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[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
[webinaire] 23 octobre 2025 – Procédure et contentieux de l’autorisation environnementale : ce qu’il faut savoir
AZF : retour sur les évolutions du droit de l’environnement depuis la catastrophe du 21 septembre 2001
20 ans après le drame causé par l’explosion de l’usine AZF de Toulouse, retour sur les principales conséquences de cette catastrophe pour le droit de l’environnement.
Rappel des faits
Etendu sur 78 hectares, le site AZF de Toulouse était une usine chimique de production d’engrais azotés classée Seveso 2 (Classement issu de la directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012 dite « directive Seveso 3 », JORF 24 juillet 2012. Elle concerne environ 10 000 établissements dans l’Union européenne, dont 1301 établissements SEVESO en France en 2020 (692 en seuil haut et 609 en seuil bas).
Le 21 septembre 2001, un stock de 300 à 400 tonnes de nitrates d’ammonium a explosé provoquant un séisme de magnitude 3,4. Située en zone urbanisée, l’explosion du site entraînera la mort de trente-et-une personnes, en blessera deux mille cinq cents et causera des destructions importantes dans la partie sud-ouest de la ville de Toulouse .
La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages
A la suite de cette catastrophe, le droit de l’environnement a d’abord été marqué par l’adoption de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. La loi « Bachelot » s’inscrit dans le cadre d’un plan d’actions global, comprenant un volet risques technologiques et un volet risques naturels. En effet, cette loi ne se résume pas à une réaction de circonstance face aux événements tragiques survenus à Toulouse, elle prend en compte des tendances plus générales de l’évolution de l’urbanisme et du droit de l’environnement. Elle vise ainsi quatre objectifs principaux : renforcer l’information des riverains, sensibiliser les salariés et les sous-traitants, apporter une maîtrise de l’urbanisation, définir la notion de risque technologique.
Le plan d’actions mis en place par la loi a permis un renforcement des effectifs des inspecteurs des installations classées, avec notamment la création d’une cellule d’appui aux situations d’urgence auprès de l’Institut national de l’environnement industriel et des Risques (INERIS). De plus, le dispositif permettant une meilleure information des riverains et des salariés a été complété par la création des commissions de suivi de site (CSS) ainsi que par les Comités locaux d’information et de concertation qui sont des lieux d’échange avec les riverains sur la cartographie des risques autour des sites.
Le volet risque technologique de la loi permet à l’Etat d’élaborer puis de mettre en œuvre des Plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Par ailleurs, les plans approuvés valent servitudes d’utilité publique. Ils concernent tous les établissements en état de fonctionnement et relevant du statut seuil haut, s’apparentant aux sites Seveso seuil haut au sens de la directive européenne Seveso et considérés comme tels au 31 juillet 2003.
Ces plans formant de véritables « glacis de protection », visent à améliorer la coexistence des sites industriels à hauts risques existants avec leurs riverains. Les PPRT délimitent alors les effets d’accidents susceptibles de survenir dans certaines installations pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publique directement, ou par la pollution du milieu. Les PPRT fixent des périmètres autour des installations à hauts risques afin de limiter les conséquences d’un éventuel accident sur la population voisine.
Les PPRT poursuivent trois objectifs :
- agir sur l’urbanisation existante,
- maîtriser l’urbanisation future,
- réduire le risque à la source dès que la situation l’exige.
Des zones dites de « maîtrise de l’urbanisation future » permettent d’interdire ou de soumettre à autorisation les nouvelles constructions .
Des zones dites « de prescription » relatives à l’urbanisation délimitent des secteurs dits « de délaissement » en raison de l’existence de risques importants d’accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine, et des secteurs dits « d’expropriation » en raison de l’existence de risques importants d’accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine .
La mise en application de la loi du 30 juillet 2003
La loi Bachelot du 30 juillet 2003 a traduit la volonté du législateur de remettre en cohérence le droit et l’usage des sols à proximité des établissements classés concernés avec la délimitation et l’intensité des risques industriels. Plusieurs textes réglementaires précisent et codifient ainsi aux articles L. 515-15 à L. 515-22 et R. 515-39 et suivants du code de l’environnement les conditions et les modalités d’élaboration des PPRT .
