En bref
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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Permis minier : la durée des concessions minières peut être limitée au regard de l’objectif d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique (Conseil d’Etat)
Par une décision de section n° 421004 du 18 décembre 2019, le Conseil d’Etat a examiné le régime minier des concessions d’hydrocarbures tel que modifié par la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 et s’est prononcé sur la conformité d’un décret pris en application de de cette loi avec l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.
I. Contexte
La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 a pour objet d’assurer la cohérence de la politique de gestion des hydrocarbures contenus dans le sous-sol français avec l’objectif de lutte contre le changement climatique inscrit dans l’Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, à l’issue de la COP21.
Le premier chapitre de cette loi encadre l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures.
Le nouvel article L. 111-12 du code minier, tel que modifié par la loi de 2017, prévoit une échéance pour la durée des concessions au 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherche démontre à l’autorité administrative que la limitation de la durée de la concession induite par cette échéance ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation, en vue d’atteindre l’ équilibre économique, par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci.
Rappelons qu’aux termes de l’article L. 132-6 du code minier, « pendant la validité d’un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l’intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d’un permis exclusif de recherches a droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci ».
C’est dans ce contexte que le contentieux entre la société I. et l’administration est né. La société I. a obtenu en 1999 un permis exclusif de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux dans une zone à cheval entre la Marne et l’Aube. Ce permis de recherche a été modifié et prolongé à plusieurs reprises.
La société indique que ces recherches, pour un montant d’investissement de plus de 10,5 MEUR, ont permis d’identifier le gisement d’A. La société a alors sollicité en 2014 l’octroi d’une concession de 25 ans pour exploiter ce gisement. Une décision implicite de rejet est née, conformément aux textes, 3 ans plus tard.
Un contentieux s’est engagé, qui a conduit à l’octroi d’une concession par décret du 2 février 2018, prévoyant une durée de 22 ans, soit jusqu’au 1er janvier 2040, en application du nouvel article L. 111-12 du code minier.
La société a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 2 février 2018, en tant que le terme de cette concession est fixé au 1er janvier 2040.
II. Décision
Par sa décision du 18 décembre 2019, le Conseil d’Etat n’a pas fait droit aux demandes de la société. Tout en admettant l’atteinte à une « espérance légitime » des titulaires d’un permis minier ne pouvant plus prétendre à une concession au-delà du 1er janvier 2040 (1), le Conseil d’Etat a justifié cette atteinte par l’objectif d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique et contribuer à respecter les engagements internationaux souscrits par la France au titre de l’Accord de Paris sur le climat (2).
1. Sur la violation des exigences de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales
Par sa décision du 18 décembre 2019, le Conseil d’Etat juge que les dispositions de l’article L. 132-6 du code minier sont de nature à faire naître chez le titulaire d’un permis exclusif de recherche « l’espérance légitime d’obtenir une concession lui permettant d’exploiter le gisement découvert, sur une durée suffisante pour lui permettre d’assurer la rentabilité des investissements consentis ».
Partant, le Conseil d’Etat retient qu' »en prévoyant, dans leur version issue de la loi du 30 décembre 2017, qui organise l’arrêt progressif de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France, que les concessions auxquelles peuvent prétendre les titulaires de permis exclusifs de recherche ne peuvent pas se poursuivre au-delà du 1er janvier 2040, les dispositions de l’article L. 111-12 du code minier portent atteinte à cette espérance légitime ».
En effet, conformément aux conclusions du rapporteur public M. Hoynck, l’administration a appliqué les textes jusqu’au nouveau régime de 2017 comme permettant d’adapter la durée totale d’une concession à la durée correspondant à l’exploitation complète du gisement. Le rapporteur public a alors soutenu que « le texte de 2017 a modifié cette situation, en retenant comme paramètre de la durée, soit la date butoir du 1er janvier 2040, soit une date ultérieure si elle est nécessaire pour couvrir les coûts de recherche et d’exploitation, en vue d’atteindre l’équilibre économique ».
2. Sur l’objectif d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle que le législateur peut adopter des dispositions portant atteinte aux stipulations de l’article 1er du protocole « à la condition de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée à ces droits et les motifs d’intérêt général susceptible de les justifier ».
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat juge, d’une part, que « la limitation de temps des concessions, eu égard à la très longue durée de validité des titres autorisant la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 30 décembre 2017, peut contribuer à permettre d’atteindre l’objectif [d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique et de contribuer à respecter les engagements internationaux souscrits par la France au titre de l’Accord de Paris sur le climat] » et, d’autre part, que l’objectif de lutte contre le changement climatique suppose de limiter l’exploitation des réserves d’hydrocarbures fossiles « quel que soit leur usage », sans distinction selon que l’usage des hydrocarbures soit énergétique ou non énergétique.
Il convient de rappeler que le motif d’intérêt général de lutte contre le réchauffement climatique a déjà été admis par le Conseil d’Etat (CE, 27 juin 2018, Société EGFEP, req. n° 419316).
A la lecture des conclusions du rapporteur public, cette solution semble être motivée par une volonté d’exemplarité de la législation française face à l’enjeu mondial du réchauffement climatique :
« La contribution des énergies fossiles au réchauffement climatique est largement documentée. Il est vrai comme le soutient IPC que la production d’hydrocarbures en France est limitée, et que son impact environnemental est dès lors faible, comparé aux hydrocarbures qui sont importés et consommés en France. Mais en tant que tel cet argument ne conduit pas à dénier l’intérêt d’agir du côté du côté de la production comme le fait la loi, et nous ne sommes pas loin de penser qu’une volonté d’exemplarité, face à un enjeu mondial, n’est pas illégitime pour faire avancer cet objectif de lutte contre le réchauffement climatique. L’argument des requérants selon lequel il conviendrait de distinguer selon que les hydrocarbures extraits sont utilisés pour un usage énergétique ou autre (par exemple la chimie) ne nous parait pas pertinent au regard de l’objectif de limiter l’exploitation des réserves fossiles ».
En troisième lieu, le Conseil d’Etat estime que les dispositions de l’article L. 111-12 du code minier n’induisent pas une situation d’imprévisibilité pour les opérateurs concernés, dont la décision d’investissement intervient en moyenne quinze à vingt ans avant un possible retour sur investissement dès lors que, d’une part, elle fixe une date butoir éloignée de vingt ans et que, d’autre part, les termes du principe et de la dérogation sont suffisamment précis.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’Etat a rejeté la requête tendant à l’annulation le décret du 2 février 2018 et, partant, validé l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code minier issu de la loi du 30 décembre 2017.
Marie David-Bellouard
Juriste- Cabinet Gossement Avocats
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Le décret du 17 novembre 2025 confirme que la filière REP des emballages professionnels répond à un schéma plutôt financier, ce que confirmait déjà la version projet du texte.
On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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