En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
« Loi Duplomb » : la nouvelle dérogation à l’interdiction des substances néonicotinoïdes est contraire au droit de chacun de vivre dans un environnement sain et équilibré (Conseil constitutionnel, 7 août 2025, Loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, n°2025-891 DC)
Par une décision du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à l’article 1er de la Charte de l’environnement – consacrant le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et équilibré – les dispositions de l’article 2 de la loi « Duplomb » qui créaient une nouvelle dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytosanitaires contenant des substances néonicotinoïdes. Une décision historique rendue l’année du 20ème anniversaire de la Charte de l’environnement : le Conseil constitutionnel censure enfin la violation de ce texte fondamental qui ne pourra plus jamais être qualifié de « symbolique ».
Comme le souligne le communiqué de presse qui l’accompagne, cette décision rendue ce 7 août 2025 est cohérente avec celle rendue le 10 décembre 2020. Par une décision n°2020-809 DC du 10 décembre 2020 le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les articles soumis à son contrôle de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, à certaines conditions.
- D’une part, ce qui est tout à fait remarquable, le Conseil constitutionnel a reconnu, aux termes de cette décision du 10 décembre 2020 que les produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité : « 19. Ces produits ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. »
- D’autre part, le Conseil constitutionnel avait précisément indiqué à quelles conditions le régime de dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes, inscrit à l’article L.253-8 II du code rural, peut être conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution
A lire :
- Le communiqué de presse du Conseil constitutionnel : CP 01 08 2025 PPE 3
- La décision 2025891dc rendue par le Conseil constitutionnel ce 7 août 2025
I. Les motifs de la censure de l’article 2 de la loi par le Conseil constitutionnel
Cette décision est remarquable pour au moins trois motifs. Le Conseil constitutionnel :
- constate, pour la deuxième fois, la réalité du risque environnemental et sanitaire qui procède de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances néonicotinoïdes
- constate que la possibilité de dérogation est soumise à des conditions bien trop imprécises
- applique (pour la deuxième fois) l’article 1er de la Charte de l’environnement consacre le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et équilibré. Il fait également un premier pas vers l’idée – et non le principe – de non régression du droit de l’environnement.
1.1. Le constat des risques environnementaux et sanitaires de l’utilisation des substances néonicotinoïdes
La décision rendue ce 7 août 2025 est tout à fait remarquable en raison de ce constat de la réalité du risque environnemental et sanitaire. Elle précise que : « Toutefois, en premier lieu, les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine ».
Aux termes de sa décision du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel avait déjà reconnu que les produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité : « 19. Ces produits ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. »
1.2. L’imprécision des conditions d’autorisation à titre dérogatoire des substances néonicotinoïdes
La décision rendue ce 7 août 2025 rappelle tout d’abord l’objet de cet article 2 qui est désormais censuré : « En second lieu, d’une part, les dispositions contestées permettent d’accorder une dérogation à l’interdiction d’utilisation de ces produits pour toutes les filières agricoles, sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole« .
Le Conseil constitutionnel souligne à juste titre que ces conditions d’autorisations sont trop imprécises, pour les motifs suivants.
L’absence de limitation dans le temps de la période de dérogation. La décision rendue ce 7 août 2025 précise : « D’autre part, ces dispositions se bornent à prévoir que le conseil de surveillance rend un avis public au terme d’une période de trois ans puis chaque année sur le point de savoir si les conditions de la dérogation demeurent réunies et qu’il doit y être mis fin lorsque l’une de ces conditions n’est plus remplie. Ce faisant, elles n’imposent pas que la dérogation soit accordée, à titre transitoire, pour une période déterminée« .
L’absence de précision des usages et traitements concernés. La décision rendue ce 7 août 2025 par le Conseil constitutionnel précise : « En outre, une telle dérogation peut être décidée pour tous types d’usage et de traitement, y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances. »
1.3. Conséquence : la violation de l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Il résulte de tout ce qui précède que le législateur, en permettant de déroger dans de telles conditions à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le d du 3° de l’article 2 est contraire à la Constitution. Il en va de même par voie de conséquence du troisième alinéa du b de ce même 3°, qui en est inséparable« .
