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Principe de non régression : annulation partielle du décret du 3 avril 2018 exemptant d’évaluation environnementale certains projets de déboisement en Guyane (Conseil d’Etat)
Par une décision n°420804 du 9 octobre 2019, le Conseil d’Etat a procédé à une nouvelle application du principe de non régression en annulant partiellement les dispositions d’un décret exemptant de toute évaluation environnementale certains projets de déboisement en Guyane.
A titre liminaire, je vous propose la lecture de notre note datée du 9 août 2016 et consacrée à l’inscription en droit interne du principe de non régression.
Dans la présente affaire, deux associations de défense de l’environnement (France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement) avaient saisi le Conseil d’Etat d’un recours tendant à l’annulation du décret n° 2018-239 du 3 avril 2018 « relatif à l’adaptation en Guyane des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, en tant qu’il exclut, pour la Guyane, à la rubrique 47 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, les projets de défrichement de plus de 0,5 hectares précédemment soumis à évaluation environnementale et en tant qu’il ne corrige pas la rubrique 47 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement afin de soumettre à évaluation environnementale les défrichements de moins de 25 hectares réalisés par l’Etat en forêt domaniale« . Décret signé par Nicolas Hulot alors qu’il était ministre en charge de l’écologie.
En d’autres termes, ainsi que le précise la décision ici commentée : « les dispositions contestées du décret attaqué exemptent de toute évaluation environnementale, en Guyane, les projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 20 hectares dans les zones classées agricoles par un plan local d’urbanisme ayant lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ou, en son absence, dans le schéma d’aménagement régional, alors que ce seuil était antérieurement de 0,5 hectare.«
Par ce décret, le Gouvernement a ainsi entendu simplifier le recours au déboisement en Guyane en exemptant certains projets de toute évaluation environnementale.
Le Conseil d’Etat va tout d’abord rappeler la portée du principe de non régression inscrit à l’article L.110-1 du code de l’environnement :
« Il résulte de ces dispositions qu’une réglementation soumettant certains types de projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement dès lors que, dans les deux cas, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent faire l’objet, en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, d’une évaluation environnementale. En revanche, une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.«
Aux termes de ce considérant, il apparaît que le principe de non régression
– ne s’oppose pas à ce que l’Etat soumette un projet soumis à évaluation environnement systématique à une évaluation environnementale au cas par cas;
– s’oppose à ce qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine soit dispensé de toute évaluation environnementale alors qu’il était auparavant soumis à une évaluation environnementale au cas par cas.
En résumé, le principe de non régression impose à l’Etat de ne pas dispenser de toute évaluation environnementale un projet auparavant soumis à une telle exigence. Il s’agit bien d’un « effet cliquet » : l’évaluation environnementale étant conçue par l’Etat lui-même comme un progrès du droit de l’environnement, il n’est pas possible de revenir sur ce progrès par décret. Le passage par la loi serait ici requis.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule partiellement le décret du 3 avril 2018
« 6. D’autre part, les dispositions contestées du décret attaqué exemptent de toute évaluation environnementale, en Guyane, les projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 5 hectares dans les autres zones que celles indiquées au point précédent, c’est-à-dire les zones n’ayant pas été classées en zones agricoles par un document d’urbanisme ayant lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ou dans le schéma d’aménagement régional, alors qu’une telle exemption était jusqu’alors limitée aux projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 0,5 hectares. Il ressort des pièces du dossier qu’une telle modification est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, eu égard notamment à la biodiversité remarquable qu’abrite la forêt guyanaise, nonobstant l’étendue de la forêt en Guyane et la protection dont une grande partie fait par ailleurs l’objet. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que ces dispositions, qui, contrairement à ce que soutient le ministre, ne résultent pas de la loi elle-même ni n’en sont la conséquence directe, méconnaissent le principe de non–régression de la protection de l’environnement énoncé au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.«
En augmentant considérablement le nombre des projets de déboisement susceptibles d’être autorisés sans évaluation environnementale, alors même que ces projets peuvent avoir une incidence notable sur l’environnement, l’Etat a donc méconnu le principe de non régression inscrit depuis 2016 à l’article L.110-1 du code de l’environnement.
Conclusion
Cette décision du Conseil d’Etat est importante à plus d’un titre.
Elle confirme que le principe de non régression a une valeur juridique certaine. Sa méconnaissance a pour conséquence l’illégalité et l’annulation d’une disposition réglementaire contraire.
Le principe de non régression contraint l’Etat à un devoir de cohérence : il n’est possible de présenter une mesure – par exemple une obligation d’évaluation environnementale – comme un pro
Il contraint sans doute aussi l’Etat au respect de la hiérarchie des normes : une disposition réglementaire ne peut violer une disposition législative, ici le principe de non régression.
Enfin, si les deux décisions par lesquelles le Conseil d’Etat a pour l’heure fait une application positive du principe de non régression sont toutes deux relatives à l’évaluation environnementale, aucun terme de cette décision du 9 octobre 2019 ne permet de penser que le principe de non régression ne sera applicable qu’à l’évaluation environnementale.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
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