Compensation de la biodiversité : la destruction d’une zone de compensation n’exonère pas l’exploitant de son obligation de gestion (CAA de Marseille, 3 mars 2023, n°22MA00886)

Mar 6, 2023 | Droit de l'Environnement

Par un arrêt n°22MA00886 rendu ce 3 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la légalité de l’arrêté par lequel un préfet a mise en demeure le débiteur de l’obligation de compensation d’avoir a remettre en état une zone de compensation détruite par un tiers. Commentaire. 

I. Les faits et la procédure

24 octobre 2015 : arrêté (modifié) par lequel le préfet de X a autorisé la destruction et la transplantation d’espèces protégées, par des mesures de réduction d’impacts et des mesures compensatoires, dans le cadre d’un projet d’aménagement de la société X. 

30 janvier 2020 : le préfet a mis en demeure cette société de restaurer l’état des parcelles utilisées pour la réalisation de mesures compensatoires, en y rétablissant notamment la population de tortues d’Hermann. Ces parcelles auraient été détruites par un tiers. 

25 janvier 2022 : jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la société X, tendant à l’annulation de cet arrêté du 30 janvier 2020.

II. La destruction d’une zone de compensation par un tiers n’exonère pas son gestionnaire de son obligation d’exécution de la mesure de compensation mise à sa charge

Aux termes de cet arrêt rendu le 3 mars 2023, la cour administrative de Marseille a rejeté la demande d’annulation du jugement frappé d’appel.

L’arrêt précise :
« 8. La société X conteste l’existence d’un manquement en faisant valoir qu’elle a respecté l’ensemble des obligations, quantitatives et qualitatives, prescrites par les arrêtés préfectoraux des 24 octobre 2015 et 7 octobre 2016. Toutefois, la circonstance que cette société a alloué une surface de 22, 99 hectares aux mesures de compensation, supérieure à la surface minimale de 20 hectares prévue par l’arrêté du 7 octobre 2016 est sans incidence sur l’existence du manquement qui lui est reproché, résultant du constat de la destruction effective des terrains dont elle assurait la gestion au titre de la compensation. Par ailleurs, les circonstances que l’origine de la destruction est imputable à un tiers, que les terrains de compensation appartiennent à la commune de X, et qu’ils ont fait l’objet d’un conventionnement avec le Conservatoire d’espaces naturels de X sont également sans influence sur le manquement constaté, résultant du non-respect de son obligation de gestion de ces terrains, afin d’assurer l’effectivité des mesures de compensation.« 
Le préfet est donc bien en droit de mettre en demeure le gestionnaire d’une mesure de compensation de remettre en état une zone de compensation, ce compris si cette dernière a été détruite par un tiers. Le fait du tiers n’exonère par le gestionnaire de la compensation de son obligation de compensation mise à sa charge par l’administration. 
Le manquement administratif est donc constitué et le préfet est en droit de mettre en demeure le débiteur de l’obligation de compensation d’avoir à la respecter. Ledit débiteur pourra bien entendu rechercher en responsabilité l’auteur de la destruction de la zone de compensation, à supposer notamment que celui-ci puisse être identifié.
Arnaud Gossement
Avocat – professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

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