En bref
[communiqué] Le cabinet Gossement Avocats ne participe à aucun « classement » de cabinet d’avocats
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Sites et sols pollués : les obligations réciproques entre le preneur et le bailleur ne se limitent pas à celles énoncées dans le contrat de bail (Cour de cassation)
Par un arrêt du 24 mai 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un bailleur qui sollicitait une dépollution du site par le preneur exploitant d’une ICPE. Un arrêt important en ce qu’il rappelle que les obligations réciproques entre le preneur et le bailleur ne se limitent pas à celles énoncées dans le contrat de bail. Il convient de tenir compte des échanges entre les parties mais aussi des obligations légales et réglementaires qui s’appliquent, notamment en matière de dépollution.
En l’espèce, la demanderesse était propriétaire d’un ensemble immobilier à usage industriel et commercial, sur partie duquel un bail commercial avait été consenti en 1992 à un exploitant, qui y exerçait depuis cette date une activité de galvanisation.
En 2007, la défenderesse a repris l’activité de l’exploitant et a indiqué au bailleur dans un courrier du 16 mars 2007 que « Comme vous le souhaitez et comme la loi nous l’impose, lorsque nous quitterons ces locaux, nous ferons procéder à une étude de sol afin de vous démontrer qu’il n’existe pas de pollution qui risque de diminuer la valeur de votre bien. Nous procéderons également à la remise en état du bâtiment par la réalisation d’une dalle béton à l’endroit où se situe le bain zinc actuel, ainsi que sur la petite zone où un mur a été supprimé. Nous procéderons également à un nettoyage du sol afin d’éliminer les poussières et graisses qui s’y trouvent. »
Un bail précaire a été régularisé précisant les modalités selon lesquelles les lieux seraient restitués, reprenant l’engagement du preneur de nettoyer les lieux à son départ.
Le preneur à bail a libéré les lieux le 4 décembre 2009. A cette occasion, le propriétaire a reconnu que « les lieux loués lui ont été donnés en bon état de réparation locative et d’entretien, et que les locaux ont été correctement nettoyés par le preneur comme prévu au paragraphe 3 des charges et conditions dudit bail ».
Or, un diagnostic de sols a été réalisé en novembre 2009, concluant à une contamination des sols par le zinc.
Le bailleur a alors assigné le preneur en paiement d’indemnités d’occupation et d’immobilisation ainsi que de dommages et intérêts réparant la perte de chance de vendre l’immeuble, aux motifs qu’il n’avait pas respecté son engagement de remise en état des lieux.
Le tribunal de grande instance de Rouen a, par un jugement en date du 7 avril 2015, fait droit à la seule demande d’indemnisation au titre de l’occupation et de l’immobilisation du bien.
Ce jugement a été infirmé en appel par la Cour d’appel de Rouen le 24 mai 2018, qui a débouté le propriétaire de l’ensemble de ses demandes.
Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation qui a également été rejeté par la Cour de cassation.
En premier lieu, la Cour de cassation constate que le preneur a respecté ses engagements contractuels issus d’une part, du bail précaire en ce qu’il a procédé aux travaux qui y étaient prévus et, d’autre part, de la lettre du 16 mars 2017.
Le premier élément à retenir dans cette affaire, c’est que la Cour de cassation tout comme la Cour d’appel de Rouen acceptent d’examiner le contenu d’une lettre rédigée avant la conclusion du contrat de bail. Elles lui reconnaissent ainsi une valeur contraignante alors même qu’il s’agit d’une simple lettre signée par une seule partie et dont le contenu n’avait été repris qu’en partie par le contrat de bail :
« Dans son courrier du16 mars 2007, X avait indiqué que « Comme vous le souhaitez et comme la loi nous l’impose, lorsque nous quitterons ces locaux, nous ferons procéder à une étude de sol afin de vous démontrer qu’il n’existe pas de pollution qui risque de diminuer la valeur de votre bien », mais cette indication ne peut s’analyser comme un engagement de procéder à la dépollution du site évoquée par la SCI X« . (Extrait de l’arrêt de Cour d’appel)
Toutefois, si les juridictions tiennent compte de cette lettre, elles jugenet, au cas d’espèce que son contenu ne peut s’analyser comme un engagement de procéder à la dépollution du site évoquée par le bailleur.
