Urbanisme : rejet de la demande d’annulation du décret du 21 mai 2019 créant une nouvelle catégorie d’aménagements légers sur la zone littorale (Conseil d’Etat)

Juil 21, 2020 | Urbanisme

Par une décision du 10 juillet 2020, n°432944, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de l’association France Nature Environnement (FNE) demandant l’annulation du décret n°2019-482 du 21 mai 2019, ayant pour objet de créer une nouvelle catégorie d’aménagements légers pouvant être implantés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

En l’espèce, faisant suite à une consultation du public, le décret n°2019-482 du 21 mai 2019 « relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques » est entré en vigueur le 22 mai 2019.

Il crée une nouvelle catégorie d’aménagements légers, à savoir, les canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques.

Par requête présentée le 23 juillet 2019 au Conseil d’Etat, l’association FNE a demandé l’annulation du présent décret pour un certain nombre de motifs, exposés ci-après.

Toutefois, le Conseil d’Etat a rejeté l’intégralité des moyens soulevés par la requérante.

Sur le cadre juridique applicable

Au préalable, il convient d’exposer le cadre juridique applicable aux aménagements légers sur la zone littorale.

En principe, conformément à l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme, les constructions sur les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques sont interdites.

Par dérogation, l’article L. 121-24 de ce même code autorise les aménagements légers lorsqu’ils sont nécessaires à la gestion, la mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à l’ouverture au public de ces sites et qu’ils ne portent pas d’atteinte à leur caractère remarquable.

Pris en application de l’article précité, l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme liste les aménagements légers autorisés dans ces sites. Le décret attaqué a intégré une nouvelle catégorie d’aménagements légers à cette liste :

« 4° A l’exclusion de toute forme d’hébergement et à condition qu’ils soient en harmonie avec le site et les constructions existantes : (…)

c) A la condition que leur localisation dans ces espaces corresponde à des nécessités techniques, les canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques, dès lors qu’elles sont enfouies et qu’elles laissent le site dans son état naturel après enfouissement, et que l’emprise au sol des aménagements réalisés n’excède pas cinq mètres carrés. »

Ainsi, les canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques, peuvent être implantées, sous certaines conditions, dans les espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Sur le contenu de la décision

En premier lieu, l’association requérante soutenait que le décret attaqué méconnaissait le principe de participation du public.

A cette fin, elle se prévalait de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement prévoyant que certains actes réglementaires de l’Etat, ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, doivent faire l’objet d’une publication préalable permettant au public de formuler des observations.

Cependant, en application d’une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat a rappelé qu’un projet d’acte réglementaire ayant été soumis aux observations du public peut faire l’objet de modifications ultérieures ne dénaturant pas le projet sur lequel ont été initialement recueillies ces observations.

Ainsi, après avoir constaté que le projet de décret contesté avait bien fait l’objet d’une consultation du public, la Haute Juridiction a considéré que l’ajout d’une nouvelle catégorie d’aménagements légers, ne conduisait pas, à dénaturer le projet de décret tel qu’il avait été soumis au public.

En deuxième lieu, la demanderesse indiquait que l’article R. 121-5 du code de l’environnement ne précisait pas les services publics ou activités économiques justifiant l’implantation de canalisation sur le littoral.

Selon elle, il en résultait une méconnaissance de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme prévoyant que les aménagements doivent être nécessaires à la gestion, à la mise en valeur ou à l’ouverture au public de la zone littorale.

Toutefois, le Conseil d’Etat relève l’article R.121-5 du code de l’urbanisme est pris en application de l’article L. 121-4 de ce même code.

Ainsi, l’ensemble des aménagements listés par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme – y compris les canalisations – doivent nécessairement respecter les conditions posées par l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme.

Partant, le Conseil d’Etat a rejeté le moyen de la requérante

En troisième lieu, l’association FNE invoquait la méconnaissance, par le décret contesté, des articles L. 121-16 et L. 121-17 du code de l’urbanisme relatifs au régime juridique applicable dans la bande littorale.

La Haute juridiction a rejeté ce moyen en constatant que le décret litigieux n’a pas été pris en application de ces articles mais des articles L. 121-3 et L. 123-24 du même code, relatifs au régime juridique applicable aux terrains situés sur une commune littorale, implantés à proximité ou non du rivage.

En quatrième lieu, la requérante invoquait enfin la violation du principe de non régression du droit de l’environnement par le décret querellé.

Pour rappel, l’article l’alinéa 9° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement consacre ce principe :

« II. – Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu’ils fournissent sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (…)
9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

Ledit principe implique que la réglementation relative à l’environnement ne peut que se parfaire et ne peut décliner.

Le Conseil d’Etat a rejeté ce moyen en relevant que l’alinéa 1° de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme, sur lequel l’article R. 121-5 de ce même code est fondé, indique que les aménagements ne doivent pas porter atteinte au caractère remarquable du site les accueillant.

En outre, l’alinéa 2° de l’article L. 121-4 de ce même code prévoit des garanties afin d’éviter toute atteinte au caractère remarquable des sites.

En effet, préalablement à la réalisation de l’aménagement, une enquête publique doit être menée et un avis de la commission départementale de la nature doit être rendu.

Enfin, l’aménagement doit être conçu de manière à permettre un retour du site à l’état naturel.

Par conséquent, le Conseil d’Etat considère qu’en créant une nouvelle catégorie d’aménagements légers autorisés, le décret contesté ne méconnaît pas le principe de non régression dans la mesure où la réalisation de ces aménagements est encadrée afin de ne pas porter atteinte au caractère remarquable du site.

En définitive, la requête de l’association FNE a été rejetée.

Isabelle Michel

Juriste – Gossement Avocats

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