En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Programmation pluriannuelle de l’énergie : le Sénat confirme l’affaiblissement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la suppression des objectifs sectoriels de développement des énergies renouvelables
Ce mardi 1er juillet 2025, en deuxième lecture et en commission, les sénateurs ont examiné la proposition de loi du sénateur Gremillet portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie. Si les sénateurs ont supprimé la disposition issue d’un amendement LR, imposant un moratoire sur les projets d’éolien et de solaire, ils ont cependant conservé d’autres mesures affaiblissant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et le développement des énergies renouvelables. Analyse.
Résumé
Dans l’ensemble, les sénateurs comme les députés et le Gouvernement se sont, pour l’heure, prononcés en faveur d’un mix énergétique fondé sur des « énergies décarbonées », expression utilisée de préférence à celle d’énergies renouvelables. Un mix d’énergies décarbonées au sein duquel, pour la production d’électricité, la priorité est donnée à la production d’énergie nucléaire.
Dans cet esprit, les sénateurs ont principalement voté les mesures suivantes :
- La confirmation de l’affaiblissement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les sénateurs ont malheureusement confirmé l’affaiblissement de l’objectif clé de voûte de notre politique énergie/climat : atteindre cet objectif ne relèvera plus d’une obligation de résultat mais de moyen. L’Etat n’aura plus l’obligation de « réduire » mais, simplement, de « tendre vers vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40[50] % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050.(..).
- La suppression du moratoire sur l’éolien et le solaire (cf. notre commentaire).
- La confirmation de la priorité donnée à l’énergie nucléaire. Les sénateurs ont confirmé cette priorité, dans des termes toutefois différents que ceux adoptés par les députés en commission.
- La suppression de l’objectif de part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Les sénateurs ont confirmé, en commission cette suppression au profit d’un objectif de part « d’énergie décarbonée »
- La suppression des objectifs sectoriels de développement des énergies renouvelables. Les sénateurs ont confirmé la suppression, à l’article L.100-4 du code de l’énergie des objectifs sectoriels de développement de la production d’énergies renouvelables : suppression de l’objectif de production d’énergie hydraulique, suppression de l’objectif de production d’énergie éolienne en mer; suppression de l’objectif chaleur et froid.
- La confirmation de la priorité est donnée au renouvellement des parcs éoliens terrestres existants de préférence à l’implantation de nouvelles installations.
- La suppression de l’objectif non chiffré de développement de l’agrivoltaïsme
Commentaire
1. La confirmation de l’affaiblissement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les sénateurs ont malheureusement confirmé l’affaiblissement de l’objectif clé de voûte de notre politique énergie/climat : atteindre cet objectif ne relèvera plus d’une obligation de résultat mais de moyen. Pour mémoire, le 19 juin 2025, en première lecture et en séance publique, les députés avaient modifié de nouveau la rédaction de l’article L.100-4 du code de l’énergie qui comporte l’objectif – fondamental – de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France. Les députés avaient en effet adopté l’amendement n°627 déposé par le Gouvernement et l’amendement n°291 du groupe Rassemblement national. Les deux amendements avaient été déposés à l’Assemblée nationale le 12 juin, étaient rédigés en termes identiques mais assortis d’exposés des motifs différents. Si ces amendements devaient être définitivement conservés dans la loi, les deux premiers alinéas de l’article L.100-4 du code de l’énergie seraient ainsi rédigés (ajouts des termes en gras et soulignés : « I.-Pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs : 1° De réduire les tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40[50] % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050.(..) ». L’obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 50% entre 1990 et 2030 ne serait ainsi plus une obligation de résultat mais de moyen. Faire nos meilleurs efforts suffira. Cette modification majeure de la nature même de cet objectif clé de voûte de notre politique énergie climat est un changement lui aussi majeur de pilotage de cette politique (cf. notre commentaire complet).
