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Constitution : treize ans après la Charte de l’environnement, les députés proposent de créer une nouvelle référence à la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution de 1958
Au cours des débats en séance publique sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, les députés viennent de voter en séance publique un amendement n°328 qui prévoit d’insérer la phrase suivante à l’article 1er : « Elle [la France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques. » Analyse.
Les débats parlementaires en cours sur le projet de loi constitutionnelle ont été en partie consacrés au renforcement de la place de l’environnement dans la Constitution. Dans ce cadre, les députés ont rejeté un amendement prévoyant d’inscrire le principe de non régression parmi les principes de la Charte de l’environnement et voté un amendement proposant d’insérer une référence à la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution.
Symbolique, cette phrase présente cependant plusieurs inconvénients et s’avère en retrait par rapport au droit de l’environnement existant, notamment, par rapport à la Charte de l’environnement adossée en 2005 à la Constitution de 1958.
I. Le vote de l’amendement n°328 sur la préservation de l’environnement
Les députés ont voté un amendement n°328 présenté par plusieurs députés de la majorité et tendant à insérer la phrase suivante au sein de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Elle [la France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.«
Le fractionnement de la notion d’environnement. Les auteurs de la Charte de l’environnement avait pris soin de ne pas « découper » la notion de l’environnement pour en conserver le caractère souple et global. Jusqu’à présent l’environnement comprenait bien entendu les notions de diversité biologique et de changements climatiques. La phrase que les députés proposent d’inscrire à l’article 1er de la Constitution rompt avec cette histoire et extrait ces deux notions de celle d’environnement : « Elle [la France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques. » Jusqu’à présent, lorsque le législateur évoquait l’environnement dans une loi, cette dernière était susceptible de concerner également la diversité biologique ou le climat. A l’avenir, si cette phrase était inscrite dans la Constitution de 1958, le législateur devra veiller à bien citer ces trois notions pour ne pas être suspecté d’avoir écarté du champ d’application d’un texte, la diversité biologique ou le climat. Une complication inutile du droit.
Autre écueil : deux éléments ont été extraits de la notion d’environnement : « la diversité biologique » et « les changements climatiques ». Le projet de loi proposait initialement de ne faire référence qu’au changement climatique à l’article 34 de la Constitution de 1958. Pour ne pas froisser des militants de la protection de la nature soucieux que l’écologie ne soit pas bornée à la seule question des émissions de gaz à effet de serre, la majorité a alors décidé d’ouvrir la liste à la diversité biologique. Le débat ne manquera pas d’avoir lieu sur ce choix car d’autres éléments de la notion d’environnement aurait également pu être ainsi mis en relief au sein de cette phrase que les députés proposent d’inscrire à l’article 1er de la Constitution.
L’environnement réduit à sa préservation. La référence à la « préservation de l’environnement’ existe déjà au sein du « bloc de constitutionnalité » composé de l’ensemble des textes à valeur constitutionnelle. L’article 2 de la Charte de l’environnement – qui a la même valeur constitutionnelle que l’article 1er de la Constitution de 1958 – précise en effet : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. » Cette phrase présente l’intérêt de créer, non un simple objectif mais « un devoir » qui s’impose à « toute personne » (physique ou morale, publique ou privée).
La phrase que les députés proposent d’inscrire à l’article 1er présent l’inconvénient de réduire l’environnement à sa « préservation » alors que l’article 2 de la Charte mentionne en outre son « amélioration ». Une lacune repérée par Nicolas Hulot qui proposait d’insérer les mots « amélioration constante » au sein de la phrase à inscrire à l’article 1er de la Constitution. Une proposition qui n’a pas été retenue par le Gouvernement et sa majorité parlementaire.
L’action contre les changements climatiques ramenée à une obligation de moyen. La phrase que les députés proposent d’inscrire à l’article 1er de la Constitution de 1958 se borne à préciser que la France « »agit » « contre les changements climatiques ». L’emploi du verbe agir ne figure pour l’instant pas dans la Constitution de 1958 et ne reçoit pas de définition précise au sein de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette phrase ne définit donc qu’une obligation de moyen sinon une obligation de mouvement (« agir »). Ce qui constitue un recul par rapport à l’état du droit international. L’Accord de Paris adopté dans le cadre de Convention cadre sur les changements climatiques présentait l’intérêt de définir une obligation de résultat. Les Etats sont notamment tenus de publier des contributions nationales qui doivent effectivement contribuer à ne pas dépasser les +1,5°C à la surface du globe. La phrase adoptée par les députés ne comporte aucune référence à aucun seuil et n’oblige que « la France » a « agir ». Force est de constater qu’en matière de changement climatique, la rédaction du droit international est plus ambitieuse que celle du droit constitutionnel.
