Déplafonnement total du reversement de la prime négative du contrat de complément de rémunération : le législateur doit revoir le dispositif (Conseil constitutionnel)

Jan 24, 2025 | Energie – Climat

Par une décision du 24 janvier 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Si le législateur est en droit de supprimer rétroactivement le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs au cours d’une période de forte hausse des prix de l’électricité, il ne peut le faire sans apporter aucune garantie aux producteurs qui ont droit à une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation jusqu’à l’échéance de leur contrat (cf. CC, 24 janvier 2025, n°2024-1119/1125 QPC).

Cette décision devrait avoir des conséquences très limités car le Conseil constitutionnel

  • a confirmé que le législateur a poursuivi un but d’intérêt général en supprimant, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs, au titre de leur contrat de complément de rémunération. Le législateur pourra donc, de nouveau, modifier de manière rétroactive ces contrats et le plafonnement des primes négatives.
  • a reporté au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation des dispositions législatives contestées, soit l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Le législateur est donc encouragé à revoir ce dispositif de déplafonnement total pour garantir, à l’avenir, une rémunération raisonnable des capitaux investis.

Résumé

1. Les producteurs d’énergies renouvelables peuvent, à certaines conditions, bénéficier d’un contrat offrant une complément de rémunération. Au titre de ces contrats, lorsque les prix de vente d’électricité sur le marché, les producteurs peuvent percevoir un soutien public (prime). Lorsque ce prix est haut, les producteurs peuvent être tenus de reverser une part du « profit » réalisé (prime négative) jusqu’à un plafond.

2. Dans un contexte de hausse du prix de vente d’électricité, l’Etat, aux termes de l’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, a décidé qu’à compter du 1er janvier 2022, le reversement n’est plus calculé dans la limite d’un plafond mais en fonction d’un prix seuil, qui est déterminé, chaque année jusqu’à la fin du contrat, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et du budget.

3. Par un arrêté du 28 décembre 2022 le Gouvernement a fixé le prix seuil, en application de l’article 38 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022. Cet arrêté a fait l’objet d’un recours de la part de représentants des professionnels des énergies renouvelables. Ce recours était assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité qui a été transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel.

4. Par une décision n°2023-1065 QPC du 26 octobre 2023 du Conseil constitutionnel a confirmé le droit pour l’Etat de percevoir,  y compris rétroactivement, les sommes excédant une « rémunération raisonnable des capitaux investis par les producteurs« . Il a toutefois déclaré contraire à la Constitution l’article 38 de la loi de finances rectificative pour 2022 pour un motif de procédure. Le Gouvernement a donc été invité à revoir sa copie.

5. Tirant les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a déposé et fait adopté le 7 novembre 2023, un un amendement au projet de loi de finances pour 2024 un amendement qui prévoit un déplafonnement total du reversement de la prime négative. L’article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 dispose : « Le présent article s’applique à tous les contrats offrant un complément de rémunération conclus en application des articles L. 311-12 et L. 314-18 du code de l’énergie qui prévoient une limite supérieure aux sommes dont le producteur est redevable lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative. / A compter du 1er janvier 2022, les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article sont ainsi modifiés : lorsque, pour un mois donné, la prime à l’énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de l’intégralité de la somme correspondante pour l’énergie produite ».

6. Par un recours enregistré le 5 août 2024 devant le tribunal administratif d’Amiens, une société de production d’énergie éolienne a demandé à ce que l’Etat et EDF soient condamnés, à l’indemniser des préjudices subis du fait de l’application à son égard des dispositions de l’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 puis de l’article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. A l’appui de ce recours et par un mémoire distinct, elle a  soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

7. Par une décision n°497958 du 6 décembre 2024, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

I. L’historique de la mesure

Le plafonnement initial du reversement de la prime négative versé par les producteurs signataires d’un contrat de complément de rémunération. Les exploitants de certaines installations de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable peuvent bénéficier, à certaines conditions d’un contrat offrant un complément de rémunération (articles L.311-12 et L.314-18 du code de l’énergie) conclu avec un acteur obligé.