2. La suppression du moratoire sur l’éolien et le solaire. Les sénateurs sont revenus sur cette décision absurde des députés. Pour mémoire, le 19 juin 2025, lors de la discussion en séance publique à l’Assemblée nationale, de la proposition du sénateur Gremillet, les députés ont adopté un amendement n°486 déposé par le Groupe LR pour imposer un « moratoire » sur l’éolien (terrestre ou maritime) et le solaire photovoltaïque. Un amendement qui aurait interdit à l’administration d’instruire une demande d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation d’un projet éolien ou solaire, à compter de la date de promulgation de la loi et pour une durée indéfinie (cf. notre commentaire).
3. La priorité donnée à l’énergie nucléaire. Les sénateurs ont confirmé cette priorité, dans des termes toutefois différents que ceux adoptés par les députés en commission. En premier lieu, les sénateurs ont confirmé l’objectif suivant à l’article L.100-4 du code de l’énergie : « 5° bis De maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 60 % à l’horizon 2030 et un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050 » (nous soulignons). En deuxième lieu, les sénateurs comme les députés ont entendu préciser que la production d’énergies décarbonée sera priorité fondée, pour l’électricité, sur la production d’énergie nucléaire : « À l’horizon 2030, la production d’électricité décarbonée doit atteindre au moins 560 térawattheures au périmètre de la métropole continentale, dont au moins 200 térawattheures d’origine renouvelable et 360 térawattheures d’origine nucléaire, la production nationale de chaleur renouvelable et de récupération au moins 297 térawattheures, celle de biocarburants environ 48 térawattheures et celle de biogaz environ 50 térawattheures dont au moins 44 térawattheures injectés dans les réseaux. »
4. La suppression de l’objectif de part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Les sénateurs ont confirmé, en commission cette suppression au profit d’un objectif de part d’énergie décarbonée » A l’article 5 de la proposition de loi, les députés ont adopté un amendement de suppression de l’objectif, exprimé en pourcentage, de part des énergies renouvelables. Cet objectif est, pour l’heure, rédigé ainsi à l’article L.100-4 du code de l’énergie : « 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 33 % au moins de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter au moins 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz. Pour l’application du présent 4°, la consommation de gaz comprend celle de gaz renouvelable, dont le biogaz, au sens de l’article L. 445-1, et de gaz bas-carbone, au sens de l’article L. 447-1 ; » Les députés ont adopté un amendement PS n°601 qui prévoit de rédiger ainsi le 4° de l’article L.100-4 du code de l’énergie : « 4° De porter la part d’énergie décarbonée à 58 % au moins de la consommation finale brute d’énergie en 2030. À cette date, la production d’électricité décarbonée doit atteindre au moins 560 térawattheures en métropole continentale, dont au moins 200 térawattheures issus de sources renouvelables, la production nationale de chaleur bas-carbone au moins 297 térawattheures et celle de biogaz au moins 44 térawattheures injectés dans les réseaux ; » On notera la création d’un objectif d’au moins 200 térawattheures issus de sources renouvelables, en 2030. Toutefois, aucune déclinaison n’est faite parmi ces sources énergies renouvelables et il convient de rappeler que, par ailleurs, l’éolien et le solaire sont sortis de la liste des énergies décarbonées à développer. Il n’est donc pas du tout certain, en lisant la proposition de loi dans son intégralité, que cet objectif bénéficie à toutes les sources d’énergies renouvelables. L’Etat pourrait ainsi choisir celles qui contribueront à la réalisation de cet objectif. Cette rédaction
5. La suppression des objectifs sectoriels de développement des énergies renouvelables. Les sénateurs ont confirmé la suppression, à l’article L.100-4 du code de l’énergie des objectifs sectoriels de développement de la production d’énergies renouvelables :
- Suppression de l’objectif de production d’énergie hydraulique. Les sénateurs ont confirmé la suppression de cet objectif. Pour mémoire, les députés avaient adopté un amendement (rapporteur) n°568 qui supprime l’objectif de production d’énergie hydraulique, inscrit pour l’heure au 4 bis de l’article L.100-4 du code de l’énergie avec la rédaction suivante : « 4° bis D’encourager la production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité, en veillant à maintenir la souveraineté énergétique, à garantir la sûreté des installations hydrauliques et à favoriser le stockage de l’électricité ».
