Solaire : le juge administratif se prononce sur la notion de « batiment unique » et le fractionnement des projets (TA Paris)

Jan 8, 2017 | Environnement

Par jugement du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris s’est prononcé sur la légalité de la « doctrine » du « bâtiment unique », établie par l’Etat et l’AOA pour justifier le refus d’appliquer une puissance crête Q non nulle et proposer aux producteurs des contrats d’achat à des conditions tarifaires moins avantageuses.

Contexte. Pour calculer la puissance crête Q d’une installation solaire photovoltaïque, l’annexe I de l’arrêté du 4 mars 2011 précise qu’il convient d’additionner la puissance crête P des autres installations en projet ou raccordées sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale.

La difficulté réside dans le fait que l’arrêté du 4 mars 2011 ne définit pas la notion de bâtiment unique.

C’est ainsi que par une lettre du 8 janvier 2015 (consultable sur ce blog), le ministère de l’écologie (DGEC) a précisé à l’attention de plusieurs acteurs de la filière, son interprétation de la notion de « bâtiment unique » pour le calcul du tarif d’achat applicable à un site de production d’énergie solaire.

Le ministère de l’écologie définit un « même bâtiment » de la manière suivante :

« Un bâtiment est une construction d’un seul tenant, éventuellement composé de plusieurs corps de bâtiments. Un corps de bâtiment désigne un volume construit homogène, distinct et d’un seul tenant, dissociable des autres corps de bâtiment sans dommage dans la structure générale de l’édifice.
Ainsi le caractère dissociable d’une partie d’un édifice ne peut être utilisé pour la définition des contours d’un bâtiment. De même, des considérations d’adresse, d’accès, de date de construction, de fonctionnalité ou de propriétaire ne sont pas pertinentes.

En général, les bâtiments accolés et/ou mitoyens sont considérés comme un bâtiment unique.« 

Pour apprécier les conditions d’éligibilité au tarif d’achat prévues par l’arrêté du 4 mars 2011, le ministère de l’écologie estime ainsi que « plusieurs corps de bâtiments » pourraient néanmoins constituer un « bâtiment unique ».

Un « corps de bâtiment » désignerait un volume construit homogène, distinct et d’un seul tenant, dissociable des autres corps de bâtiment sans dommage dans la structure générale de l’édifice. On relève que le ministère retient une définition étroite du bâtiment unique par la « nécessité » de mettre fin aux « pratiques de contournement de l’esprit » de l’arrêté du 4 mars 2011. En réalité, sont ici visées certaines pratiques de « fractionnement » des installations solaires photovoltaïques, notamment de 9 kWc, dans le but d’obtenir un tarif d’achat plus avantageux.

La société EDF fait application d’une « doctrine » du « bâtiment unique », afin de justifier l’application d’une puissance crête Q non nulle, pour des installations situées sur des bâtiments mitoyens et/ou accolés, voire qui partagent un même pan de mur. Les producteurs se sont vus proposer des contrats d’achat à des conditions tarifaires moins favorables. Dans ce contexte, plusieurs producteurs ont contesté cette interprétation et ont introduit des recours en annulation devant les juridictions administratives.

L’interprétation retenue par le tribunal administratif de Paris. Par jugement du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a jugé conforme l’interprétation faite par le ministère et reprise par la société EDF du critère du bâtiment unique pour calculer la puissance Q d’une installation solaire photovoltaïque.

Le juge administratif précise ici que :

« qu’en tout état de cause, à supposer même que la modification cadastrale ait précédé le dépôt de demandes complètes de raccordement, il ressort des constatations d’huissiers requis à la fois par la requérante et la défenderesse que les installations de la SAS X. sont situées, certes sur deux ouvrages construits à des époques différentes, à savoir un garage adossé à une grange, mais qui, dès lors qu’ils sont juxtaposés et qu’ils partagent même un pan de mur commun ainsi que fait valoir sans être regardés pour l’application de l’arrêté du mars 2011 comme formant un unique bâtiment ; qu’ainsi, c’est par une exacte application des dispositions réglementaires en vigueur que la société EDF a proposé à la SAS X la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité comportant un tarif de 16,731 centimes d’euro par kilowattheure » (cf. TA de Paris, 23 juin 2013, n°1513079 et 1513081).

Ainsi, au cas présent, deux installations situées sur deux bâtiments construits à des époques différentes, mais qui sont « juxtaposés » et partagent un pan de mur commun, doivent être regardées comme situées sur des bâtiments indissociables et donc unique, pour la détermination de la puissance Q, peu importe que lesdits bâtiments soient construits sur des parcelles cadastrales distinctes.

Pour le tribunal administratif de Paris, une telle interprétation serait conforme aux dispositions de l’arrêté du 4 mars 2011.

A noter, cependant, que ce jugement :

  • d’une part n’est pas définitif, dès l’instant où un appel a été interjeté à son encontre.
  • d’autre part, n’épuise pas, loin s’en faut, toutes les questions relatives à cette notion de bâtiment unique.

Emma Babin

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