En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Bail rural : les usages du terrain non-respectueux de l’environnement peuvent entraîner la résiliation du bail
La Cour de cassation a rendu, ce 6 février 2020 un arrêt très intéressant (cf. Actu Environnement) aux termes duquel le non-respect par le fermier de la clause imposant une exploitation agricole biologique, l’expose à la résiliation du bail rural. Cette décision fait écho à un arrêt rendu le 12 mars 2020, également par la 3ème chambre de la Cour de cassation. Analyse.
Dans la première affaire, un bail rural avait été conclu en 2001. Il y était inséré une clause prévoyant des méthodes de culture respectueuse de l’environnement qui finalement n’a jamais été respectée par les fermiers, préférant exploiter les parcelles de façon « conventionnelle ».
Le bailleur a alors invoqué le non-respect de cette clause pour obtenir la résiliation du bail rural. La Cour d’appel de Caen lui a donné gain de cause tout comme la Cour de cassation qui retient :
« Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu, à bon droit, sans procéder à une application rétroactive des dispositions de l’ordonnance du 13 juillet 2006, qu’il résulte de l’article L. 411-27 du code rural, dans sa rédaction applicable le 30 mars 2001, que le preneur s’expose à la résiliation s’il emploie la chose à un autre usage que celui auquel elle a été contractuellement destinée, de sorte qu’une clause prévoyant des méthodes de culture respectueuses de l’environnement n’est pas contraire à l’ordre public statutaire, et constaté que M. et Mme H…, en méconnaissance de la nature des terres expressément dédiées aux pratiques agro-biologiques, les avaient délibérément exploitées de façon « conventionnelle », la cour d’appel en a exactement déduit que ceux-ci avaient manqué à leurs obligations ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que le fonds était affecté à la production biologique, retenu que sa bonne exploitation était compromise par l’application de méthodes polluantes, contraires au classement des terres, et caractérisé le préjudice subi par le bailleur du fait des sanctions administratives engendrées par la non-conformité de ses parcelles à l’opération de conversion à l’agriculture biologique dans laquelle elles avaient été déclarées en totalité, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, en a souverainement déduit que la résiliation devait être prononcée ; »
Le non-respect d’une exploitation agricole biologique prévue contractuellement est susceptible d’entraîner la résiliation du bail rural.
Dans la seconde affaire, les propriétaires de terrains agricoles sollicitaient devant la Cour d’appel de Rennes la résiliation d’un bail rural qu’ils avaient conclu, au motif, notamment, que le preneur épandait des boues provenant des stations d’épuration de la commune qui auraient comporté selon eux des métaux lourds et des agents pathogènes.
Leur demande est rejetée par la Cour d’appel de Rennes ainsi que la Cour de cassation qui considère qu’en l’absence de pollution avérée, le simple fait d’épandre des boues d’épuration n’est pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds :
« Mais attendu qu’ayant retenu exactement que le bailleur ne peut demander la résiliation judiciaire du bail que s’il justifie d’agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et constaté qu’une commune s’étant engagée à céder au preneur, en vue de leur épandage, des boues d’épuration conformes à la réglementation et soumises à des analyses régulières, le contrôle sur place mis en oeuvre par l’inspection de l’environnement sur plainte des bailleurs n’avait décelé aucune anomalie, ce qui était corroboré par l’absence de poursuite de M. M… pour une quelconque infraction de pollution, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter, a pu en déduire, sans dénaturation, que n’étaient pas établis des manquements aux obligations locatives suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail »
La Cour de cassation juge que cet épandage, dès lors qu’il est conforme à la réglementation, ne constitue pas un manquement aux obligations locatives suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail.
A retenir de ces décisions
Ces arrêts sont riches de plusieurs enseignements :
1. Il est possible d’imposer dans les baux ruraux des clauses relatives à la protection de l’environnement. Cela est d’autant plus vrai depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 qui a modifié l’article L. 411-27 du code rural en ajoutant l’alinéa suivant :
« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures écologiques, peuvent être incluses dans les baux (…) ». Plusieurs cas sont énumérés comme la garantie du maintien d’une agriculture biologique.
2. Le non-respect d’une agriculture biologique prévue contractuellement peut être sanctionnée par la résiliation du contrat, sans qu’une pollution des sols n’ait à être démontrée.
3. En revanche, l’épandage de boues d’épuration conformes à la réglementation ne saurait être un motif de résiliation du bail rural. Il conviendrait de s’interroger sur le devenir de cette solution dans l’hypothèse où une clause du bail interdirait expressément le recours à l’épandage de boues d’épuration.
Emilie Bertaina
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
2 mai 2025 : conférence d’Arnaud Gossement à l’université de Lille sur « L’effet non-suspensif des recours en contentieux administratif, à l’aune de l’affaire de l’autoroute A69 »
Le vendredi 2 mai 2025 à 14h, Me Arnaud Gossement donnera, à l'université de Lille, une conférence intitulée : "Retour sur l'affaire de l'autoroute A69, l'effet non-suspensif de recours en contentieux administratif". Cette conférence sera animée par M. Pierre-Yves...
« Ne boudons pas les bonnes nouvelles » : nouvelle chronique d’Arnaud Gossement pour le journal La Croix
Arnaud Gossement est l’un des quatre experts membres du comité écologie du journal La Croix. Un comité mis en place pour accompagner la rédaction dans sa volonté de mieux traiter l’actualité des enjeux environnementaux. Dans ce cadre, Arnaud Gossement a publié ici une...
Transition énergétique : le Premier ministre confirme un changement de forme et de fond pour la prochaine feuille de route énergétique, qui sera adoptée par une loi
Ce lundi 28 avril 2025, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a procédé à une "déclaration sur la souveraineté énergétique de la France" qui a été suivie d'un débat sans vote, comme le prévoit l'article 50-1 de la Constitution. Un débat du même type sera...
Déchets – économie circulaire : une proposition de loi pour rendre visible l’éco-contribution sur les produits relevant du principe de la responsabilité élargie du producteur (REP)
Voici une mesure qui peut sembler technique mais qui est en réalité essentielle pour la protection de l'environnement et, plus précisément, pour la prévention et la gestion des déchets. Ce 17 avril 2025, M. Stéphane Delautrette et plusieurs autres députés du groupe...
Pollution de l’eau potable par les nitrates : la Commission européenne saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France (Affaire C-154/25)
Par un recours daté du 21 février 2025 et rendu public ce 22 avril 2025 (affaire C-154/25), la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de constater que la France ne respecte toujours pas la directive (UE) 2020/2184 du Parlement...
Loup : article de Me Florian Ferjoux dans le « Journal du droit européen » sur la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne
Me Florian Ferjoux a procédé à une analyse des enjeux juridiques liés à la préservation du loup au regard de la directive Habitats dans son nouvel article intitulé : « Le loup : la protection des espèces dans la directive Habitats », publié au sein du Journal du droit...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.