En bref
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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Etude d’impact : le porteur de projet doit analyser les incidences directes de l’ouvrage sur l’environnement mais aussi les incidences indirectes de son utilisation et de son exploitation (Conseil d’Etat, 27 mars 2023, n°450135 – centrale biomasse de Gardanne)
La décision rendue ce 27 mars 2023 par le Conseil d’Etat est d’une grande importance théorique et pratique. A titre liminaire, il importe de rappeler que l’obligation d’évaluation environnementale des projets susceptibles de porter atteinte à l’environnement est un des instruments principaux du droit de l’environnement.
Aux termes de la présente décision, le Conseil d’Etat réalise un équilibre entre, d’une part une interprétation stricte du contenu de l’étude d’impact, lequel doit porter sur les incidences directes et indirectes prévisibles d’un projet sur l’environement et, d’autre part le principe de proportionnalité de ladite étude d’impact.
S’agissant de l’obligation d’évaluation des incidences indirectes du projet sur l’environnement, cette décision appelle les deux observations suivantes.
En premier lieu, cette décision contribue à préciser quel doit être le contenu exact de l’étude d’impact et, notamment le contenu de l’analyse des incidences directes indirectes du projet sur l’environnement. Cette décision augmente le niveau d’exigence qui doit être celui de l’administration puis du juge administratif en matière d’évaluation environnementale et donc, aussi, d’autorisation des projets industriels. Les opérations d’exploitation de ces derniers ne peuvent pas être isolées des opérations d’extraction ou d’approvisionnement qui contribuent à ladite exploitation.
En deuxième lieu, cette décision est importante pour l’approvisionnement des installations industrielles en ressources naturelles. Dés le début du présent contentieux, une des principales questions débattues par les parties a tenu à la régularité de l’étude d’impact versée au dossier de demande d’autorisation d’exploiter : cette étude d’impact devait elle comporter une analyse des incidences des coupes de bois susceptibles d’être effectuées à l’étranger notamment au Brésil ou aux Etats-Unis d’Amérique pour alimenter la centrale ?
Si l’exploitant a, en 2021, modifié son plan d’approvisionnement pour ne plus utiliser de bois extrait à l’étranger, cela n’a pas eu d’effet sur l’analyse du Conseil d’Etat :
Comme le souligne la décision ici commentée, cette question de l’approvionnement en bois est d’autant plus importante que la consommation de cette ressource devait être élevée :
« 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’alimentation de la tranche n°4 de la centrale de Provence supposera un approvisionnement en combustibles, et tout particulièrement en bois. Les ressources en bois d’origine locale devraient représenter, d’après le plan d’approvisionnement établi en 2011 et figurant dans le dossier soumis aux juges du fond, 27% de l’énergie entrante dans la centrale, cette part devant ensuite monter à 50%, le total de la biomasse d’origine locale devant, selon l’avis de l’autorité environnementale du 22 mai 2012, représenter un volume annuel de 370 000 à 580 000 tonnes. Les associations requérantes soutiennent que l’étude d’impact, si elle présente une estimation de la part prévisionnelle des principaux combustibles dans l’approvisionnement de la centrale, était insuffisante, faute notamment d’analyser les effets, pour les massifs forestiers, de la mise en œuvre de ce plan d’approvisionnement en bois« .
La décision rendue ce 27 mars 2023 par le Conseil d’Etat ne fait pas état du lieu d’extraction du bois mais de l’importance de sa consommation comme combustible et de la sensibilité des milieux dans lesquels est réalisée cette extraction. Ainsi, que la ressource soit extraite localement ou loin du lieu d’exploitation de l’installation pour laquelle une autorisation d’exploiter a été demandée : l’étude d’impact doit couvrir ces conditions d’approvisionnement.
8 juin 2017 : par un jugement n° 1307619 et s, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande et annulé l’autorisation d’exploiter autorisant la poursuite de l’exploitation de la centrale de Provence.
27 mars 2023 : par une décision n°450135 le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 24 décembre 2020, en tant qu’il a reformé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2017 et rejeté le surplus des conclusions des demandes des requérantes devant ce tribunal.
L’annulation de l’arrêté préfectoral du 29 novembre 2012 portant autorisation d’exploiter la centrale de Provence est confirmée.
II. L’étude d’impact doit comporter une analyse des incidences directes et indirectes prévisibles du projet
A titre liminaire, il importe de rappeler que, tant le droit de l’Union européenne que le droit interne imposent à l’auteur de l’étude d’impact d’un projet d’en étudier les « incidences directes et indirectes » sur une série de facteurs.
