En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Faut-il proroger le délai de validité de cinq ans d’une enquête publique ?
Le cabinet est souvent interrogé sur l’obligation pour un porteur de projet de demander à l’administration la prorogation du délai de caducité de cinq années, défini à l’article L.123-17 du code de l’environnement. Voici des éléments de réponse au regard du droit et de la jurisprudence administrative.
« Lorsque les aménagements ou ouvrages qui ont fait l’objet d’une enquête publique n’ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de la décision, il y a lieu à nouvelle enquête à moins qu’une prorogation de cinq ans au plus ne soit décidée avant l’expiration de ce délai dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Le présent article ne fait pas obstacle à l’application de dispositions plus contraignantes prévues par la réglementation propre à chaque opération.«
Cette disposition a été codifiée, du 21 septembre 2000 au 1er juin 2012, à l’article L.123-13 du code de l’environnement. Elle a ensuite été codifiée à l’article l’article L123-17 du code de l’environnement à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 236 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 « Grenelle 2 » portant engagement national pour l’environnement.
« Lorsque les projets qui ont fait l’objet d’une enquête publique n’ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de la décision, une nouvelle enquête doit être conduite, à moins qu’une prorogation de cinq ans au plus ne soit décidée avant l’expiration de ce délai dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.«
On notera que le deuxième alinéa de l’ancien article L.123-13 du code de l’environnement n’a pas été retenu pour la rédaction de l’article L.123-17. Ces dispositions s’appliquent aux projets, plans, programmes ou autres documents de planification pour lesquels l’arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête publique a été publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret en Conseil d’Etat prévu à l’article L. 123-19 du code de l’environnement.
Aux termes des dispositions actuellement en vigueur de l’article L.123-17 du code de l’environnement :
- la règle relative au délai de validité de l’enquête publique, telle que définie à l’article L.123-17 du code de l’environnement ne s’applique qu’aux enquêtes publiques relatives à des projets ;
- Ce délai de validité est de cinq années et court à compter de la décision prise au terme de la procédure dans laquelle s’est inscrite l’enquête publique ;
- Ce délai de validité peut faire l’objet d’une décision administrative de prorogation de cinq ans, avant expiration du premier délai de validité ;
- Ce délai de validité ne peut être interrompu, non par l’intervention de la décision objet de l’enquête publique mais par l’engagement du projet, c’est à dire des travaux autorisés. On notera plus loin que ce délai peut également être suspendu en cas d’engagement d’un recours tendant à l’annulation de cette autorisation.
Il est important de relever que cette règle relative au délai de validité de cinq ans de l’enquête publique n’est assortie, en droit positif, d’aucune conséquence ni sanction. Les dispositions réglementaires d’application de l’article L.123-17 du code de l’environnement ne comportent que peu de précisions. L’article R123-24 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de de l’article 3 du décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 dispose :
« Sauf disposition particulière, lorsque les projets qui ont fait l’objet d’une enquête publique n’ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de l’adoption de la décision soumise à enquête, une nouvelle enquête doit être conduite, à moins que, avant l’expiration de ce délai, une prorogation de la durée de validité de l’enquête ne soit décidée par l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l’enquête a été organisée. Cette prorogation a une durée de cinq ans au plus. La validité de l’enquête ne peut être prorogée si le projet a fait l’objet de modifications substantielles ou lorsque des modifications de droit ou de fait de nature à imposer une nouvelle consultation du public sont intervenues depuis la décision arrêtant le projet. »
Aux termes de ces dispositions réglementaires :
- la prorogation de l’enquête publique peut être décidée par l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l’enquête a été organisée;
- la prorogation est de cinq au plus
- la prorogation ne peut être accordée dans deux hypothèses : 1) si le projet a fait
l’objet de modifications substantielles ou 2) lorsque des modifications de
droit ou de fait de nature à imposer une nouvelle consultation du public
sont intervenues depuis la décision arrêtant le projet.
II. Les précisions apportées par la jurisprudence administrative
Par un arrêt rendu le 20 octobre 2020, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que l’écoulement du délai de caducité de cinq ans de l’enquête publique n’a pas pour effet d’entrainer la caducité ou la nullité de l’autorisation finalement délivrée, ici une autorisation d’exploiter un parc éolien au cas d’espèce (cf. CAA de Lyon, 20 octobre 2020, n°17LY01739) :
« 22. En premier lieu, il ne ressort d’aucune de ces dispositions que l’écoulement du délai qu’elles mentionnent ayant pour effet d’obliger à diligenter une nouvelle enquête publique entraîne la caducité ou la nullité de l’autorisation initialement soumise à cette enquête.«
La cour administrative d’appel de Lyon relève également – et à notre sens au surplus – que le recours tendant à l’annulation de l’autorisation d’exploiter a eu pour effet de proroger le délai de validité de l’enquête publique :
« (…) le délai de validité de l’enquête publique menée pour l’obtention de l’autorisation litigieuse a été prorogé du fait de la présente instance. Le moyen tiré de ce qu’en application de l’article L. 123-17 du code de l’environnement, l’enquête publique réalisée à l’occasion de l’instruction du dossier était caduque, le préfet de Bourgogne-Franche-Comté ne pouvant, par son arrêté du 19 décembre 2019 modifier l’autorisation en cause du 11 juillet 2014, ne peut qu’être écarté.«
Par un arrêt rendu le 3 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Douai, toujours à propos d’une autorisation d’exploiter un parc éolien, a jugé que l’introduction d’un recours contre cette autorisation a eu pour effet de suspendre le délai de caducité de l’enquête publique (cf.CAA de Douai, 3 novembre 2020, n°16DA01098) :
« 40. L’introduction d’un recours devant la juridiction administrative contre l’acte d’autorisation a pour effet de suspendre le délai de cinq ans. La suspension prend effet à compter de la date d’introduction du recours jusqu’à la date de notification au bénéficiaire de l’autorisation de la décision devenue irrévocable statuant sur ce recours.
