Déchets : l’éco-contribution n’est pas un prélèvement fiscal ou une taxe (Conseil d’Etat)

Jan 10, 2018 | Environnement

Par arrêt n°408425 du 28 décembre 2017, le Conseil d’Etat a rappelé que l’éco-contribution destinée à financer la prévention et la gestion des déchets par application du principe de la responsabilité élargie du producteur, n’est pas un prélèvement obligatoire de nature fiscale. La confirmation d’une jurisprudence désormais bien établie.

Le dispositif de l’éco-contribution

Pour mémoire, par application du principe de la responsabilité élargie du producteur, l’Etat peut demander aux producteurs (metteurs sur le marché) de certains produits, de prendre en charge par avance la gestion des déchets qui seront issus de ces produits.

En simplifiant un peu, il convient de souligner que, pour assurer cette gestion, les producteurs concernés peuvent, soit créer un système individuel, soit adhérer à un éco-organisme à qui transférer leur obligation au titre du principe de la responsabilité élargie du producteur.

Tel est le cas pour les déchets de navires de plaisance ou de sport. L’article L. 541-10-10 du code de l’environnement précise en effet que : « A compter du 1er janvier 2017, toutes les personnes physiques ou morales qui mettent sur le marché national à titre professionnel des navires de plaisance ou de sport sont tenues de contribuer ou de pourvoir au recyclage et au traitement des déchets issus de ces produits. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

L’éco-contribution n’est pas une taxe

Une fédération professionnelle a récemment formé un recours devant le Conseil d’Etat pour demander l’annulation du le décret n° 2016-1840 du 23 décembre 2016 relatif au recyclage et au traitement des déchets issus des bateaux et navires de plaisance ou de sport.

Cette requérante a notamment soutenu que ce décret avait illégalement créé un prélèvement fiscal. Pour le Conseil d’Etat, cette éco-contribution n’est pas un « versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique » mais « la contrepartie directe du service » qui est rendu par l’éco-organisme auquel un producteur adhère :

« 2. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu’un producteur opte pour la seconde branche de l’alternative prévue par cette dernière disposition, la contribution financière versée à l’organisme agréé constitue la contrepartie directe du service qui lui est rendu par celui-ci, consistant à pourvoir, pour son compte, au traitement des déchets issus des bateaux de plaisance ou de sport qu’il a mis sur le marché national, et ne saurait être regardée, contrairement à ce que soutient la requérante, comme un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique ; que la circonstance que le législateur ait prévu que la gestion de la fin de vie des navires de plaisance ou de sport mis sur le marché antérieurement à l’entrée en vigueur des textes précités serait notamment financée par une quote-part du produit brut du droit annuel de francisation et de navigation, dont le montant et l’organisme affectataire sont déterminés annuellement par la loi de finances, est sans incidence sur l’appréciation du caractère non fiscal de la contribution précédemment mentionnée ; que par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire a, par le décret attaqué, incompétemment instauré une contribution, doit être écarté ».

Les autres moyens de la requête étant également écartés par le Conseil d’Etat, la requête est rejetée.

La confirmation d’une jurisprudence constante

L’éco-contribution destinée à financer l’activité des éco-organismes est parfois conçue comme un prélèvement obligatoire de nature fiscale par les producteurs des filières de responsabilité élargie du producteur. Les cahiers des charges des éco-organismes précisent souvent que cette contribution ne constitue cependant pas une taxe.

Le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises que l’éco-cotribution n’est pas « un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique. »

Ainsi, par un avis en date du 11 juillet 2011 relatif à la qualification de l’éco-contribution dans le cadre de la filière des emballages, le Conseil d’Etat a jugé que l’éco-contribution versée pour assurer des déchets d’emballages, conformément au principe de responsabilité élargie des producteurs, ne saurait être regardée comme « un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique. » (cf. CE, 11 juillet 2011, n°346698) :

« 4. Il résulte des dispositions précitées que tout producteur qui, à titre professionnel, emballe ou fait emballer ses produits en vue de leur mise sur le marché à destination de la consommation des ménages est tenu, soit de pourvoir lui-même à l’élimination des déchets résultant de l’abandon des emballages qu’il utilise, soit de recourir, pour l’élimination de ses emballages usagés, aux services d’un organisme ou d’une entreprise agréé avec lesquels il passe un contrat conforme aux clauses d’un cahier des charges. Lorsque le producteur opte pour la seconde branche de cette alternative, la contribution financière versée à l’organisme agréé mentionné à l’article 4 du décret du 1er avril 1992, si elle se rattache à l’exercice d’une mission d’intérêt général qui consiste à organiser sur le territoire national la collecte sélective, le tri, le recyclage et la valorisation énergétique des emballages ménagers, constitue la contrepartie directe du service qui lui est rendu par cet organisme, consistant à réaliser, pour son compte, les prestations ayant pour but d’éliminer les résidus d’emballages et ne saurait être regardée comme un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique. Par suite, les sommes versées à l’organisme agréé doivent être regardées, pour l’application des dispositions de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, comme une consommation de biens et services en provenance de tiers. »

Par un arrêt récent en date du 23 janvier 2014, la Cour administrative d’appel de Paris a également jugé que si l’éco-contribution (parfois appelée « éco-participation ») n’est pas un prélèvement fiscal, il s’agit d’une « charge obligatoire » qui s’impose aux parties à un marché public :

« si la contribution financière versée supportée par les producteurs et répercutée à l’identique jusqu’au consommateur final ne constitue pas un prélèvement fiscal, elle représente cependant une charge obligatoire, qui augmente le prix des produits ; qu’eu égard aux caractéristiques de cette contribution et à la circonstance que la charge intégrale en incombe nécessairement au consommateur final, les dispositions de l’article L. 541-10-2 du code de l’environnement sont applicables aux marchés en cours à la date de leur entrée en vigueur ; que par suite, la société C. était fondée à répercuter le montant de cette contribution versé à ses fournisseurs dans les factures émises à compter du 15 novembre 2006 au titre des marchés litigieux ; (…) »

Considérant que lors des procédures d’appel d’offres afférentes aux marchés litigieux, le montant précis de la contribution prévue par l’article L. 541-10-2 du code de l’environnement, qui doit, ainsi qu’il a été dit, être répercuté à l’identique sur le consommateur final, ne pouvait être encore déterminé ; que les offres présentées par les différentes entreprises candidates, et notamment par la société C., ne pouvaient donc inclure le montant de l’éco-participation dans le prix de leurs produits ; que l’UGAP ne pouvait dès lors ignorer que les offres présentées n’incluaient pas ce montant ; qu’en demandant à compter du 15 novembre 2006 à l’UGAP la prise en charge des sommes dont elle s’était acquittée au titre de cette contribution, la société C. n’a donc pas méconnu les stipulations précitées, ni, en tout état de cause, remis en cause les conditions de concurrence initiale lors de la procédure d’appel d’offres » (Cf. CAA de Paris, 23 janvier 2014, n°12PA02969).

Aux termes de cet arrêt : l’éco-contribution est une charge obligatoire qui augmente le prix des produits ; les dispositions qui prévoient la répercussion de l’éco-contribution sur l’utilisateur final, sont applicables aux contrats en cours, dès la date de leur entrée en vigueur.

Cette jurisprudence démontre que les règles de fonctionnement des filières créées par application du principe de la responsabilité élargie du producteur doivent encore faire l’objet sinon d’un effort de simplification pour être mieux comprises et acceptées. 

Arnaud Gossement

Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats

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