Le décret n°2005-1130 du 7 septembre 2005 a défini la procédure d’élaboration du contenu des PPRT . Il prévoit que le préfet doit recenser des installations de son territoire dans le voisinage desquelles peuvent être instituées des servitudes d’utilité publique en raison de l’importance des risques pour la santé ou la sécurité des populations voisines. Le préfet prescrit par arrêté l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques qui détermine son périmètre d’application, la nature des risques, les services instructeurs, la liste et les modalités de la participation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés. L’arrêté préfectoral doit également apporter des éléments sur les modalités de concertation avec les habitants et les associations locales . Le décret fixait également les éléments devant être contenus dans le dossier de PPRT: des documents graphiques, un règlement comportant les mesures d’interdiction et de réglementation des activités, les droits de délaissement, de préemption, d’expropriation, les mesures de protection des populations, le calendrier de mise en œuvre du plan. Le projet de PPRT est alors soumis à une enquête publique d’une durée d’un mois .
Le décret n° 2011-208 du 24 février 2011 a simplifié la procédure d’élaboration du PPRT en cas d’application de mesures supplémentaires de prévention des risques sur le site industriel, en substitution de mesures foncières . Il est ainsi désormais possible de prendre en compte ces mesures dès le début de la procédure de l’élaboration du PPRT. Ces mesures ainsi qu’une information sur leur coût pourront être intégrées dans le PPRT lui-même. La convention de financement devra être conclue avant le début de l’enquête publique.
L’ordonnance du 22 octobre 2015 n°2015-1324 puis le décret du 5 mai 2017 n°2017-780 ont complété le décret initial du 7 septembre 2005 en modifiant la liste des documents compris dans un plan de prévention des risques technologiques et en prévoyant un dispositif d’accompagnement des riverains par les pouvoirs publics dans la réalisation d’un diagnostic visant à faciliter la mise en œuvre des obligations résultant du PPRT dans les zones de prescription . L’objectif de ces textes était notamment de prévoir, pour les activités riveraines aux installations, la possibilité de recourir à des mesures alternatives aux mesures d’expropriation et de délaissement et de bénéficier du financement tripartite (industriels à l’origine du risque, État, collectivités territoriales) dans la limite du montant des mesures foncières évitées. L’ordonnance permet également aux responsables d’activités riveraines situées dans des zones à risque moindre, de choisir les meilleures mesures de protection des personnes, plutôt que de leur imposer des solutions de travaux rigides parfois inadaptées.
Le contentieux devant les juridictions répressives
Le drame survenu le 21 septembre 2001 a donné lieu à un contentieux long et important. Aux termes de six ans d’instruction, la société exploitante du site et son directeur ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel des chefs d’homicide involontaire, blessures involontaires, destruction involontaire de biens appartenant à autrui et omission de prise des mesures nécessaires à la protection de la santé des travailleurs. En première instance, le Tribunal correctionnel de Toulouse n’était pas entré en voie de condamnation (TGI Toulouse, 3ème Chambre, 19 novembre 2009, n°1110/09).
Ce jugement a été infirmé par la Cour d’appel de Toulouse qui a reconnu la responsabilité pénale de la société exploitante et de son dirigeant concernant les infractions d’homicides et de blessures involontaires. L’ancien directeur de l’usine et la société exploitante ont été respectivement condamnés à trois ans de prison, dont deux avec sursis et 45 000 € d’amende pour le premier et à 225 000 € d’amende pour la seconde.
Par un arrêt du 13 janvier 2015, la Cour de Cassation a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel de Toulouse car il existait un doute objectif sur l’impartialité de l’un des juges et la condamnation pour destruction involontaire par explosion n’était pas justifiée en droit (Cour de cassation, Chambre Criminelle. 13 janvier 2015, n° 12-87.059, n° 6661 FS – P + B + R + I).
Finalement, le 31 octobre 2017, après un troisième procès de 53 jours réunissant 2 700 parties civiles, 187 témoins et plus de 40 avocats, la Cour d’appel de Paris a condamné des chefs d’homicides et de blessures involontaires le directeur de l’usine AZF à une peine de quinze mois d’emprisonnement assortie intégralement du sursis et à une peine d’amende de 10 000 €. La personne morale gestionnaire du site, a été condamnée à une amende de 225 000 € (Décision confirmée en cassation : Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2019, n°2631 (17-87.465)).
