En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Dérogation espèces protégées : publication du décret relatif aux conditions requises pour qu’un projet de production d’énergie renouvelable ou nucléaire soit réputé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023)
Résumé
1. L’article L.411-1 du code de l’environnement définit une interdiction de principe de toute destruction d’espèces protégées et de leurs habitats.
2. L’article L.411-2 du code de l’environnement permet de déroger à cette interdiction de principe à trois conditions cumulatives : absence de « solution alternative satisfaisante » ; absence de nuisance pour le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » ; justification de la dérogation par l’un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure « c) (…) l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement«
3. L’article 19 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a pour objet de faciliter la preuve, par le porteur de projet, de la satisfaction de la première de ces trois conditions. Un projet de production d’énergie renouvelable peut être réputé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur s’il remplit des critères fixés par décret en Conseil d’Etat.
3. Le Gouvernement a organisé, du 30 octobre au 24 novembre 2023, une consultation publique sur deux projets de décrets relatifs à la présomption de la raison impérative d’intérêt public majeur des projets de production d’énergie renouvelable et nucléaire (cf. notre commentaire).
4. Le Gouvernement a publié, au journal officiel du 30 décembre 2023, le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pris pour l’application, sur le territoire métropolitain continental, de l’article L.211-2-1 du code de l’énergie et de l’article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023. Ce décret précise les conditions qu’un projet de production d’énergie renouvelable doit remplir pour être réputé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur
Pour chaque catégorie de projets de production d’énergie renouvelable, le décret prévoit deux conditions à réunir pour bénéficier de la présomption relative à la première des trois conditions à réunir pour obtenir une dérogation espèces protégées :
a) le projet considéré doit dépasser un seuil plancher de puissance installée prévisionnelle.
b) l’objectif plafond de développement de cette source d’énergie, tel que défini par le décret de programmation pluriannuelle de l’énergie ne doit pas avoir été dépassé.
6. Les seuils planchers pour chaque type de source d’énergie renouvelable (sur le territoire métropolitain continental) sont les suivants :
– production d’énergie solaire photovoltaïque : la puissance prévisionnelle de l’installation est supérieure ou égale à 2,5 MWc.
– production d’énergie solaire thermique : la puissance prévisionnelle de l’installation est supérieure ou égale à 2,5 MW.
– production d’énergie éolienne terrestre : la puissance prévisionnelle de l’installation est supérieure ou égale à 9 MW.
– production de biogaz issu de méthanisation : la production annuelle prévisionnelle de l’installation est supérieure ou égale à 12 GWh PCS/an.
– production hydroélectrique : la puissance prévisionnelle de l’installation est supérieure à 1 (et non 3 MW)
Commentaire général
- il fixe un seuil de puissance installée plancher assez élevé pour chaque catégorie de projets d’installations de production. Il convient de s’interroger sur le motif exact pour lequel des grands projets répondraient davantage à une raison impérative d’intérêt public majeur. A titre d’exemple, s’agissant de l’éolien terrestre, la puissance installée moyenne des parcs est de 10MW. Les autorités administratives compétentes seront sans doute vigilantes quant aux tentatives de fractionnement, dans le temps et dans l’espace,
- il confère ou confirme la valeur d’un plafond à l’objectif de développement de la catégorie de production défini par le décret portant programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le principe d’interdiction de destruction d’espèces protégées. Pour mémoire, le principe d’interdiction du patrimoine naturel protégé est inscrit à l’article L.411-1 du code de l’environnement. Aux termes de ces dispositions, les destinataires de ce principe d’interdiction de destruction sont :
- Les sites d’intérêt géologique
- Les habitats naturels
- Les espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées
- Leurs habitats
Il importe de souligner que le terme « destruction » doit être compris, dans une acception large, comme comprenant aussi, « altération » ou « dégradation ».
La dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées En droit interne, la possibilité de déroger à ce principe d’interdiction de destruction d’espèces protégées est prévue au 4° de l’article L.411-2 du code de l’environnement. Aux termes de ces dispositions, les conditions de fond suivantes doivent être réunies pour qu’une dérogation – si elle a été demandée – puisse être délivrée par l’administration :
- L’absence de « solution alternative satisfaisante »
- L’absence de nuisance pour le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle«
- La justification de la dérogation par l’un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure « c) (…) l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement«
Par un avis n°463563 du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat, à la demande de la cour administrative d’appel de Douai, a précisé son interprétation des dispositions du droit positif relatives aux conditions :
- d’une part, de déclenchement de l’obligation de dépôt d’une demande de dérogation à l’interdiction d’espèces protégées.
- d’autre part, de délivrance de cette dérogation, une fois demandée.
S »agissant des conditions distinctes et cumulatives de délivrance de la dérogation espèces protégées
- Le Conseil d’Etat a entendu rappeler le contenu et le caractère distinct et cumulatif des trois conditions de dérogation.
- Le Conseil d’Etat a également précisé que l’administration doit notamment prendre en compte, lors de l’examen de ces trois conditions, des mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées par le pétitionnaire
La création de la présomption d’une raison impérative d’intérêt public majeur pour les projets de production d’énergies renouvelables. L’article 19 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a défini, à l’article L. 211-2-1 du code de l’énergie, une présomption d’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur dont relèvent les projets production d’énergies renouvelables (cf. notre commentaire) :
« I.-Les projets d’installations de production d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du présent code ou de stockage d’énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. »
– Les conditions à remplir pour les projets de production électronucléaire ne sont pas codifiées et demeureront inscrites à l’article 3 du décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023.
article R.211-6 : les projets de stations de transfert d’énergie par pompage
2° La puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement est inférieure à l’objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie.
A noter le projet de décret soumis à consultation publique comportait une disposition qui n’a pas été conservée dans le décret publié au journal officiel et qui était ainsi rédigée au termes du 2° : « En cas de renouvellement de l’installation en application de l’article L. 181-14 du code de l’environnement, que ce renouvellement engendre ou non une modification de la puissance installée et de la localisation des installations, ce critère n’est pas nécessaire pour répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411‑2 du code de l’environnement. » A la suite du retrait de cette disposition, la condition relative à la réalisation de l’objectif inscrit dans la programmation plurianneuelle de l’énergie doit être appréciée « à la date de demande de dérogation ».
2° La production annuelle totale du parc d’installations de production de biogaz présent sur ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, est inférieure à l’objectif maximal de production annuelle prévisionnelle totale du parc d’installation de production de biogaz sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie.
2° La puissance totale du parc hydroélectrique gravitaire raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, est inférieure à l’objectif maximal de puissance du parc hydroélectrique gravitaire sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1du code de l’énergie.
Ces dispositions ne s’appliquent pas aux installations sises sur des cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.
6. Un projet de station de transfert d’énergie par pompage située sur le territoire métropolitain continental (article R.211-6 du code de l’énergie)
Aux termes du nouvel article R. 211-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue du décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023, un projet de station de transfert d’énergie par pompage située sur le territoire métropolitain continental satisfait aux conditions prévues à l’article L. 211-2-1 si :
1° La puissance prévisionnelle totale de la station est supérieure ou égale à 1 mégawatt ;
2° La puissance totale du parc des stations de transfert d’énergie par pompage raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, est inférieure à l’objectif maximal de puissance du parc de stations de transfert d’énergie par pompage sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie.
Ce seuil n’est pas applicable aux installations sises sur des cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.
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Emballages : le décret n°2025-1081 du 17 novembre 2025 sur la filière REP des emballages professionnels est (enfin) publié
Le décret du 17 novembre 2025 confirme que la filière REP des emballages professionnels répond à un schéma plutôt financier, ce que confirmait déjà la version projet du texte.
On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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