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[Webinaire] 4 décembre 2025 – Certificats d’économies d’énergie (CEE) : le point sur le projet de décret relatif à la sixième période
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
[webinaire] 23 octobre 2025 – Procédure et contentieux de l’autorisation environnementale : ce qu’il faut savoir
Agrivoltaïsme : la procédure de l’avis conforme de la CDPENAF est conforme à la Constitution (Conseil d’Etat)
Par une décision n°495025 du 18 septembre 2025, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question (QPC) relative à la conformité à la Constitution de la procédure de l’avis conforme de la la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Un avis parfois redouté par les porteurs de projets d’agrivoltaïsme. Si la réponse du Conseil d’Etat est fondée en droit, il faut espérer que la question posée – pertinente en fait – permettre de rouvrir un débat sur le risque d’un transfert du pouvoir de décision administrative, de l’autorité décisionnaire vers l’autorité exprimant un avis conforme. Commentaire.
L’autorisation de nombreuses installations agrivoltaïques et agricompatibles est subordonnée à l’expression par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) d’un avis conforme. L’article 54 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) a en effet inséré, au sein du code de l’urbanisme, un article L. 111-31 du code de l’urbanisme aux termes duquel l’implantation d’installations agrivoltaïques et agricompatibles sur les sols des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) est autorisée sur avis conforme de la CDEPENAF, sauf, après l’entrée en vigueur du document-cadre départemental prévu à l’article L. 111-29 du même code, pour les projets d’installations agricompatibles envisagés dans une zone couverte par un document-cadre, pour lesquels la CDPENAF rend un avis simple.
L’autorisation de ces installations dépend donc, très souvent, de l’avis conforme de la CDEPENAF puisque l’Etat ne peut s’en écarter. Les porteurs de projets d’installations agrivoltaïques et agricompatibles peuvent donc craindre que cet avis conforme de la CDEPENAF n’aboutisse à lui conférer un pouvoir de décision véritable. Au surplus, la CDEPENAF est surtout composée de représentants des profession agricole de telle sorte qu’il n’est pas démontré que les différents acteurs et les différents intérêts d’un projet agrivoltaïque soient représentés de manière équilibrée.
La question posée par cette société dans le cadre de ce contentieux était donc particulièrement intéressante même si la réponse du Conseil d’Etat n’est pas surprenante. Il faut souhaiter que la décision ici commentée permettre de rouvrir le débat sur les avantages et inconvénients des avis conformes qui, en droit et dans les faits, reviennent à transférer l’essentiel du pouvoir de décision de l’Etat à l’auteur dudit avis.
C’est dans ce contexte que la société X a :
- d’une part, déposé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation des articles 2, 3 et 4 du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers, ainsi que son décret rectificatif publié le 27 avril 2024
- d’autre part, demandé au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question (QPC) de la conformité à la Constitution de l’article 54 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite » loi APER » en tant qu’il introduit, dans le code de l’urbanisme, des articles L. 111-31 et L. 111-32 et, dans le code de l’énergie, un article L. 314-40 prévoyant l’intervention d’un avis conforme de la CDEPENAF, ainsi que des articles L.112-1-1, L. 112-1-2 et L. 181-10 du code rural et de la pêche maritime relatifs à la composition et l’office de cette commission.
Le Conseil d’Etat a rejeté cette QPC pour les motifs suivants :
- le Conseil d’Etat a considéré que l’attribution par le législateur d’un pouvoir d’avis conforme à la CDPENAF ne revient pas à lui déléguer un pouvoir de décision (point 5). Certes, sur le plan strictement formel, cette analyse est juste : le pouvoir de décision appartient toujours à l’Etat et à ses représentants. Le Conseil d’Etat – qui juge en droit et non en fait – pouvait donc difficilement juger autrement. Reste que, dans la pratique, la question demeure. L’autorité décisionnaire ne pouvant contredire l’autorité exprimant un avis conforme, l’endroit exact d’exercice du pouvoir de décision demeure incertain.
- le Conseil d’Etat a considéré que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 n’a pas d’incidence sur la composition des autorités administratives exprimant un avis conforme (point 6 à 8). La composition de la CDPENAF ou bien l’absence de composition précise de la CDPENAF par le législateur ne posent donc pas de difficulté au regard de cet article qui ne lui est pas applicable. Pour mémoire, l’article 16 DDHC dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution.«
- le Conseil d’Etat a écarté le grief relatif à la liberté d’entreprendre dés lors que le législateur a poursuivi un but d’intérêt général en réalisant un équilibre entre le développement de cette énergie renouvelable et la préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières (points 9 et 10).
- le Conseil d’Etat a écarte le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que des articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement, toujours au motif d’une recherche d’équilibre entre le développement de cette énergie renouvelable et la préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières
- le Conseil d’Etat a rappelé – comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises – que la violation de l’article 6 de la ne peut pas être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité
- la différence de situation entre les projets d’implantation d’installations agricompatibles dans une zone couverte par un document-cadre les projets d’implantation d’installations agricompatibles lorsqu’un tel document-cadre n’a pas été établi dans le département ou que les projets d’implantation d’installations agrivoltaïques justifie que l’avis soit simple dans le premier cas et conforme pour les seconds, sans violation du principe d’égalité.
- la CDPENAF n’a pas à émettre un avis conforme quant à la durée des autorisations délivrées en vue de l’implantation d’installations agrivoltaïques ou agricompatibles, ou quant aux conditions de leur démantèlement. Elle ne peut pas exiger des exploitants la constitution de garanties financières particulières.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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