En bref
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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Etude d’impact : attention à la « clause-filet »
Pour déterminer si un projet est ou non soumis à l’obligation de réaliser une étude d’impact, les maîtres d’ouvrage doivent étudier l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 et son décret n° 2016-1110 du 11 août 2016. Ces deux textes ont procédé à une importante réforme de l’évaluation environnementale. Dans ce cadre, l’attention des maîtres d’ouvrage est attirée sur la notion de « clause filet » : un projet, même en deçà des seuils de déclenchement de l’obligation de réalisation d’une étude d’impact peut être soumis à cette obligation.
I. Les trois catégories de projets soumis à étude d’impact
Il existe trois catégories de projets soumis à étude d’impact. Chaque maître d’ouvrage doit donc vérifier si son projet est susceptible de correspondre à l’une de ces trois catégories.
Les projets soumis à évaluation environnementale de manière systématique. Certains projets sont systématiquement soumis à étude d’impact. Il s’agit
- des projets énumérés à l’annexe I de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011
- des projets énumérés à l’annexe de l’article R.122-2 du code de l’environnement (1ère colonne)
Il convient de ne pas se borner à la lecture du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement. La liste des projets figurant en annexe I de la directive n°2011/92/UE s’impose et son respect peut être sanctionné par le juge administratif. Il est donc indispensable de prendre connaissance de ces deux listes pour vérifier si un projet est ou non soumis à étude d’impact systématique.
Les projets soumis à évaluation environnementale à la suite d’un examen au cas par cas. Si un projet n’est pas soumis à l’obligation de réaliser systématiquement une étude d’impact, il peut correspondre à la catégorie des projets qui pourront être soumis à cette obligation, au terme d’une procédure d’examen au cas par cas. La réforme de l’évaluation environnementale qui vient d’être réalisée par le Gouvernement tient, pour beaucoup, à une augmentation du nombre de projets qui seront soumis cet examen au cas par cas. Et ce malgré les limites de cette procédure, notamment du point de vue de l’objectif de simplification des procédures.
Les projets qui sont soumis à cette procédure d’examen au cas par cas sont les suivants :
- Les projets énumérés à l’annexe II de de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011
- Les projets énumérés à l’annexe de l’article R.122-2 du code de l’environnement (2ème colonne)
Les projets soumis à évaluation environnementale par application de la « clause filet ». Enfin, même si un projet n’est pas soumis à étude d’impact systématique ou à étude d’impact au cas par cas, il est possible qu’il soit soumis l’obligation d’étude d’impact selon la théorie de la clause filet. Ce que nous verrons ci-après.
Une étude d’impact globale. Il convient de noter tout d’abord que cette étude d’impact doit avoir un caractère global, dans le temps comme dans l’espace. L’article L. 122-1 III du code de l’environnement précise notamment « Lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité. »
Cas d’un projet relevant de plusieurs rubriques. Un même projet peut relever de plusieurs rubriques différentes au sein du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement. Dans ce cas, ce même article R.122-2 IV dispose : « Lorsqu’un même projet relève de plusieurs rubriques du tableau annexé, une évaluation environnementale est requise dès lors que le projet atteint les seuils et remplit les conditions de l’une des rubriques applicables. Dans ce cas, une seule évaluation environnementale est réalisée pour le projet. »
Le cas des procédés innovants. Certains projets, qui permettent la mise en œuvre de nouveaux procédés ou de nouvelles méthodes sont susceptibles de faire l’objet d’une étude d’impact au cas par cas et non de manière systématique. L’article R.122-2 I du code de l’environnement précise en effet : « A titre dérogatoire, les projets soumis à évaluation environnementale systématique qui servent exclusivement ou essentiellement à la mise au point et à l’essai de nouveaux procédés ou de nouvelles méthodes, pendant une période qui ne dépasse pas deux ans, font l’objet d’une évaluation environnementale après examen au cas par cas. » (nous soulignons).
II. Les projets soumis à évaluation environnementale au titre de la « clause-filet »
L’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne. Les termes « clause-filet » désignent, principalement, l’interprétation par laquelle la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les critères et seuil à partir desquels, en droit de l’Union européenne, un projet est soumis à évaluation environnementale, ont un caractère indicatif. En d’autres termes, un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement doit faire l’objet d’une évaluation environnementale, même s’il est en deçà des seuils et/ou critères de déclenchement de cette obligation.
A titre d’exemple, par arrêt du 24 mars 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’un projet « de dimension même réduite » peut avoir des incidences notables sur l’environnement et, partant, devoir être soumis par un Etat à l’obligation d’évaluation environnementale :
« 50. En effet, un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement et il ressort d’une jurisprudence constante que les dispositions de la législation de l’État membre qui prévoient l’évaluation de l’impact environnemental de certains types de projets doivent aussi respecter les exigences énoncées à l’article 3 de la directive 85/337 et prendre en compte l’effet du projet sur l’homme, la faune et la flore, le sol, l’eau, l’air ou le patrimoine culturel (voir arrêts du 13 juin 2002, Commission/Espagne, C-474/9 9, Rec. p. I-5293, point 32, et du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas, C-255/08, point 30). » (cf. Cour de justice de l’Union européenne, 24 mars 2011, Commission contre Belgique, C-435/09)
Ce qui a pour conséquence concrète que le recours à la technique des seuils et critères pour identifier les projets soumis à étude d’impact ne peut jamais avoir pour effet de soustraire à cette obligation un projet sui même si un projet est en deçà des seuils et critères « les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » :
« 52. Il résulte également d’une jurisprudence constante que, lorsque les États membres ont décidé de recourir à la fixation de seuils et/ou de critères, la marge d’appréciation qui leur est ainsi conférée trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, de soumettre, avant l’octroi d’une autorisation, à une étude d’incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (arrêts du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C-66/06, point 61 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Pays-Bas, précité, point 32). » (cf. Cour de justice de l’Union européenne, 24 mars 2011, Commission contre Belgique, C-435/09)
Le rapport Vernier. Le rapport intitulé « Moderniser l’évaluation environnementale » et remis en mars 2015 par le Groupe de travail présidé Jacques Vernier dans le cadre de la commission de modernisation du droit de l’environnement, mars 2015 proposait d’inscrire clairement en droit interne la notion de clause-filet.