II. Rappel : les dispositions censurées
C’est bien entendu l’article 2 de la proposition de loi, relatif à l’autorisation dérogatoire de substances néonicotinoïdes, qui a suscité les débats les plus vifs au cours de la discussion parlementaire de ce texte. Pour mémoire, l’article L.253-8 II du code rural dispose, pour l’heure, que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est, par principe, interdite : «L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits est interdite ». Cette interdiction de principe a été maintenue.
Toutefois, l’article L.253-8 II du code rural prévoyait aussi que, jusqu’au 1er juillet 2023, un arrêté de dérogation pouvait être signé par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement pour autoriser, à titre dérogatoire, l’utilisation de ces produits. Aussi, depuis cette date, plus aucune dérogation ne pouvait être délivrée.
L’article 2 paragraphe II 2° de la loi ici commentée modifie la rédaction de l’article L.253-8 du code rural pour y insérer un II ter. Ce paragraphe II ter a, précisément, pour objet d’organiser un nouveau régime de dérogation à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes. Une autorisation d’utilisation de néonicotinoïdes pourra de nouveau être délivrée, par décret, aux conditions suivantes :
- La substance ne peut être autorisée en infraction aux règles du droit de l’Union européenne (article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009)
- La dérogation doit avoir un caractère exceptionnel.
- La dérogation doit être motivée par l’impératif de « faire face à une menace grave compromettant la production agricole».
- La dérogation est prise après avis public d’un « conseil de surveillance »
- La dérogation doit respecter les conditions suivantes : les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ; il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation ; l’avis du conseil de surveillance porte notamment sur la condition tenant à l’existence d’une menace grave pour la production agricole et sur les conditions mentionnées aux 1° et 2°.
L’article 2 paragraphe II ter interdit en outre certains usages : « Dans des conditions définies par le ministre chargé de l’agriculture, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits, pour une culture non‑pérenne, après l’emploi de produits contenant les substances mentionnées au II, y compris l’utilisation de semences traitées avec ces produits. »
On notera :
- d’une part, que l’autorisation dérogatoire d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes suppose la rédaction, la signature et la publication d’un décret. La présente loi organise cette dérogation mais ne la délivre pas directement. Un décret est donc requis et nul doute qu’il fera à son tour l’objet de recours devant le juge administratif. Un contentieux important est sans doute à prévoir.
- d’autre part, que cette autorisation pourra être délivrée à des conditions pour l’heure très imprécises : sans condition de durée ou de champ d’application géographique.
Pour mémoire, la disposition censurée de l’article 2 de la loi dite « Loi Duplomb » était ainsi rédigée de manière à créer une nouvelle dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytosanitaires contenant des substances néonicotinoïdes :
« d) Après ledit II bis, il est inséré un II ter ainsi rédigé : « II ter. – Sans préjudice de la nécessité d’obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, un décret peut, à titre exceptionnel, pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole, après avis public du conseil de surveillance prévu au II bis du présent article, déroger à l’interdiction d’utilisation des produits mentionnés au II contenant
des substances approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité ainsi qu’à l’interdiction de l’utilisation des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies
« 1° Les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;
« 2° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.
« L’avis du conseil de surveillance prévu au premier alinéa du présent II ter porte notamment sur la condition tenant à l’existence d’une menace grave pour la production agricole et sur les conditions mentionnées aux 1° 2° et 2° 3° du présent II ter.
« Lorsque le décret mentionné au premier alinéa du présent II ter a été publié, au terme d’une période de trois ans puis chaque année, le conseil de surveillance rend un nouvel avis public sur le point de savoir si ces conditions demeurent réunies. Le décret est abrogé sans délai lorsque l’une
de ces conditions n’est plus remplie.