41. Dans ces conditions, le dépôt au tribunal administratif d’Amiens, le 3 avril 2014, d’une requête tendant à l’annulation de la décision d’autorisation litigieuse du 3 octobre 2013, puis l’appel formé contre le jugement rendu par le tribunal administratif le 12 avril 2016 ont eu pour effet, même si aucune décision de prorogation n’a été prise, de suspendre le délai de cinq ans de validité de l’enquête publique prévu à l’article L. 123-17 du code de l’environnement. »(nous soulignons)
Par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Douai ne précise donc pas explicitement que l’absence de prorogation de la durée de validité de l’enquête publique est sans conséquences pour la caducité ou la légalité de l’autorisation délivrée à sa suite. Elle juge toutefois que l’introduction du recours contre cette dernière a nécessairement pour effet de suspendre ce délai, même en l’absence de décision administrative de prorogation.
On notera également que la cour administrative d’appel de Douai, par cet arrêt du 3 novembre 2020, relève « en tout état de cause » qu’une enquête publique complémentaire a été organisée à la suite d’une mesure de régularisation, de telle sorte que l’ancienneté de l’enquête publique initiale ne peut constituer un vice de procédure substantiel :
« 42. En tout état de cause, l’enquête publique complémentaire diligentée ainsi qu’il a été dit a porté sur tous les changements, d’ailleurs non significatifs, intervenus depuis la précédente enquête publique, de sorte que l’ancienneté de l’enquête initiale n’a pas privé le public d’une garantie et n’a pas exercé d’influence sur le sens de la décision.
43. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le préfet de l’Aisne ne pouvait pas légalement, compte tenu de la caducité de l’enquête publique initiale, prendre une décision de régularisation. »
« 26. L’introduction d’un recours devant la juridiction administrative contre l’acte d’autorisation a pour effet de suspendre le délai de cinq ans. La suspension prend effet à compter de la date d’introduction du recours jusqu’à la date à laquelle de la décision statuant sur ce recours est devenue irrévocable.
27. Dans ces conditions, l’enregistrement, le 19 février 2010 devant le tribunal administratif d’Amiens, d’un recours contre le permis de construire accordé après une enquête publique ainsi que l’appel contre le jugement rendu ont eu pour effet, même si aucune décision de prorogation n’a été prise, de suspendre le délai de cinq ans de validité de l’enquête publique prévu à l’article L. 123-24 du code de l’environnement Ainsi qu’il a été dit plus haut, la décision juridictionnelle est devenue irrévocable le lendemain du 3 décembre 2015 et le délai de validité de l’enquête publique a recommencé à courir après cette date. Il n’était donc pas expiré le 10 juillet 2018 date à laquelle a été prise la décision en litige.
28. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le délai de validité de l’enquête publique était expiré en application des dispositions de l’article R. 123-24 du code de l’environnement et de l’article 59 de la loi du 3 janvier 2003 susvisée et qu’une nouvelle enquête publique devait être conduite avant que le préfet prenne la décision en litige. » (nous soulignons)
- d’une part, que l’autorité compétente pour proroger la durée de validité du permis de construire l’est également pour proroger la validité de l’enquête publique afférente à ce permis ;
- d’autre part, que cette autorité compétente n’a pas être saisie d’une demande de prorogation de l’enquête publique pour pouvoir en décider.
- enfin, qu’une décision de prorogation de la durée de validité du permis de construire a pour effet – même implicitement – de proroger la durée de validité de l’enquête publique
L’arrêt précise :
« 12. Il résulte des dispositions du code de l’urbanisme applicables en l’espèce que l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire une installation de production d’énergie renouvelable et pour proroger la validité du permis est la même que celle pouvant proroger la validité de l’enquête publique ayant précédé la délivrance du permis. De plus, il s’évince de ces mêmes dispositions que l’autorité compétente n’a pas à être spécifiquement saisie d’une demande de prorogation de l’enquête publique. En l’espèce, la décision en litige du 18 décembre 2017 prise par le préfet des Landes a eu pour effet de proroger la durée de validité du permis de construire, délivré le 17 octobre 2013 par cette même autorité, au-delà de la période de cinq années de validité de l’enquête publique organisée en 2013. Dans ces conditions, et conformément aux dispositions précitées de l’article R. 424-21 du code de l’urbanisme, la décision du 18 décembre 2017 a implicitement mais nécessairement prorogé la durée de validité de l’enquête publique en cause. »
III. Conclusion
Aux termes de l’article L.123-17 du code de l’environnement et des dispositions réglementaires prises pour son application ainsi que de la jurisprudence administrative, l’expiration du délai de validité de cinq ans d’une enquête publique n’a pas pour effet de rendre caduque ou illégale la décision d’autorisation prise à sa suite.
Il n’en demeure pas moins que, pour prévenir toute critique et par stricte précaution, l’autorité administrative compétente, de sa propre initiative ou sur demande du pétitionnaire, peutt avoir le souci de prendre une décision de prorogation de la durée de validité de l’enquête publique.
Par souci de simplification du droit de l’environnement sans réduire son niveau d’exigence, il pourrait être précieux de s’interroger sur l’utilité de cette règle.
professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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