Le rapport précise rappelle tout d’abord la réalité juridique de cette clause filet et l’intérêt de l’inscrire clairement en droit interne :
« Le maintien de la situation actuelle (sans clause-filet) ne garantit pas la sécurité juridique des projets. Le principe d’effectivité du droit de l’Union et le principe de coopération loyale ont donné lieu à des développements jurisprudentiels selon lequel « il incombe au juge national d’établir s’il existe en droit interne la possibilité de retirer ou suspendre une autorisation déjà accordée afin de soumettre ce projet à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément aux exigences de la directive 85/337, ou à titre alternatif, si le particulier y consent, la possibilité pour ce dernier de réclamer réclamation du préjudice subi (arrêt Wells, CJUE, 7 janvier 2004, C-201/02, point 65). Cette jurisprudence est établie. »
Fort de cette analyse, le rapport Vernier comporte la proposition suivante, laquell avait fait l’objet d’une quasi-unanimité :
« Mesure n° 1 : mise en place d’une « clause-filet » (article L. 122-1-1 III)
Une clause filet est indispensable afin de conforter nos « seuils d’exclusion » dans le cadre de l’examen au cas par cas, et ce, d’autant plus si ceux-ci sont remontés (discussion sur les seuils dans un 2e temps). Cette clause permettrait, pour les projets situés en deçà des seuils mais susceptibles toutefois d’avoir des incidences négatives notables sur l’environnement, de solliciter un examen au cas par cas auprès de l’AE. Cette possibilité devrait être ouverte à l’autorité compétente et au maître d’ouvrage [et aux tiers (point de débat)]. »
En définitive, le rapport Vernier propose d’insérer les dispositions suivantes à l’article L.122-1-1 du code de l’environnement. Les passages entre crochets sont ceux qui n’ont pas pu faire l’objet d’un consensus :
« « III. — Lorsqu’un projet, en deçà des seuils fixés, est toutefois susceptible d’avoir des incidences négatives notables sur l’environnement, l’autorité compétente transmet les informations relatives au projet dont elle dispose à l’autorité environnementale qui examine sans délai la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement ;
La saisine de l’autorité environnementale est également ouverte :
– au maître d’ouvrage qui peut transmettre à l’autorité environnementale une demande d’examen au cas par cas ;
– à [toute ONG agréée] [toute personne intéressée]
qui peut adresser à l’autorité compétente une
demande motivée en ce sens ;
Lorsque le maître d’ouvrage n’est pas à l’origine de la demande, l’autorité compétente l’informe sans délai.
L’absence de réponse de l’autorité compétente, saisie par [une ONG agréée] [toute personne intéressée] au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut rejet de la demande de saisine de l’autorité environnementale.
L’absence de réponse de l’autorité environnementale au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut dispense de réaliser une étude d’impact.
Les modalités d’application de ce paragraphe sont fixées par voie réglementaire. »
Cette proposition de rédaction avait pour mérite de permettre au maître d’ouvrage de lever toute incertitude sur la soumission d’un projet à l’obligation de composer une étude d’impact. Cette procédure aurait ainsi permis de saisir l’Autorité environnementale et d’appeler cette dernière à se prononcer.
Finalement, le Gouvernement a fait le choix de ne pas encadrer le régime juridique de la clause filet, dans le code de l’environnement. Dès lors, il est possible qu’un projet soit soumis à étude d’impact alors même qu’il est deçà des critères et seuils de déclenchement de l’obligation d’étude d’impact. Il convient de souligner que le choix de ne pas rédiger le régime juridique de cette clause filet dans le code de l’environnement ne change rien au fait que le droit de l’Union européenne continue de s’appliquer.
Le choix du Gouvernement de ne pas clarifier le régime de la clause filet est d’autant plus sujet à débat qu’il existe déjà une clause filet dans le code de l’environnement, pour le dispositif Natura 2000 (cf. article L.414-4 IV du code de l’environnement et circulaire du 26 décembre 2011 relative au régime d’autorisation administrative propre à Natura 2000
Conclusion. Un maître d’ouvrage qui doit déterminer si un projet est ou non soumis à étude d’impact doit
- Vérifier si son projet est soumis à étude d’impact systématique au regard des exigences du droit de l’Union européenne et du droit interne ;
- Vérifier si son projet est soumis à la procédure d’examen au cas par cas ;
- Vérifier si son projet n’est pas susceptible de se voir opposer la clause filet. Dans ce dernier cas, en cas de doute, il sera conseillé d’interroger l’administration compétente.
Arnaud Gossement
Avocat associé
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On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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