En bref
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[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques : le Gouvernement dépose un projet de loi de ratification
Ce 12 juillet 2017, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques. L’occasion de faire le point sur une ordonnance qui suscite beaucoup d’interrogations de la part des entreprises souhaitant développer des projets sur le domaine des personnes publiques.
L’ordonnance du 19 avril 2017 modifie la rédaction du code général des propriétés des personnes publiques (CG3P) pour y insérer les mesures suivantes :
– L’octroi d’un titre d’occupation d’une dépendance du domaine privé d’une personne publique, par anticipation à son incorporation dans le domaine public ;
– L’organisation d’une procédure de sélection préalable avant octroi d’un titre d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public ;
– la précision du régime juridique des déclassements et cessions.
La présente note est consacrée :
– au bref rappel des raisons pour lesquelles a été élaborée l’ordonnance du 19 avril 2017 (I) ;
– à la présentation de la nouvelle procédure de sélection préalable à la délivrance d’un titre d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public (II) ;
– au processus de ratification de cette ordonnance, qui vient d’être engagé (III).
A titre introductif, il ressort de la pratique de notre cabinet, régulièrement consulté sur cette ordonnance, que si celle-ci permet au droit français de la domanialité publique d’être conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, elle procède à la création d’une nouvelle procédure de sélection préalable, applicable uniquement pour l’occupation du domaine public, à partir de notions parfois imprécises et susceptibles d’être discutées.
Le risque contentieux est assez élevé en raison du nombre et de la rédaction : des conditions à réunir pour que l’obligation d’organisation d’une procédure de sélection préalable ; des garanties à respecter ; des exceptions et dérogations à cette obligation.
Il convient de conseiller à toutes les parties concernées par l’octroi d’un titre valant autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public (gestionnaire, demandeur) :
– de vérifier au cas par cas, si elles sont obligées ou non d’organiser une procédure de sélection préalable en vérifiant si leur projet correspond ou non à l’une des dérogations prévues par le CG3P
– de conserver toutes les preuves leur permettant de démontrer qu’une procédure de sélection préalable, soit n’était pas nécessaire, soit a été correctement organisée.
I. L’élaboration de l’ordonnance du 19 avril 2017
Pour mémoire, la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques a été adoptée en 2006 à la suite de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. Cette ordonnance a été ratifiée à l’article 138 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009.
A la suite de la décision dite Promoimpresa Srl du 14 juillet 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne (aff. C-458/14 et C-67/15). le Gouvernement a été autorisé, aux termes de l’article 34 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à faire évoluer par ordonnance la rédaction des règles suivantes :
« 1° Les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable applicables à certaines autorisations d’occupation et de préciser l’étendue des droits et obligations des bénéficiaires de ces autorisations ; »
« 2° Les règles régissant les transferts de propriété réalisés par les personnes publiques, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession et de faciliter et sécuriser leurs opérations immobilières.«
Finalement, l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a été publiée au Journal officiel du 20 avril 2017.
II. Le contenu de l’ordonnance du 19 avril 2017
A. L’octroi d’un titre d’occupation d’une dépendance du domaine privé d’une personne publique, par anticipation à son incorporation dans le domaine public
L’article 2 de l’ordonnance du 19 avril 2017 prévoit la possibilité de disposer d’un titre d’occupation d’une dépendance du domaine privé d’une personne publique avant son incorporation au domaine public.
Ce titre devra prévoir son propre sort si cette incorporation ne se produit pas, passé un délai qu’il fixe lui-même. En conséquence, l’article 2 de l’ordonnance du 19 avril 2017 modifie la rédaction de l’article L.2122-1 CG3P qui est désormais augmenté de deux alinéas :
« Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous.
Le titre mentionné à l’alinéa précédent peut être accordé pour occuper ou utiliser une dépendance du domaine privé d’une personne publique par anticipation à l’incorporation de cette dépendance dans le domaine public, lorsque l’occupation ou l’utilisation projetée le justifie.
Dans ce cas, le titre fixe le délai dans lequel l’incorporation doit se produire, lequel ne peut être supérieur à six mois, et précise le sort de l’autorisation ainsi accordée si l’incorporation ne s’est pas produite au terme de ce délai.«
B. La procédure de sélection préalable du titulaire du titre valant autorisation d’occupation du domaine public
1. Le principe : une « procédure de sélection préalable »
L’article 3 de l’ordonnance du 19 avril 2017 insère un nouvel article L. 2122-1-1 au sein du CG3P, ainsi rédigé:
« Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. »
Les conditions à réunir. Il convient de souligner que ce principe comporte en lui-même plusieurs conditions à réunir pour être applicable. Ainsi, une procédure de sélection préalable ne devra être organisée en amont de l’octroi d’un titre valant autorisation d’occupation du domaine public que:
– si aucune autre disposition législative ne dispense de cette procédure ;
– si la dépendance concernée appartient bien au domaine public ;
– si l’occupation ou l’utilisation du domaine public a pour but une « exploitation économique » de cette dépendance ;
Les garanties à observer. Si les conditions d’une sélection préalable sont réunies, la procédure est « librement » organisées par la personne public. Toutefois cette liberté est encadrée par plusieurs garanties :
– garantie d’impartialité ;
– garantie de transparence ;
– mesures de publicité ;
Ces garanties ne sont pas sans rappeler celles qui doivent être respectées dans le cadre de procédures de mises en concurrence pour la commande publique. Toutefois, cette ordonnance définit bien un régime autonome pour cette nouvelle procédure de « sélection préalable ». reste que le contenu exact de cette procédure n’est pas précisé. Par ailleurs, ces dispositions sont applicables sans qu’il soit besoin d’attendre la publication d’une mesure réglementaire.