Le contentieux devant les juridictions administratives
La juridiction administrative a également eu à connaître de l’affaire. Par une décision le 30 septembre 2010, le Tribunal administratif de Toulouse a rendu rejetant la demande indemnitaire des victimes de l’exposition. Pour le tribunal administratif, il n’était pas établi que le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence allégués par les intéressés soient la conséquence directe des fautes de l’Etat (TA Toulouse, 30 septembre 2010, n°0504966).
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement et a reconnu la carence fautive des services de l’Etat dans leur activité de contrôle de l’installation : « 9. Considérant que l’État ne peut, pour s’exonérer de sa responsabilité née de ses propres carences à identifier ou sanctionner des défaillances détectables, durables et d’incidence très grave dans l’exploitation d’installations classées pour la protection de l’environnement qu’il a autorisées, se prévaloir de l’existence même des fautes de cette nature imputables à cet exploitant, dès lors que son action aurait dû précisément avoir pour objet et pour effet d’éviter qu’elles ne soient commises ; » (CAA Bordeaux, 24 janvier 2013, n°10BX02881).
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a toutefois jugé que l’administration n’ayant pas eu connaissance de l’existence d’un stockage irrégulier de produits dangereux, la carence fautive de l’Etat ne pouvait pas être retenue : « Considérant qu’en jugeant que la seule existence d’un stockage irrégulier de produits dangereux pour des quantités importantes et sur une longue période dans le bâtiment 221 du site de l’usine AZF révélait une faute de l’administration dans sa mission de contrôle de ces installations, alors qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l’existence d’une telle faute doit s’apprécier en tenant compte des informations dont elle pouvait disposer quant à l’existence de facteurs de risques particuliers ou d’éventuels manquements de l’exploitant, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, le ministre est fondé à demander l’annulation des arrêts du 24 janvier 2013 ; » (CE, 17 décembre 2014, n°367202).
La mise en oeuvre des mesures législatives et réglementaires prises à la suite de la catastrophe
Depuis l’adoption de la loi « Bachelot » en 2003, sur les 390 Plans de prévention des risques technologiques élaborés, 385 ont été approuvés. Ainsi en février 2020, ces mesures concernaient plus de 800 communes ainsi que plus de 600 biens (logements et activités) fortement exposés et potentiellement sont touchés par des mesures foncières (expropriation ou délaissement) et plus de 16 000 logements avaient reçus des prescriptions de travaux .
Comme l’a rappelé une instruction gouvernementale du 31 mars 2016, l’importance d’achever la phase d’élaboration des PPRT et surtout d’accélérer la phase de mise en œuvre sont prioritaires pour éviter tous nouveaux risques d’accidents industriels. L’instruction précise les modalités de pilotage, par les préfets de département, de la phase de mise en œuvre des PPRT et détaille l’ensemble des outils à disposition des services déconcentrés pour accompagner les collectivités à mener à bien les différentes mesures prévues par les plans .
Toutefois, depuis le drame de l’usine AZF à Toulouse, la France a connu d’autres catastrophes industrielles dans des usines classées Seveso seuil haut. Parmi les plus retentissantes, celle du 3 juillet 2019 à Saint-Germain-en-Laye, où une usine de retraitement des eaux usées a pris feu polluant la Seine ou encore, le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine de la société Lubrizol à Rouen.
L’Instruction du Gouvernement du 2 octobre 2019 « relative aux premières mesures à prendre à la suite de l’accident survenu dans l’entreprise Lubrizol le 26 septembre 2019 » a rappelé aux Préfets la nécessité de sensibiliser les exploitants au caractère opérationnel « des mesures de prévention, limitation et protection d’un accident » tout en leur rappelant leur responsabilité sur la conformité des installations (Instruction du Gouvernement du 31 mars 2016 relative à l’accélération de la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques, BO n°2016-07 du 25 avril 2016).
De la même façon, l’Instruction du Gouvernement du 31 décembre 2019 relative aux actions nationales de l’inspection des installations classées pour l’année 2020 a veillé à ce que les effectifs de contrôle de l’inspection des installations classées ne diminuent pas, au niveau national, pour l’année 2020 .
Ainsi, l’inventaire des incidents et accidents technologiques survenus en 2020 a relevé que « l’année 2020 enregistre une baisse significative de l’ensemble des événements et plus légère des accidents. Le nombre d’accidents majeurs reste compris dans la fourchette habituelle (environ une demi-douzaine par an). Leurs conséquences sont principalement économiques. »
Sophia Faddaoui
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
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