La Cour d’appel saisie puis la Cour de cassation ont, toutes deux, adopté une interprétation stricte du contenu de la lettre de l’exploitant. En effet, cette lettre pouvait s’interpréter de deux façons :
– Soit de façon large en considérant que l’exploitant s’était engagé à ce qu’il n’y ne réside aucune pollution des sols, ce que prétendait le bailleur. En effet, l’exploitant d’une installation classée peut contractuellement s’engager à dépolluer le site au-delà de ses obligations légales.
– Soit de façon restrictive en considérant que l’exploitant n’avait pas entendu dépolluer le site au-delà des obligations légales à sa charge. Au soutien de cette interprétation retenue par les juridictions, on remarque que l’exploitant avait fait référence à ses obligations légales (« comme la loi nous l’impose »).
Les exploitants d’ICPE doivent donc être particulièrement vigilants aux écrits adressés à leur bailleur dont ce dernier pourrait se prévaloir.
En deuxième lieu, la Cour de cassation constate que le preneur a, en plus de respecter ses obligations contractuelles, respecté ses obligations légales et réglementaires en permettant « sans risque un usage futur comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation ».
Pour rappel, aux termes de l’article R.512-39-2 du code de l’environnement, lorsqu’une installation soumise à autorisation est mise à l’arrêt définitif, l’usage du site est déterminé conjointement entre le maire, le propriétaire et l’exploitant.
A défaut d’accord entre ces personnes, la dépollution doit permettre un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation.
Dès lors, qu’un usage industriel et commercial était garanti, la Cour de cassation considère dans cette affaire que l’exploitant n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Le second enseignement à retenir dans cet arrêt – comme de nombreux autres décisions intervenues en matière de sites et de sols pollués -, est que les propriétaires qui souhaiteraient obtenir une dépollution intégrale du site doivent être particulièrement vigilants en insérant, au contrat de bail, des clauses précises et claires en ce sens. Dans le cas contraire, l’exploitant sera tenu d’une obligation de dépollution telle que fixée par le code de l’environnement.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Solaire : publication d’une nouvelle liste des friches sur lesquelles il est possible de déroger au principe de continuité de la loi Littoral (Décret n° 2025-842 du 22 août 2025)
Le décret n° 2025-842 du 22 août 2025 modifiant le décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l'application de l'article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme a été publié au Journal officiel le 26 août 2025. Ce décret complète la liste des friches identifiées en...
Economie circulaire : la société Ocab, organisme coordonnateur de la filière REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, a été réagréé
Les ministres de la Transition écologique et de l’Économie ont, par un arrêté du 30 juillet 2025, réagréé la société OCAB est agréée en tant qu'organisme coordonnateur jusqu'au 31 décembre 2027 au titre de la filière REP des PMCB. Cet organisme coordonnateur, mis en...
Biodiversité : les inventaires réalisés pour l’évaluation environnementale des projets doivent avoir moins de 5 ans (Décret n° 2025-804 du 11 août 2025 portant diverses dispositions de simplification du droit de l’environnement)
Le Gouvernement vient de publier un décret qui, à son article 3, comporte plusieurs dispositions importantes pour l'instruction des inventaires de biodiversité qui sont réalisés pour l'évaluation environnementale des projets (cf. décret n° 2025-804 du 11 août 2025...
PFAS : décryptage du projet de décret relatif aux interdictions de mise sur le marché de certains produits contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Le Gouvernement a ouvert une consultation du public - du 7 août 2025 au 5 septembre 2025 inclus - sur le projet de décret d’application de l’article 1 de la loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances...
Plastique et engins de pêche : mise en œuvre de la filière REP des engins de pêche contenant du plastique (décret n°2025-775 du 5 août 2025)
En réponse à la mise en demeure de la Commission européenne, le Gouvernement a publié le décret n°2025-775 du 5 août 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie circulaire et relatif aux produits en plastique à...
« Loi Duplomb » : la nouvelle dérogation à l’interdiction des substances néonicotinoïdes est contraire au droit de chacun de vivre dans un environnement sain et équilibré (Conseil constitutionnel, 7 août 2025, Loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, n°2025-891 DC)
Par une décision du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à l'article 1er de la Charte de l'environnement - consacrant le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et équilibré - les dispositions de l'article 2 de la loi "Duplomb" qui...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.