantit un revenu durable en étant issu ;
  • elle apporte au moins l’un des services suivants : L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ; L’adaptation au changement climatique ; La protection contre les aléas ; L’amélioration du bien-être animal ;
  • elle ne porte pas une « atteinte substantielle » à l’un de ces services ou une « atteinte limitée » à deux de ces services ;
  • elle ne présente pas l’une des caractéristiques suivantes : elle ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ; elle n’est pas réversible.

Il importe de noter que la commission mixte paritaire a supprimé le critère, introduit en première lecture par l’Assemblée Nationale, relatif à l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques sur au moins 40% de la toiture d’une exploitation existante de plus de 300 mètres carrés au sol, préalablement à l’implantation d’une installation agrivoltaïque.

La commission mixte paritaire a également modifié les conditions de détermination des modalités d’application du décret en Conseil d’Etat. Désormais, le décret déterminera les modalités d’application de l’article L. 314-36 du code de l’énergie en précisant :

  • les services mentionnés ci-dessus et une méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu ;
  • le fait pour la production agricole d’être l’activité principale peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol ;
  • les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme, en s’appuyant sur le strict respect des règles qui régissent le marché foncier agricole, notamment :

– Le statut de fermage ;
– La mission des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ;
– La politique de renouvellement des générations ;
– Le maintien du potentiel agronomique des sols, actuel et futur.

  • Les modalités de suivi et de contrôle des installations ainsi que les sanctions en cas de manquement.

Sur la création d’une sous-section au sein du code de l’urbanisme relative aux installations agrivoltaïques

Le projet de loi modifié crée une sous-section 1 relative aux installations agrivoltaïques. Un article L. 111-27 du code de l’urbanisme prévoit qu’une installation agrivoltaïque est considérée comme nécessaire à l’exploitation agricole lorsque les conditions exposées ci-dessus sont réunies.

En outre, unarticle L. 111-28 du code de l’urbanisme dispose que les installations de serres, hangars et ombrières, supportant des panneaux photovoltaïques, devront correspondre à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative.

La commission mixte paritaire n’a pas modifié ces dispositions.

Sur la création d’une sous-section au sein du code de l’urbanisme relative aux installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers

Une nouvelle sous-section 2 dans le code de l’urbanisme vise à encadrer une catégorie d’installations photovoltaïques, implantées sur des terrains agricoles, naturels et forestiers, qui ne réuniraient pas les critères d’une installation agrivoltaïque.

En premier lieu, un nouvel article L. 111-29 porte sur la compatibilité d’une installation photovoltaïque avec l’exercice d’une activité agricole, condition pour considérer l’installation comme nécessaire à une exploitation agricole ou à un équipement collectif, au sens des dispositions des articles L. 111-4 (règlement national d’urbanisme), L. 161-4 (carte communale) et L. 151-11 (plan local d’urbanisme) du code de l’urbanisme. Le texte vise finalement à encadrer cette notion de compatibilité, ce qui est actuellement réalisé par l’appréciation des juridictions administratives.

Ce nouvel article L. 111-29 du code de l’urbanisme précise l’appréciation de la compatibilité de l’installation avec l’exercice de l’activité agricole:

  • A l’échelle de l’ensemble des terrains d’un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière. Ainsi, l’échelle de l’appréciation de la compatibilité avec l’activité agricole est l’unité foncière ;
  • Au regard de l’activité agricole, pastorale ou forestière qui est effectivement exercée ou, en l’absence d’une activité effective, qui a vocation à s’y développer ;
  • En-dehors des installations agrivoltaïques, les installations photovoltaïques au sol ne peuvent être implantées en-dehors des surfaces identifiées dans un document cadre.

L’implantation des installations photovoltaïques au sol est conditionnée à la délimitation de surfaces identifiées à l’échelle départementale.

Il est prévu qu’un arrêté préfectoral pourra établir un document-cadre à l’échelle du département, sur proposition de la chambre de l’agriculture et après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). La définition de ces surfaces devra être réalisée en veillant à la préservation de la souveraineté alimentaire et à favoriser les systèmes de production agroécologiques.

L’article tel qu’adopté à l’issue de l’examen par la commission mixte paritaire impose un délai de six mois entre la proposition du document-cadre et la publication de l’arrêté.

Lorsqu’un document-cadre est en vigueur sur le territoire départemental, alors l’avis de la CDPENAF rendu sur le projet d’installation photovoltaïque au sol est un avis simple.

Il importe de relever que la commission mixte paritaire a supprimé la condition du délai de dix ans du caractère inculte ou non exploité des surfaces au sol. Désormais, l’article précise que les surfaces ne peuvent être identifiées dans l’arrêté préfectoral qu’à la condition que les sols concernés soient réputés incultes ou non exploitées « depuis une durée minimale ».

Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de cet article.

En deuxième lieu, un article L. 111-30 prévoit que les modalités techniques de l’installation photovoltaïque ne devront pas affecter les fonctions écologiques du sol sur lequel elle sera implantée, notamment biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. En outre, l’article rappelle que l’installation ne devra pas être incompatible avec l’activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elle sera implantée.

