En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Pesticides : publication au Journal officiel de deux décrets et d’un arrêté pour encadrer leur utilisation
Fin décembre 2019, deux décrets et un arrêté relatifs à l’utilisation de pesticides, également appelés produits phytopharmaceutiques, ont été publiés au Journal officiel de la République française, au moment où les impacts environnementaux et sanitaires de ces produits sont questionnés, particulièrement devant le juge administratif.
Ces deux décrets et cet arrêté ont été pris en application des nouvelles dispositions de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, qui résultent de l’article 83 de la loi n° 2018-938 dite EGALIM du 30 octobre 2018.
En premier lieu, un nouvel alinéa a été ajouté au II de cet article, qui interdit en principe l’utilisation de pesticides contenant des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes :
« L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits est interdite. Un décret précise les modalités d’application du présent alinéa. »
Le premier décret vise ainsi les substances interdites, parmi lesquelles figure le sulfoxaflor (I).
En deuxième lieu, un III a également été ajouté à cet article, entré en vigueur le 1er janvier 2020, et qui vise à protéger les habitants voisins de zones dans lesquelles sont employés des pesticides, notamment par l’adoption de chartes départementales d’engagements :
« A l’exclusion des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 253-6, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d’application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique.
Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III.
Un décret précise les conditions d’application du présent III. »
Le second décret fixe ainsi les modalités d’élaboration, de concertation et de validation ainsi que le contenu de ces chartes d’engagements (II).
L’arrêté, quant à lui, prévoit notamment des dispositions particulières relatives aux distances de sécurité au voisinage des zones d’habitation (III).
Décret n° 2019-1519 du 30 décembre 2019 listant les substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques et présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes
Les néonicotinoïdes sont des substances insecticides qui sont désormais reconnues scientifiquement comme néfastes pour les abeilles, dont elles modifient le comportement et provoquent une hausse de la mortalité.
Il existe des substances présentant des modes d’action identiques aux néonicotinoïdes : elles ont été identifiées par le décret ici commenté, pris en application du II de l’article L. 253-8-II du code rural et de la pêche maritime précité.
A la suite de l’entrée en vigueur de ce décret, figurent désormais au sein de l’article D. 253-46-1 du même code les substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes suivantes :
– Flupyradifurone ;
– Sulfoxaflor.
L’adoption de ce décret s’inscrit notamment dans la continuité d’un jugement du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Nice, qui avait annulé, sur le fondement du principe de précaution, des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques composés de sulfoflaxor, en raison des risques importants de toxicité que cette substance représente pour les insectes pollinisateurs (vous pouvez lire le commentaire de ce jugement ici). A la suite de cette décision du juge administratif, l’ANSES avait annoncé sa volonté de ne pas faire appel, dans la mesure où l’interdiction de cette substance serait finalement actée par le Gouvernement – c’est désormais chose faite avec la publication de ce décret.
Décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation
Avec l’adoption de ce nouveau décret, les chartes départementales d’engagements, créées par les nouvelles dispositions du III de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime précitées, ont désormais un cadre défini pour leur contenu et leur élaboration.
En premier lieu, l’article 1er de ce décret dispose, au sein du nouvel article D. 253-46-1-2 du code rural et de la pêche maritime, que ces chartes doivent intégrer « au moins » les mesures de protection suivantes :
– des modalités d’information des résidents ;
– les distances de sécurité et les mesures apportant des garanties équivalentes, définies en application de l’article L. 253-7 du même code ;
– des modalités de dialogue et de conciliation entre les utilisateurs et les habitants concernés.
Par ailleurs, cet article préconise également que les chartes peuvent inclure :
– des modalités d’information préalable, y compris des délais de prévenance des résidents ;
– le recours à des techniques ou moyens de réduction de la dérive ou de l’exposition des résidents ;
– des bonnes pratiques pour l’application des produits phytopharmaceutiques ;
– des modalités relatives aux dates ou horaires de traitements les plus adaptés ;
– des modalités pratiques d’application des distances de sécurité ou de déploiement de mesures anti-dérives.
En deuxième lieu, ce même article 1er prévoit ensuite la procédure d’élaboration de ces chartes, au sein des nouveaux articles D. 253-46-1-3 à D. 253-46-1-5 du code rural et de la pêche maritime.
Il dispose ainsi que, pour les usages agricoles, elles sont élaborées par les organisations syndicales représentatives opérant à l’échelle du département ou par la chambre départementale d’agriculture.
Les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent soumettre leur projet de charte à une concertation publique « permettant de recueillir par tout moyen les observations des personnes habitants à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec des produits phytopharmaceutiques », mais également les observations des associations dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des habitants concernés et dont le périmètre d’action géographique correspond à celui du projet de charte. Les maires des communes concernées ainsi que l’association des maires du département sont également associés à la concertation.
S’agissant des usages non agricoles, les chartes sont élaborées par des organisations représentatives, par des regroupements d’utilisateurs ou par des gestionnaires d’infrastructures linéaires.
Dans tous les cas, à l’issue de la concertation, la charte est ensuite transmise avec le résultat de la concertation et la synthèse des observations au préfet du département concerné. Ce dernier doit alors se prononcer sur sa conformité et le caractère adapté des mesures de protection vis-à-vis des objectifs de l’article L. 253-8. Il peut demander aux organisations concernées de remédier aux manquements constatés dans un délai maximal de deux mois.
Une fois validée, le préfet approuve la charte en la publiant sur le site internet de la préfecture.
Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime
L’année 2019 a notamment été marquée par l’adoption de plusieurs arrêtés municipaux destinés à réglementer les modalités d’utilisation des pesticides sur le territoire des communes concernées, déférés par les préfets devant le juge administratif (vous pouvez notamment lire le commentaire de l’ordonnance de suspension de l’exécution d’un tel arrêté rendue par le tribunal administratif de Rennes du 27 août ici).
Dans la continuité de ce contentieux, l’article 8 de l’arrêté commenté a créé un titre IV dans l’arrêté du 4 mai 2017 susvisé, intitulé : « dispositions particulières relatives aux distances de sécurité au voisinage des zones d’habitation et des zones accueillant des groupes de personnes vulnérables ».
Ce nouveau titre prévoit qu’en l’absence de distance de sécurité spécifique fixée par l’autorisation de mise sur le marché de certains produits visés par l’arrêté, « une distance de sécurité minimale de 20 mètres qui ne peut être réduite est requise pour les traitements des parties aériennes des plantes réalisés à proximité des lieux mentionnés à l’article L. 253-7-1 [les zones accueillant des personnes vulnérables] et au III de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime [les zones d’habitation] ».
Pour les autres types de produits visés par l’arrêté, sont également prévues les distances de sécurité minimale suivantes :
– 10 mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur, les bananiers et le houblon ;
– 5 mètres pour les autres utilisations agricoles et non agricoles.
Les distances minimales de sécurité ne s’appliquent pas aux traitements nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation de certains organismes nuisibles, et elles peuvent être adaptées si « des mesures apportant des garanties équivalentes en matière d’exposition des résidents par rapport aux conditions normales d’application des produits sont mises en œuvre conformément à des chartes d’engagements approuvées par le préfet. »
En conclusion, si ces nouvelles distances minimales de sécurité réglementaires sont déjà contestées comme étant insuffisantes pour assurer la protection de la santé des riverains, il faut espérer que les chartes départementales d’engagements seront élaborées avec sérieux et concertation pour servir cet objectif et apaiser le dialogue local.
Camille Pifteau
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
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