Les dispositions réglementaires prises pour l’application de ces dispositions prévoient :

  • soit le versement par EDF d’une prime aux producteurs lorsque le prix du marché auquel ils vendent leur production est inférieur au tarif de référence fixé par le contrat ou par arrêté.
  • soit, à l’inverse, lorsque le tarif de référence est inférieur au prix du marché, le reversement à EDF par les producteurs du montant correspondant à la différence entre ces deux prix, sous la forme d’une prime négative.

Dans le cas où le producteur était tenu de verser une prime négative à EDF, l’article R. 314-49 du code de l’énergie, dans sa rédaction initiale, prévoyait un plafonnement du reversement de cette prime négative à hauteur du montant total des aides perçues depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération.

En d’autres termes, le producteur signataire d’un contrat offrant un complément de rémunération, lorsqu’il vendait de l’électricité au-delà d’un certain tarif de référence, était tenu de reverser les sommes perçues jusqu’à un plafond. Au-delà de ce plafond, il avait le droit de conserver les sommes provenant de la vente d’électricité.

Le déplafonnement partiel du reversement de la prime en 2022. En 2022, dans un contexte d’augmentation des prix de vente de l’électricité, le Gouvernement a souhaité « déplafonner » le versement de la prime négative versée aux producteurs d’électricité renouvelable. Son projet était donc d’obliger rétroactivement les producteurs à reverser toute somme perçue au delà d’un tarif de référence.

Aux termes de l’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, à compter du 1er janvier 2022, le reversement n’est plus calculé dans la limite d’un plafond mais en fonction d’un prix seuil, qui est déterminé, chaque année jusqu’à la fin du contrat, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et du budget. Le déplafonnement du reversement de la prime négative était donc partiel ou conditionné en fonction de ce prix seuil.

Par un arrêté du 28 décembre 2022 le Gouvernement a fixé le prix seuil, en application de l’article 38 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022. Cet arrêté a fait l’objet d’un recours de la part de représentants des professionnels des énergies renouvelables.

La confirmation par le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité du principe du déplafonnement. Par une décision n°471674 en date du 26 juillet 2023, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 38 de du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

Par une décision n°2023-1065 QPC du 26 octobre 2023 du Conseil constitutionnel a :

  • sur le fond, confirmé le droit pour l’Etat de procéder à un déplafonnement du reversement des sommes excédant « une rémunération raisonnable des capitaux investis par les producteurs »  : « En adoptant les dispositions contestées, dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité, le législateur a ainsi entendu corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général ».
  • sur la forme, critiqué le choix du législateur de renvoyer à un arrêté ministériel le soin de fixer le prix seuil à partir duquel était calculé ce reversement. (cf. notre commentaire).

On notera que le Conseil constitutionnel s’est ici prononcé dans un délai de trois mois à compter de la décision de renvoi du Conseil d’Etat. Si le Conseil constitutionnel a formellement déclaré l’article 38 de la loi de finances rectificative pour 2022 contraire à la Constitution, il a en réalité ouvert la possibilité pour le Gouvernement de reprendre la même mesure, sans renvoi à un arrêté ministériel. Le Gouvernement a donc tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en plaçant l’intégralité du dispositif dans la loi, sans renvoi à un arrêté.

II. Le contenu de la mesure adoptée à l’article 230 de la loi de finances pour 2024

Le contenu de la mesure : le déplafonnement du reversement de la prime négative sans recours à un prix seuil. L’amendement adopté par le députés en première lecture du projet de loi de finances pour 2024 (adopté par application de l’article 49 alinéa 3 prévoit la création d’un nouvel article, à la suite  de l’article 52 de ce texte (devenu article 52 sexies (nouveau)), ainsi rédigé : « Le présent article s’applique à tous les contrats offrant un complément de rémunération conclus en application des articles L. 311‑12 et L. 314‑18 du code de l’énergie qui prévoient une limite supérieure aux sommes dont le producteur est redevable lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative./ À compter du 1er janvier 2022 inclus, les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article sont ainsi modifiés : lorsque, pour un mois donné, la prime à l’énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de l’intégralité de la somme correspondante pour l’énergie produite ».