La question du contenu de l’objectif d’action contre les changements climatiques. Il aurait été précieux que les députés s’assurent que l’action contre les changements climatiques ne soit pas réduite aux seules émissions de gaz à effet de serre comme le Conseil constitutionnel a pu le faire par le passé à propos de l’objectif législative de lutte contre le changement climatique. Par une décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, le conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la constitution l’article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000. Cet article étendait la taxe générale sur les activités polluantes à l’électricité et aux produits énergétiques fossiles. Le motif de cette décision du Conseil constitutionnel tient à ce que la mesure serait contraire à l’objectif même poursuivi par le législatif : « 37. Considérant, d’autre part, qu’il est prévu de soumettre l’électricité à la taxe, alors pourtant qu’en raison de la nature des sources de production de l’électricité en France, la consommation d’électricité contribue très faiblement au rejet de gaz carbonique et permet, par substitution à celle des produits énergétiques fossiles, de lutter contre l' » effet de serre » ;«
La création d’une dissymétrie entre la Constitution et le code de l’environnement. Les auteurs de la Charte de l’environnement avaient pris soin, grâce aux travaux du comité juridique mis en place pour préparer le texte, de ne pas créer de dissymétrie entre le code de l’environnement et la Constitution. Cette sage précaution n’a pas été prise en 2018.
Il convient en effet de souligner que la lutte contre le changement climatique est d’ores et déjà mentionné dans la loi. Au sein de l’article L.110-1, du code de l’environnement, de valeur législative, « la lutte contre le changement climatique » correspond à un « engagement » destiné à réaliser l’objectif de développement durable.
Il conviendrait d’éviter que la lutte contre le changement climatique soit : d’une part un engagement au service de l’objectif du développement durable à l’article L.110-1 du code de l’environnement, d’autre part un simple objectif non relié à celui de développement durable à l’article 1er de la Constitution. Cette discordance entre la Constitution et le Code de l’environnement devrait être évitée. On soulignera également que le code de l’environnement et la Constitution ne s’accorderont pas sur l’emploi du singulier ou du pluriel. Alors le code de l »environnement fait référence à la « lutte contre le changement climatique », la Constitution fera référence à l’action « contre les changements climatiques ».
Une référence redondante à la diversité biologique. La Charte de l’environnement faisant d’ores et déjà état de la diversité biologique : « Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ; » Cette référence figurant parmi les considérants introductifs de la Charte de l’environnement, il n’était pas nécessaire de la citer parmi les valeurs de la République présentées à l’article 1er de la Constitution de 1958. Une répétition qui ne porte au demeurant que sur les termes « diversité biologique » alors que la Charte avait pris soin de les mentionner au sein d’une phrase destinée à leur donner un sens précis. La Charte précise en effet les causes principales de « menace » de « diversité biologique » : « certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ». Le devoir de préservation de l’environnement comporte donc nécessairement l’obligation de tenir compte de ces causes de menace de la diversité biologique.
II. Le rejet de l’amendement relatif au principe de non régression
Au cours des débats en séance publique relatifs au projet de loi constitutionnelle n°911, les députés ont rejeté l’amendement n°386 défendu par le député François-Michel Lambert qui prévoyait d’insérer une disposition relative au « principe de non régression » au sein de la Charte de l’environnement.
Ce vote de rejet est surprenant car le Président de la République a défendu devant l’ONU un « Pacte mondial pour l’environnement » qui comporte un article sur le principe de non régression. Or, devant l’Assemblée nationale, certains députés de la majorité ont eu des propos très durs contre ce principe pourtant d’ores et déjà inscrit dans la loi et appliqué par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat, dont le sens et la portée ne semblent pas bien compris.
En conclusion et à notre sens, il est regrettable que ces débats parlementaires sur la révision de la Constitution n’aient pas été précédés d’une expertise juridique rigoureuse et contradictoire. Laquelle aurait permis d’éclairer les travaux des députés, de faire le bilan de l’application de la Charte de l’environnement et d’évaluer la portée, notamment jurisprudentielle, de ces nouvelles dispositions. L’urgence n’est pas de voter de nouvelles normes mais d’appliquer et de simplifier celles existantes.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
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