[Important] Biodiversité : consultation publique sur le projet de décret de protection des habitats et des espèces pris pour l’application de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010

Août 24, 2018 | Environnement

Le Ministère de la transition écologique et solidaire vient d’ouvrir une consultation publique sur un projet de décret attendu par les associations de défense de l’environnement depuis le Grenelle de l’environnement. Un projet de décret qui renforce considérablement le pouvoir des préfets de prendre des arrêtés de protection des espèces vivantes et de leurs habitats naturels ou artificiels.

Résumé

Le Ministère de la transition écologique et solidaire vient d’ouvrir une consultation publique sur un projet de décret d’application de l’article 124 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010. Ce projet de décret est destiné à renforcer les pouvoirs du Préfet pour protéger, de manière ciblée des habitats et des espèces vivantes.

Ce projet de décret :

– étend le champ d’application de la procédure de protection des biotopes à des milieux d’origine artificielle.

– donne la possibilité aux préfets de prendre des arrêtés de protection pour des habitats naturels en tant que tels, sans qu’il soit besoin d’établir qu’ils constituent par ailleurs un habitat d’espèces protégées.

Les porteurs de projet et les rédacteurs d’études d’impact doivent bien entendu anticiper cette importante réforme et s’approprier ces nouvelles dispositions.

Introduction

C’est une mesure défendue de longue date par les défenseurs de la biodiversité qui vient d’être soumise à consultation publique par le Ministère de la transition écologique et solidaire. Une mesure créée à l’article 124 de la loi « Grenelle 2 » n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et destinée à donner à l’administration un nouvel outil de protection des habitats des espèces vivantes.

Depuis huit ans et l’entrée en vigueur de cette loi du 12 juillet 2010, le Gouvernement est appelé à prendre un décret d’application de l’article 124 de cette loi, de manière à permettre aux préfets de prendre des arrêtés de protection d’habitats ou d’espèces dans des cas bien plus nombreux que ceux actuellement prévus.

De manière simplifiée, il convient de rappeler que, pour protéger la biodiversité, le droit de l’environnement confère deux catégories d’outils à l’administration.

– d’une part, elle peut créer des zones au sein desquelles le vivant sera plus ou moins protégé (aires, parcs, réserves etc..)

– d’autre part, elle peut prendre des arrêtés pour protéger, de manière ciblée et sans recours à un zonage, un habitat et/ou une espèce. Il s’agit d’agir préventivement, sans attendre, par exemple, l’examen d’une demande de dérogation à une interdiction de destruction d’espèce protégée. La procédure la plus connue est celle de protection des biotopes (APB) mais son champ d’application était, jusqu’à présent, assez étroit.

Le projet de décret actuellement soumis à consultation publique vient renforcer le panel d’outils relevant de cette deuxième catégorie.

Les trois outils de l’article L.411-1 du code de l’environnement

La rédaction actuelle de l’article L.411-1 du code de l’environnement, après modification par la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 est la suivante :

« I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits :

1° La destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;

2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ;

3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ;

4° La destruction, l’altération ou la dégradation des sites d’intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ;

5° La pose de poteaux téléphoniques et de poteaux de filets paravalanches et anti-éboulement creux et non bouchés.

II. – Les interdictions de détention édictées en application du 1°, du 2° ou du 4° du I ne portent pas sur les spécimens détenus régulièrement lors de l’entrée en vigueur de l’interdiction relative à l’espèce à laquelle ils appartiennent.« 

Comme le souligne la notice de présentation du projet de décret ici commenté, aux termes de cet article L. 411-1 du code de l’environnement, le législateur a donné trois outils aux préfets pour protéger la biodiversité. Ceux-ci peuvent signer :

– Des arrêtés de protection de biotopes (APB) qui permettent de protéger les habitats des espèces protégées ; (articles R. 411-15 et suivants du code de l’environnement). Ce dispositif était critiqué car borné aux seuls habitats naturels à l’exclusion des habitats dans des espaces artificiels.

– des arrêtés de protection de sites d’intérêt géologique ou « géotopes » (APG) (articles R. 411-17-1 du code de l’environnement) ;

– des arrêtés de protection des habitats naturels (APHN), dispositif visant à protéger un habitat naturel en tant que tel, sans qu’il soit besoin d’établir qu’il constitue par ailleurs un habitat d’espèces protégées. Ce troisième dispositif n’avait, depuis 8 ans, toujours pas fait l’objet d’un décret d’application.

Le recours de la Ligue pour la protection des oiseaux devant le Conseil d’Etat

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, le gouvernement était appelé à publier le décret d’application de l’article 124 de cette loi, de manière à étendre le champ d’application de la procédure de protection des biotopes.

Par une requête datée du 6 février 2017, la Ligue pour la protection des oiseaux France (LPO) a demandé au Conseil d’Etat

– d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à que soient édictées les mesures règlementaires d’application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement relatives aux habitats naturels ;

– d’enjoindre au Premier ministre d’édicter ces décrets dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

Par arrêt n°407695 du 9 mai 2018, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande de la LPO. La Haute juridiction a :

– d’une part, annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre les mesures réglementaires qu’implique nécessairement l’application du 1° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement en ce qui concerne les habitats naturels, est annulée;

– d’autre part, enjoint au Premier ministre de prendre les mesures réglementaires qu’implique nécessairement l’application du 1° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, en ce qui concerne les habitats naturels, dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Le Gouvernement doit donc publier ce décret d’application avant novembre 2018. La Haute juridiction a en effet jugé que : « le Premier ministre n’a pas exercé sa compétence pour déterminer la liste limitative des habitats naturels à protéger au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement« . Or, le projet de décret ne se borne pas à prévoir les conditions d’élaboration de cette liste.

Les deux objets du projet de décret soumis à consultation publique

Du 23 août au 19 septembre 2018, tout citoyen peut donner son avis sur le « Projet de décret relatif à la protection des biotopes, des habitats naturels et fixant les conditions d’application de l’article 124 de loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement« .

Ce projet de décret a deux objets :

– d’une part, il étend le champ d’application de la procédure de protection des biotopes à des milieux d’origine artificielle.

Aux termes de l’article 1er du projet de décret, l’article R.411-15 du code de l’environnement sera réécrit pour permettre à un arrêté de biotope de protéger un habitat, y compris un habitat en milieu artificiel : « 2° Bâtiments, ouvrages, mines et carrières dans les conditions définies ci-après, ou tous autres sites bâtis ou artificiels, à l’exception des habitations et des bâtiments à usage professionnel. »

– d’autre part, il prolonge ce dispositif pour donner la possibilité aux préfets de prendre des arrêtés de protection pour des habitats naturels en tant que tels, sans qu’il soit besoin d’établir qu’ils constituent par ailleurs un habitat d’espèces protégées.

Aux termes de l’article 2 du projet de décret, les articles R.411-17-7 et R.411-17-8 seront insérés dans le code de l’environnement pour organiser la procédure de protection des habitats naturels, ce compris d’espèces non protégées.

Arnaud Gossement

Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats

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