Les motifs de cette mesure. L’exposé des motifs de cet amendement confirme la décision du Gouvernement de procéder à un « déplafonnement total » du reversement des « gains » : « Cet amendement a donc pour objectif de mettre en conformité le dispositif avec les exigences constitutionnelles d’une part, et conventionnelles d’autre part, en supprimant la notion de prix seuil, et en proposant un déplafonnement total des aides, puisque les gains potentiels liés au titre du plafonnement des contrats dans une situation de prix de marché durablement élevé conduiraient à une rémunération excessive. »

L’exposé des motifs fait également état du souci du Gouvernement de « corriger les effets d’aubaine » : « Cette disposition répond à un motif d’intérêt général, visant à corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public, le Conseil constitutionnel ayant confirmé que ces dispositions ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. Cet amendement permet que soit garantie aux producteurs, quelle que soit l’évolution des prix du marché, une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation jusqu’à l’échéance de leur contrat. »

Finalement, l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 dispose  : « Le présent article s’applique à tous les contrats offrant un complément de rémunération conclus en application des articles L. 311-12 et L. 314-18 du code de l’énergie qui prévoient une limite supérieure aux sommes dont le producteur est redevable lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative./ A compter du 1er janvier 2022, les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article sont ainsi modifiés : lorsque, pour un mois donné, la prime à l’énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de l’intégralité de la somme correspondante pour l’énergie produite ».

Aux termes de cette disposition,

  • la règle du déplafonnement total du reversement de la prime négative par le producteur est applicable à tous les contrats de complément de rémunération ;
  • les contrats de complément de rémunération sont modifiés à compter du 1er janvier 2022 pour prévoir ce déplafonnement total.

C’est bien entendu le caractère rétroactif de cette règle qui est ici interrogé à l’occasion de cette nouvelle question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil constitutionnel.

II. La nouvelle QPC relative à la constitutionnalité du déplafonnement total du reversement de la prime négative du complément de rémunération

Il convient,

  • d’une part de rappeler les motifs pour lesquels le Conseil d’Etat a transmis cette QPC au Conseil constitutionnel
  • d’autre part, de présenter la décision rendue ce 24 janvier 2025 par le Conseil constitutionnel

A. Le renvoi par le Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel

Par un recours enregistré le 5 août 2024 devant le tribunal administratif d’Amiens, une société de production d’énergie éolienne a demandé à ce que l’Etat et EDF soient condamnés à l’indemniser des préjudices subis du fait de l’application à son égard des dispositions de l’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 puis de l’article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. A l’appui de ce recours et par un mémoire distinct, elle a  soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision n°497958 du 6 décembre 2024, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article 230 de la loi de finances pour 2024, lequel impose le déplafonnement total du reversement par les producteurs de la prime négative du complément de rémunération de la production d’énergie renouvelable. C’est donc la deuxième fois que le Conseil constitutionnel est saisi de la question de la constitutionnalité de cette mesure. Avec à la clé une autre question : celle de l’indemnisation des sommes déjà versées par les producteurs.

Pour le Conseil d’Etat, cette question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère nouveau et sérieux

« 4. Les dispositions de l’article 230 de la loi de finances pour 2024 sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution. Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au maintien de l’économie des situations légalement acquises garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au droit de propriété garanti par ses articles 2 et 17, ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi, garanti par son article 6, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. »

Ainsi, pour le Conseil d’Etat, les droits et libertés garantis par la Constitution qui sont susceptibles d’être compromis par l’article 230 de la loi de finances pour 2024 sont les suivants :

  • Le droit au maintien de l’économie des situations légalement acquises garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789,
  • Le droit de propriété garanti par ses articles 2 et 17,
  • Le principe d’égalité devant la loi, garanti par son article 6

B. La décision n°2024-1119/1125 QPC Conseil constitutionnel du 24 janvier 2025

1. Le législateur a poursuivi un but d’intérêt général en supprimant, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs

La décision rendue ce 24 janvier 2025 précise en effet que le législateur était fondé à procéder à une telle suppression pour corriger un « effet d’aubaine » pour des producteurs qui on reçu un soutien public et ce, « afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final ».