« Dans des conditions définies par le ministre chargé de l’agriculture, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits, pour une culture non pérenne, après l’emploi de produits contenant les substances mentionnées au II, y compris l’utilisation de semences traitées avec ces produits.
« Le conseil de surveillance remet chaque année, avant le 15 octobre, au Gouvernement et au Parlement un rapport public relatif à chaque dérogation exceptionnelle qui décrit leurs conséquences, notamment environnementales et économiques, et indique l’état d’avancement du plan de recherche mentionné au 2° 3° du présent II ter, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives. Il s’appuie sur les données recueillies par le dispositif de surveillance des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques prévu à l’article L. 253-8-1. »
III. Rappel : l’histoire de l’interdiction des substances néonicotinoïdes
3.1. L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits a été interdite à compter du 1er septembre 2018, aux termes de l’article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cet article 125 a été codifié à l’article L.253-8 du code rural et de la pêche. L’interdiction qu’il comporte a été assortie par le législateur d’une dérogation pouvant être accordée jusqu’au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
Par une décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016 (Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages) le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la violation de la liberté d’entreprendre par cet article 125 : « (..) il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (point 37 de la décision).
Par un décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018, le Gouvernement a publié la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques. Dans sa rédaction initiale et issue de ce décret du 30 juillet 2018, l’article D253-46-1 du code rural disposait que les substances de la famille des néonicotinoïdes mentionnées à l’article L.253-8 du même code sont les suivantes : Acétamipride ; Clothianidine ; Imidaclopride ; Thiaclopride ; Thiamétoxame.
3.2. L’article 83 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a modifié la rédaction de l’article L.253-8 du code rural de manière, principalement, à ce que l’interdiction des néonicotinoïdes soit étendue aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes et aux semences traitées avec ces produits.
Par un arrêté du 7 mai 2019 portant dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits mentionnée à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, le Gouvernement a autorisé jusqu’au 1er juillet 2020 l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à base d’acétamipride bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en vigueur pour l’usage considéré.
3.3. L’article 1er de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières a fait passer du 1er juillet 2020 au 1er juillet 2023 le terme de la période au cours de laquelle des dérogations peuvent être délivrées.
Par une décision n°2020-809 DC du 10 décembre 2020 le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les articles soumis à son contrôle de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, à certaines conditions.
- D’une part, ce qui est tout à fait remarquable, le Conseil constitutionnel a reconnu, aux termes de cette décision que les produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité : « 19. Ces produits ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. »
- D’autre part, le Conseil constitutionnel a précisément indiqué à quelles conditions le régime de dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes, inscrit à l’article L.253-8 II du code rural, peut être conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Par un décret n° 2020-1601 du 16 décembre 2020, le Gouvernement a fixé une nouvelle liste des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances interdites en application de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Ces substances sont les suivantes : acétamipride ; flupyradifurone ; sulfoxaflor. Par une décision n°488238 du 5 juin 2025, le Conseil d’Etat a rejeté ce recours en annulation de décret du 16 décembre 2020.
3.4. Par une décision n°488338 du 5 juin 2025, le Conseil d’Etat a rejeté le recours par lequel le syndicat Phytéis a demandé l’annulation de la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande datée du 28 juin 2023 tendant à l’abrogation des dispositions du décret n° 2020-1601 du 16 décembre 2020 fixant la liste des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances interdites en application de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.