Quelle que soit la manière dont est organisée cette procédure de sélection préalable, les parties auront intérêt à conserver toutes les preuves des mesures prises pour que ces garanties soient observées.
2. Les dérogations
Ces dérogations sont nombreuses et il est parfois délicat de savoir si telle demande de titre correspond à un cas de dérogation à l’obligation d’organiser une procédure de sélection préalable.
Les dérogations définies à l’article L. 2122-1-1 CG3P. Cet article prévoit deux premières dérogations à cette obligation d’organiser une sélection préalable :
– lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de « courte durée »
– ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité,
Dans ces deux cas : « l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution« .
On soulignera que même si l’une de ces deux exceptions trouve à s’appliquer, l’autorité compétente est tenue: d’assurer une « publicité préalable » à sa décision d’octroyer le titre d’occupation du domaine public qui permette : la manifestation d’un intérêt pertinent et l’information des candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution.
Il est à craindre que le contenu de plusieurs notions dont celles de « courte durée » ou d' »intérêt pertinent » ne soit parfois âprement discuté.
Les dérogations définies à l’article L.2122-1-2 CG3P. Dans les cas suivants, l’article L. 2122-1-1 n’est pas applicable.
« 1° Lorsque la délivrance du titre mentionné à l’article L. 2122-1 s’insère dans une opération donnant lieu à une procédure présentant les mêmes caractéristiques que la procédure déterminée par le premier alinéa de l’article L. 2122-1-1 ; »
S’agissant de ce premier cas, il conviendra de veiller à la chronologie des procédures. L’octroi d’un titre sans sélection préalable au motif qu’une procédure de mise en concurrence sera organisée pourrait être contesté si ladite procédure de mise en concurrence est postérieure ou n’a pas du tout le même objet.
« 2° Lorsque le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection «
Ce deuxième cas est intéressant en ce qu’il précise bien que la procédure de sélection préalable si une procédure de mise en concurrence est organisée en amont de l’octroi du titre.
« 3° Lorsque l’urgence le justifie. La durée du titre ne peut alors excéder un an ; »
Ici aussi la notion d’urgence – laquelle peut justifier qu’une procédure de sélection préalable ne soit pas organisée – ne manquera pas d’être discutée.
« 4° Sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l’article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente.«
Point important : les titres, notamment ceux délivrés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle obligation d’organisation d’une sélection préalable, pourront être prolongés, sous réserve du respect des conditions fixées à ce 4° de l’article L.2122-1-2 CG3P
Les dérogations définies à l’article L. 2122-1-3 CG3P L’article L. 2122-1-1 n’est pas non plus applicable lorsque l’organisation de la procédure qu’il prévoit s’avère impossible ou non justifiée.
L’autorité compétente peut ainsi délivrer le titre à l’amiable, sans procédure de sélection préalable, notamment dans les cas suivants :
1° Lorsqu’une seule personne est en droit d’occuper la dépendance du domaine public en cause ;
2° Lorsque le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l’autorité compétente ou à une personne privée sur les activités de laquelle l’autorité compétente est en mesure d’exercer un contrôle étroit ;
3° Lorsqu’une première procédure de sélection s’est révélée infructueuse ou qu’une publicité suffisante pour permettre la manifestation d’un intérêt pertinent est demeurée sans réponse ;
4° Lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d’occupation ou d’utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l’exercice de l’activité économique projetée ;
5° Lorsque des impératifs tenant à l’exercice de l’autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient.
L’article L. 2122-1-3 CG3P précise en outre : « Lorsqu’elle fait usage de la dérogation prévue au présent article, l’autorité compétente rend publiques les considérations de droit et de fait l’ayant conduite à ne pas mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L. 2122-1-1.«
III. L’entrée en vigueur et la ratification de l’ordonnance du 19 avril 2017
Les dispositions relatives à la procédure de sélection préalable (Chapitre I) de l’ordonnance du 19 avril 2017 ne sont applicables qu’aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017. Passée cette date, ces dispositions sont immédiatement applicables, sans besoin de mesures réglementaires d’application.
A noter : l’ordonnance du 19 avril 2017 est applicable même si elle n’est pas encore ratifiée. Le vote d’une loi de ratification aura simplement pour effet de donner une valeur législative à un texte qui, pour l’instant, a une valeur réglementaire. Lors de l’examen du projet de loi portant ratification de cette ordonnance, les parlementaires auront la possibilité d’en modifier le contenu.
Arnaud Gossement
Avocat associé / Cabinet Gossement Avocats
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