En premier lieu, la décision fait état au point 13 de cet effet d’aubaine consécutive à une augmentation du prix de l’électricité :

« 13. Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 17 août 2015 mentionnée ci-dessus que le législateur, en instituant un dispositif de complément de rémunération, a entendu soutenir la production d’électricité à partir d’énergie renouvelable en assurant aux producteurs une rémunération raisonnable des capitaux investis. Or la très forte augmentation des prix de l’électricité sur le marché à partir de septembre 2021, qui était imprévisible lors de la conclusion de ces contrats, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par les installations de production d’électricité. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2023 que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié, dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité, les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.« 

En deuxième lieu, le législateur était donc fondé « à supprimer, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs au cours d’une telle période de forte hausse des prix de l’électricité » :

« 14. Au regard de cet objectif, le législateur était fondé à supprimer, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs au cours d’une telle période de forte hausse des prix de l’électricité, dès lors que leur était garantie, en application de l’article L. 314-20 du code de l’énergie, une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation jusqu’à l’échéance de leur contrat. »

2. Le législateur a cependant porté atteinte, de manière disproportionnée, au au droit au maintien des conventions légalement conclues

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a admis l’existence d’une atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. Reste que toute atteinte de ce type n’est pas nécessairement illégale ou contraire à la Constitution :

« 12. En modifiant en cours d’exécution les modalités contractuelles déterminant le montant des reversements dus par les producteurs lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative, les dispositions contestées, qui affectent un élément essentiel de ces contrats, portent atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. » (nous soulignons)

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a précisé qu’au cas présent, le législateur a porté une atteinte disproportionnée à ce droit au maintien des conventions légalement conclues.

« 15. Toutefois, en dépit de cette garantie, les dispositions contestées ont pour effet de priver, jusqu’au terme de l’exécution de leur contrat, les producteurs d’électricité de la totalité des gains de marché dont ils auraient dû bénéficier, une fois reversées les aides perçues au titre du complément de rémunération, dans tous les cas où le prix de marché est supérieur au tarif de référence, que ces gains découlent d’une hausse tendancielle des prix de l’électricité ou d’une hausse imprévisible liée à une crise énergétique.

16. Dès lors, les dispositions contestées portent, au regard de l’objectif poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. » (nous soulignons)

En définitive, si le législateur pouvait exiger des producteurs, même rétroactivement, le reversement des primes négatives, il ne pouvait cependant le faire sans aucune garantie

3. Conséquences

Cette décision du Conseil constitutionnel, dans un contentieux qui doit encore être jugé par le Conseil d’Etat devrait produire des conséquences très limitées.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a confirmé que le législateur a poursuivi un but d’intérêt général en supprimant, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs, au titre de leur contrat de complément de rémunération.

A l’avenir, le législateur pourra donc, de nouveau, modifier de manière rétroactive ces contrats et le plafonnement des primes négatives. Il est ici fortement encouragé à voter une loi, avant le 31 décembre 2025, qui encadre le reversement par les producteurs des primes négatives. Le Conseil constitutionnel ne donne malheureusement aucune précision sur la garantie à venir que le législateur est censé apporter aux producteurs.

Aussi, cette « garantie » pourrait prendre la forme, soit d’un abandon du déplafonnement total du reversement de la prime négative, soit sur son autorisation à certaines conditions de manière à apporter un peu de prévisibilité aux producteurs.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation des dispositions législatives contestées, soit l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Concrètement, le législateur est appelé à réécrire les termes de l’article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 pour encadrer le déplafonnement du reversement des primes négatives versées par les producteurs.

Pour prévenir un accroissement du contentieux, le Conseil constitutionnel prend soin de préciser que toute demande de reversement qui serait adressée à un juge avant le 31 décembre 2025 ne pourra pas être jugée avant cette date : « 20. D’autre part, afin de préserver l’effet utile de la présente décision à la solution des instances en cours ou à venir, il appartient aux juridictions saisies de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2025 dans les procédures dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles. »

Arnaud Gossement

avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

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