Par cette décision, le Conseil d’Etat a jugé qu’aucun changement de circonstances ni aucune nouvelle connaissance scientifique ne justifie une abrogation du décret du 16 décembre 2020. S’agissant spécialement de l’acétamipride dont l’autorisation est recherchée par la loi ici commentée, le Conseil d’Etat a souligné que les avis rendus par l’EFSA en 2022 et 2024 appellent une poursuite des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux de cette substance :
« 15. S’agissant de l’acétamipride, le syndicat requérant se prévaut également d’un avis rendu par l’EFSA le 24 janvier 2022, faisant état de l’absence de preuve concluante d’une augmentation des risques causés par cette substance en ce qui concerne la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’évaluation ayant conduit au renouvellement de l’approbation en 2018. Toutefois, il résulte des termes mêmes de cet avis qu’il relève également que la possibilité d’une sensibilité » inter-espèces » élevée des oiseaux et des abeilles à l’acétamipride pourrait nécessiter un examen plus approfondi et recommande l’étude de la sensibilité potentiellement plus élevée de la Megachile rotundata à cette substance par rapport à d’autres espèces d’abeilles. De plus, il ressort des pièces du dossier que, sur la base d’études scientifiques faisant état de la présence de métabolites de cette substance dans le liquide cérébrospinal de la grande majorité d’une cohorte d’enfants soignés pour un cancer lymphoïde, la Commission européenne a délivré un nouveau mandat à l’EFSA, le 29 juillet 2022, pour une assistance scientifique et technique sur le fondement de l’article 31 du règlement, et qu’il résulte de l’avis adopté par cette autorité le 15 mai 2024 que l’acétamipride est responsable d’effets moléculaires et cellulaires pouvant conduire à des effets néfastes au niveau de l’organisme et constitue dès lors une préoccupation de neurotoxicité développementale, de sorte que l’EFSA recommande de réduire la dose journalière admissible de 0,025 à 0,005 mg/kg de poids corporel et la limite maximale de résidus pour trente-huit produits agricoles pour lesquels un risque pour le consommateur a été identifié et souligne la nécessité de données supplémentaires pour aboutir à une évaluation appropriée des dangers et risques » (nous soulignons).
En définitive, par cette décision du 5 juin 2025, le Conseil d’Etat a jugé que l’Etat était bien fondé à interdire l’utilisation de néonicotinoïdes comme l’acétamipride. Rappelons en effet que de 2016 à 2020, le Gouvernement français a soutenu, notamment devant la Commission européenne que cette interdiction s’imposait. Il sera particulièrement délicat pour le Gouvernement de soutenir désormais, devant le Conseil constitutionnel qu’il faudrait, à l’inverse, l’autoriser sans condition de délai.
3.5. Le 8 juillet 2025, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » dite « Loi Duplomb » du nom du sénateur Laurent Duplomb qui a déposé la version initiale de ce texte. Celui-ci comporte notamment un article 2 qui tend à créer un nouveau régime de dérogation à l’interdiction de principe de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances. La conformité de ce texte à la Charte de l’environnement a été plusieurs fois discutée au cours des débats parlementaires. Les trois dispositions les plus discutées de cette loi sont les suivantes :
- L’article 1er a pour objet principal la modification de l’organisation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques.
- L’article 2 a pour objet principal d’assouplir le régime de dérogation à l’interdiction à l’interdiction de principe de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances. Il permet notamment un assouplissement du régime de dérogation à l’interdiction de principe de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances.
- L’article 3 a pour objet principal de « simplifier » les conditions d’autorisation, au titre de la police des installations classées, des installations d’élevage. .
- L’article 5 a pour objet de faciliter l’autorisation d’ouvrages de stockage et de prélèvement d’eau en simplifiant l’octroi d’autorisations de déroger à l’interdiction de destructions d’espèces protégées.
3.6. En juillet 2025, le Conseil constitutionnel a été saisi de trois recours (saisines) dirigés contre la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur :
- Le 11 juillet 2025, un recours a été déposé par au moins soixante députés des groupes « La France insoumise – Nouveau Front
Populaire », « Ecologiste et Social » et « Gauche démocrate et républicaine » ; - Le 15 juillet, un recours a été déposé par au moins soixante députés du groupe « Socialistes et apparentés » ;
- Le 18 juillet, un recours a été déposé par au moins soixante sénateurs des groupes « Socialiste, Ecologiste et Républicain du Sénat », « Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste – Kanaky » et « Ecologiste – Solidarité et Territoire ».
Les textes de ces trois recours peuvent être consultés sur le site du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel devrait rendre sa décision le 7 août 2025.
Arnaud Gossement
Avocat et professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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