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[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire : le point sur la modification du régime de responsabilité pénale des élus locaux
La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions vient d’être publiée au Journal Officiel. L’article 1er prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 (compris) prévoit d’encadrer la responsabilité pénale des décideurs publics et privés en cas de contamination au covid-19.
Contexte. A la suite de l’annonce du gouvernement de la fin du confinement le 11 mai, des décideurs publics et privés (maires chefs d’entreprises..) ont manifesté leur inquiétude face au risques de recherches en responsabilité pénale en cas de contamination au covid-1, causée par une décision de rouvrir les écoles, les transports publics, ou encore les chantiers routiers.
Pour répondre à ces incertitudes, un amendement à l’article 1er du projet de loi initial a été présenté par le député Philippe Bas, rapporteur de la Commission des lois. Voté par le Sénat, cet amendement prévoyait un régime dérogatoire de responsabilité pénale applicable pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Le Parlement est parvenu à un accord en Commission mixte paritaire qui a fait l’objet sur ce point d’une décision favorable du Conseil constitutionnel.
Quel régime juridique prévoit le code pénal en matière d’infractions non-intentionnelles ?
Le régime des infractions involontaires est actuellement encadré par l’article 121-3 du code pénal issu de la loi du 10 juillet 2000 dite loi « Fauchon ».
En matière d’infractions commises involontairement :
- Soit le comportement du prévenu est la cause directe du dommage. Dans ce cas une faute d’imprudence, de négligence simple suffit à caractériser l’infraction ;
- Soit le comportement du prévenu est la cause indirecte du dommage. Dans ce cas, pour caractériser l’infraction il faudra démontrer l’existence d’une faute qualifiée. Il peut s’agir d’une faute délibérée (la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par une loi ou un règlement) ou d’une faute caractérisée (faute d’imprudence, de négligence, d’un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité présentant un caractère d’une particulière gravité).
Ainsi, peu importe la faute commise, le juge doit établir un lien de causalité entre la faute et le dommage quand bien même le lien de causalité serait indirect.
Que prévoyait le texte adopté par le Sénat et finalement abandonné ?
D’une part, l’article 1er du projet de loi tel qu’adopté par le Sénat, prévoyait de rendre plus difficile l’engagement de la responsabilité pénale des élus locaux, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.
L’élu ne pouvait voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits qu’ils aurait commis et qui auraient provoqué directement ou indirectement la contamination d’une personne par le covid-19. L’amendement disposait que : « II (nouveau). – Nul ne peut voir sa responsabilité pénale engagée du fait d’avoir, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19, soit exposé autrui à un risque de contamination par le coronavirus SARS‑CoV‑2, soit causé ou contribué à causer une telle contamination »
D’autre part, il était prévu trois cas pour lesquels la responsabilité pénale des élus locaux pouvait néanmoins être engagée en cas de contamination. La recherche de leur responsabilité pénale aurait été possible si les faits reprochés avaient été commis intentionnellement, par imprudence ou négligence, ou en violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sûreté prévue par la loi ou le règlement.
L’article 1er issu des travaux de la Commission des lois du Sénat prévoyait que :
« à moins que les faits n’aient été commis :
1° Intentionnellement ;
2° Par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative prévus au chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique ;
3° Ou en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application du même chapitre Ier bis ou d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
Dans le cas prévu au 2° du présent II, les troisième et avant‑dernier alinéas de l’article 121‑3 du code pénal sont applicables. »
Ces dispositions ont fait l’objet de plusieurs critiques. Le gouvernement qui était opposé à ce texte a notamment fait savoir par sa ministre de la justice qu’il y avait un risque de violation du principe d’égalité devant la loi en ce qu’un maire ou un employeur ne sera pas traité de la même façon suivant que les faits qui lui sont reprochés aient été commis pendant ou en dehors de l’état d’urgence sanitaire. Pour certains opposants à ce texte considéraient, il s’agissait d’une sorte de loi d’amnistie qui aurait instauré un principe d’immunité pénale des élus locaux pendant l’état d’urgence sanitaire.
Cette rédaction a finalement été abandonnée.
Que prévoit l’article 1er de la loi du 11 mai 2020 ?
L’article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire insère un nouvel article au sein du code de la santé publique ainsi rédigé :
« Art. L. 3136-2. – L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. »
Ce texte a également fait l’objet de critiques qui ont été écartées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 mai 2020. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé cette rédaction conforme en ces termes :
« 13. Les dispositions contestées ne diffèrent donc pas de celles de droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi pénale. Elles ne sont pas non plus entachées d’incompétence négative. Dans la mesure où elles ne contreviennent à aucune autre exigence constitutionnelle, elles sont donc conformes à la Constitution. »
Cette disposition prévoit que les faits reprochés susceptibles d’être constitutifs d’une faute pénale doivent être appréciés en fonction des circonstances particulières suivantes :
- les compétences de l’auteur des faits
- ses pouvoirs
- les moyens mis à sa disposition
- la nature de ses missions
- la nature de ses fonctions.
L’objectif de ce texte est d’obliger le juge à apprécier les faits in concreto en tenant compte de l’état de crise sanitaire. Pour certains, ces précisions ne seraient pas nécessaires puisque le juge apprécie déjà au cas par cas les faits qui lui sont soumis et que les condamnations d’élus locaux pour des infractions involontaires sont très rares. En définitive, il n’est pas sûr que cette disposition change réellement l’état du régime actuel de responsabilité pénale des élus locaux.
Lara Wissaad
Juriste – Cabinet Gossement Avocats
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