L’article 3 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement dispose :
« L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 12, les incidences directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants :
a) l’homme, la faune et la flore;
b) le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage;
c) les biens matériels et le patrimoine culturel;
d) l’interaction entre les facteurs visés aux points a), b) et c).«
L’article L.122-1 du code de l’environnement précise à son tour que
« L’évaluation environnementale permet de décrire et d’apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet :
1° La population et la santé humaine ;
2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et de la directive 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 ;
3° Les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ;
4° Les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ;
5° L’interaction entre les facteurs mentionnés aux 1° à 4°.«
A. La distinction des opérations d’exploitation de la centrale de Provence et d’exploitation forestière par la cour administrative d’appel de Marseille
Aux termes de son arrêt du 24 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’il est nécessaire de distinguer :
- d’une part, l’opération d’exploitation de la centrale pour laquelle est demandée une autorisation ;
- d’autre part, l’opération d’exploitation forestière pour approvisionner la centrale biomasse.
En conséquence, l’étude d’impact du projet litigieux devait porter sur les seuls effets de l’exploitation de biomasse dans l’installation classée ainsi autorisée et non sur les effets des opération d’exploitation forestière :
« 19. Il résulte de l’instruction que les besoins en plaquettes forestières issus des ressources locales destinés à l’alimentation de la tranche n° 4, de la centrale de Provence a été fixée à 150 000 tonnes par an pour l’année de démarrage de l’installation, soit 2014, et de 300 400 tonnes à l’horizon 2024. Si l’approvisionnement en bois forestier de la centrale est une condition de son exploitation, l’exploitation forestière et la production d’électricité ont cependant leur finalité propre et répondent à des objectifs différents. Elles constituent des opérations pouvant être mises en œuvre de façon indépendante. D’ailleurs, les opérations d’exploitation forestière qui peuvent porter sur des propriétés publiques ou privées, sont encadrées par le code forestier dans une optique de gestion durable des forêts.«
Ces deux catégories d’exploitations relèvent d’une « législation et de procédures distinctes » :
« Relevant d’une législation et de procédures distinctes, ces opérations n’avaient pas à être prises en compte en tant que telles pour autoriser l’exploitation de la centrale thermique en tant qu’installation classée. Ainsi, elles ne sauraient être regardées comme participant à la réalisation d’un même programme au sens du II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement. Il s’ensuit que l’étude d’impact du projet de centrale électrique n’avait pas, en application de ces dispositions, à porter sur les opérations d’exploitation forestière effectuées en vue de l’approvisionnement en bois forestier de la centrale.«
B. L’obligation d’évaluation des incidences directes de l’ouvrage autorisé mais aussi celles susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation
L’obligation d’évaluation des « incidences prévisibles sur l’environnement ». Après avoir rappelé les termes des articles L.122-1 (champ d’application), R.512-6 et R.512-8 (contenu de l’étude d’impact) du code de l’environnement, le Conseil d’Etat a rappelé de quelle manière doivent être appréciés les effets sur l’environnement d’un projet d’installation classée :
« 4. Les effets sur l’environnement d’un projet d’installation classée qui doivent, conformément à l’article R. 512-8 du code de l’environnement alors applicable, faire l’objet d’une analyse spécifique dans l’étude d’impact doivent être déterminés au regard de la nature de l’installation projetée, de son emplacement et de ses incidences prévisibles sur l’environnement. » (cf. également Conseil d’Etat, 13 mars 2019, n°418949).
L’obligation d’évaluation des incidences directes et indirectes du projet. Aux termes de sa décision rendue ce 27 mars 2023, le Conseil d’Etat précise que l’étude d’impact doit analyser les incidences directes non seulement de l’ouvrage pour lequel une autorisation est demandée mais aussi les incidences – indirectes – « susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation » : .
« 5. L’appréciation de ces effets suppose que soient analysées dans l’étude d’impact non seulement les incidences directes sur l’environnement de l’ouvrage autorisé, mais aussi celles susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation. Cette analyse doit, aux termes de l’article R. 512-8 du code de l’environnement cité au point 2 et alors applicable, être en relation avec l’importance de l’installation projetée. (…)« .
En conséquence, l’étude d’impact dont procède l’autorisation d’exploiter litigieuse aurait dû comporter une analyse des « effets sur l’environnement » du plan d’approvisionnement en bois de la centrale :
« (…) il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, ainsi qu’il a été dit au point 3, l’exploitation de la centrale de Provence repose sur la consommation de très grandes quantités de bois provenant de ressources forestières locales, ressources naturelles faisant l’objet d’une protection particulière. Il s’ensuit que les principaux impacts sur l’environnement de la centrale par son approvisionnement en bois, et notamment les effets sur les massifs forestiers locaux, doivent nécessairement être analysés dans l’étude d’impact. Par suite, en jugeant que l’étude d’impact n’avait pas à analyser les effets sur l’environnement du plan d’approvisionnement en bois de la centrale, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’erreur de droit. »
L’illégalité de l’autorisation d’exploiter est donc confirmée. Il est important de souligner de nouveau que l’étude d’impact doit être d’autant plus précise sur les conditions d’extraction des ressources naturelles nécessaires à l’exploitation de l’installation industrielle que les quantités de bois consommées sont importante et que les ressources naturelles « font l’objet d’une protection particulière ».
Arnaud Gossement
Avocat – professeur
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