- Suppression de l’objectif de production d’énergie éolienne en mer. Les sénateurs ont confirmé la suppression de cet objectif. Pour mémoire, les députés avaient adopté un amendement (rapporteur) n°568 qui supprime l’objectif de production d’énergie hydraulique, inscrit pour l’heure au 4 bis de l’article L.100-4 du code de l’énergie avec la rédaction suivante : « 4° ter De favoriser la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées en mer, avec pour objectif de porter progressivement le rythme d’attribution des capacités installées de production à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 1 gigawatt par an d’ici à 2024. »
- Suppression de l’objectif chaleur et froid. Les sénateurs ont confirmé la suppression de cet objectif. Les députés ont adopté un amendement (rapporteur) n°568 qui supprime cet objectif, inscrit pour l’heure au 9° de l’article L.100-4 du code de l’énergie avec la rédaction suivante : « 9° De multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2030″.
Ces objectifs devraient donc être retranchés de la loi. Il n’est pas certain qu’ils puissent être rétablis dans un décret. En effet, la définition de ces objectifs est du domaine de la loi comme le précise l’article L.141-1 du code de l’énergie : « La programmation pluriannuelle de l’énergie, fixée par décret, définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental, afin d’atteindre les objectifs définis aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du présent code ainsi que par la loi prévue à l’article L.100-1 A. Elle est compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement, ainsi qu’avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du même code. La programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une synthèse pédagogique accessible au public. » Dés l’instant où le législateur supprime l’objectif général de développement des énergies renouvelables ainsi que les objectifs sectoriels de développement des énergies renouvelables, les opposants à ces dernières ne manqueront pas de s’opposer au rétablissement de ces objectifs par décret.
6. La confirmation de la priorité donnée au renouvellement des parcs éoliens terrestres existants de préférence à l’implantation de nouvelles installations. Pour mémoire l’objectif chiffré de développement de l’éolien terrestre est actuellement rédigé de la manière suivante à l’article L.100-4 du code de l’énergie : « 4° ter De favoriser la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées en mer, avec pour objectif de porter progressivement le rythme d’attribution des capacités installées de production à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 1 gigawatt par an d’ici à 2024« . Les députés comme les sénateurs ont voté la suppression de cette disposition. En lieu et place, ils ont adopté la phrase suivante à l’article 5 de la proposition de loi : « Pour les installations terrestres utilisant l’énergie mécanique du vent, le développement des capacités de production d’électricité est assuré en privilégiant le renouvellement des installations existantes et en tenant compte de la planification territoriale ; ». Il n’est donc plus question d’un objectif chiffré de développement global de l’éolien terrestre mais d’une priorité donnée au renouvellement en « tenant compte de la planification territoriale » ce qui renvoie aux zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cette priorité est confirmée dans l’exposé des motifs du sous-amendement à l’origine de cette disposition : « Le présent sous-amendement a pour objet de conserver, à l’article 5 sur l’essor des énergies renouvelables, une condition adoptée en première lecture en commission au Sénat, à l’initiative du rapporteur pour avis pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : il s’agit de la précision selon laquelle le renouvellement des installations est préféré à l’implantation de nouvelles installations, en matière d’éolien terrestre, et tient compte de la planification territoriale. »
7. La suppression de l’objectif non chiffré de développement de l’agrivotaïsme. Pour mémoire l’objectif chiffré de développement de l’agrivoltaïsme est actuellement rédigé de la manière suivante à l’article L.100-4 du code de l’énergie : « 4° quater D’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques, au sens de l’article L. 314-36, en conciliant cette production avec l’activité agricole, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ». Cet objectif n’avait pas été supprimé par les députés. Il vient de l’être par les sénateurs, en commission.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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