Sur l’introduction de dispositions communes aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole

L’article 54 du projet de loi introduit une sous-section 3 « Dispositions communes », à savoir communes aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques au sol qui n’entrent pas dans cette qualification.

En premier lieu l‘article L. 111-31 du code de l’urbanisme prévoit que les projets d’installations agrivoltaïques et d’installations photovoltaïques installées en-dehors des surfaces identifiées dans le document-cadre, sont soumis à avis conforme de la CDPENAF. La CDPENAF doit auditionner le pétitionnaire avant de rendre son avis.

Il convient de souligner que cet avis conforme ne concerne pas les installations implantées sur serre, hangar ou ombrière.

En deuxième lieu, le projet de loi prévoit également que les installations photovoltaïques seront autorisées pour une durée limitée, et devront être démantelées au terme d’une durée fixée ou au terme de l’exploitation de l’installation (futur article L. 111-32 du code de l’urbanisme).

La durée est précisée par l’article :

  • Si l’ouvrage n’est plus exploité, ou qu’il n’est plus compatible avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ;
  • Le cas échéant, à l’issue d’une durée fixée par voie réglementaire.

En outre, en application de cet article, lorsque le projet est soumis à autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable), la mise en œuvre de cette autorisation peut être subordonnée à la constitution de garanties financières si la sensibilité du terrain ou l’importance du projet le justifie.

En troisième lieu, une installation ne pourra être projetée, en zone forestière, sur un terrain qui nécessiterait une autorisation de défrichement soumise à évaluation environnementale systématique (cf. Futur article L. 111-33 du code de l’urbanisme).

La commission mixte paritaire a supprimé la dernière condition introduite par l’Assemblée Nationale. Celle-ci prévoyait que l’installation photovoltaïque au sol ne pouvait être autorisée lorsque le terrain d’emprise avait fait l’objet d’une autorisation de défrichement, dans les mêmes conditions, dans les cinq années avant la demande d’autorisation d’urbanisme.

Cette disposition serait applicable aux dossiers déposés après l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.

II. Sur les mesures adoptées en commission mixte paritaire

A l’issue de l’examen du projet de loi, la commission mixte paritaire a introduit de nouvelles dispositions. Elle reprend notamment des dispositions introduites en première lecture par le Sénat puis supprimées par l’Assemblée Nationale.

Sur les nouvelles dispositions introduites dans le code de l’énergie

En premier lieu, la commission mixte paritaire a créé un nouvel alinéa 4° quater au I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, initialement créé par le Sénat mais supprimé par l’Assemblée Nationale. Ce nouvel alinéa introduit le développement de la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïque parmi les objectifs de la politique énergétique nationale. Cet alinéa précise que cette production d’énergie issue d’installation agrivoltaïque doit être conciliée avec l’activité agricole, en donnant la priorité à la production alimentaire et sans effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles.

En deuxième lieu, la commission mixte paritaire a réintroduit la prise en compte des installations agrivoltaïques dans l’établissement des conditions :

  • De l’obligation d’achat (Cf. Article L. 314-4 du code de l’énergie) ;
  • Des compléments de rémunération (Cf. article L. 314-20 du code de l’énergie).

Le projet de loi prévoit que ces dispositions seront applicables à compter de la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne.

En troisième lieu, un article L. 314-37 du code de l’énergie prévoit que l’autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence pour la mise en place et l’exploitation d’installations agrivoltaïques, afin de contribuer à l’objectif mentionné au 4° quater du I de l’article L. 100‑4 mentionné ci-dessus.

Ensuite, un article L. 314-38 du code de l’énergie prévoit de garantir l’éligibilité de la surface agricole d’accueil de l’installation agrivoltaïque aux aides directes de la PAC.

Enfin, la commission mixte paritaire a introduit un nouvel article L. 314-39 du code de l’énergie, qui dispose que l’autorité administrative compétente pour statuer sur le projet d’installation agrivoltaïque devra informer sans délai le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunal concernés.

Sur les nouvelles dispositions pour la prise en compte du développement des installations agrivoltaïques dans divers documents de planification

La commission mixte paritaire a adopté des dispositions afin que certains documents de planification puissent fixer des objectifs relatifs aux installations agrivoltaïques :

  • La programmation pluriannuelle de l’énergie devra comporter une évaluation du potentiel des installations agrivoltaïques (article L. 141-2 du code de l’énergie) :
  • Le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales) ;
  • Le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (article L. 222-1 du code de l’environnement) ;
  • Le plan climat-air-énergie territorial (article L. 229-26 du code de l’environnement)

En conclusion, si la commission mixte paritaire a introduit de nouvelles mesures et quelques modifications, l’article 54 du projet de loi n’a pas été substantiellement amendé. Si ces mesures peuvent apparaître complexes, elles permettent l’introduction d’un régime juridique, actuellement inexistant, des installations agrivoltaïques. 

Clémentine Vagne
Avocate

Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.

À lire également

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Notre Cabinet

Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.

Nos Compétences

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.

Contact

Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.