Solaire : l’Assemblée nationale vote un dispositif de révision de certains contrats d’achat, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021

Nov 16, 2020 | Energie – Climat

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, l’Assemblée nationale vient de voter un amendement n°3369 du gouvernement ouvrant la voie à une remise en cause de certains contrats d’achat fondés sur les arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010. Présentation.

Dans le cadre de l’examen en première lecture L’Assemblée nationale a adopté en séance publique l’article 54 sexies du projet de loi de finances pour 2021. Cet article a été introduit par l’amendement n°3369 précité du Gouvernement et complété par les sous-amendement n° 3550 et n° 3560.

En résumé, cet article a pour objet de permettre au Gouvernement, par voie d’arrêté, de réviser les contrats d’achat d’électricité solaire conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010.

Ce texte définit deux procédures

  • une procédure de réduction du tarif d’achat qui sera formalisée par un arrêté interministériel à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2021
  • une procédure d’adaptation de cette réduction tarifaire – notamment par un allongement de la durée du contrat d’achat – qui pourra être engagée sur demande motivée d’un producteur concerné

A titre liminaire, cet article 54 sexies appelle les observations suivantes :

  • cet article n’a pas été précédé d’un avis (connu) du Conseil d’Etat ni d’une étude d’impact. Résultant d’un amendement gouvernemental, il en a été dispensé. Seule la lecture des débats en séance publique permet de prendre connaissance des motifs pour lesquels le Gouvernement a souhaité engager cette réforme
  • cet article a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale : il peut encore être modifié ou remis en cause au Sénat ou d’ici au vote définitif de la loi qui interviendra fin décembre 2020.
  • cet article ne comporte pas l’intégralité du dispositif de réduction tarifaire. S’il comporte déjà plusieurs éléments – présentés ci-après – qui préfigurent ce dispositif, il conviendra d’attendre un arrêté des ministres chargés de l’énergie et du budget pour connaître le niveau de la réduction tarifaire ainsi que la liste précise des contrats concernés. Il est donc prématuré de procéder à une analyse juridique précise d’un dispositif qui n’est ni définitif ni complet.

I. La réduction du tarif d’achat de certains contrats d’achat

L’article 54 sexies du projet de loi de finances dans sa rédaction issue des débats en première lecture à l’Assemblée nationale dispose :

« Le tarif d’achat de l’électricité produite par les installations d’une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l’énergie radiative du soleil moyennant des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques est réduit, pour les contrats conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que mentionnées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d’installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité, à un niveau et à compter d’une date fixés par arrêté des ministres chargés de l’énergie et du budget de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l’installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n’excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation. Le projet d’arrêté est soumis pour avis à la Commission de régulation de l’énergie. Cet avis est rendu public. La réduction du tarif tient compte de l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, des caractéristiques techniques de l’installation, de sa localisation, de sa date de mise en service et de ses conditions de fonctionnement.« 

Cet article comporte les précisions suivantes sur le dispositif que le Gouvernement souhaite pouvoir mettre en œuvre pour réduire la rémunération de certains anciens contrats d’achat.

Les installations concernées par la réduction du tarif d’achat : il devrait s’agir des installations d’une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l’énergie radiative du soleil moyennant des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques ;

Les contrats d’achat concernés : il devrait s’agir, pour les installations précitées, des contrats conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010.

Les prochaines étapes de la procédure à venir de révision des contrats d’achat. A la suite du vote de cette loi et sous réserve, d’une part d’une conservation de la rédaction de cet article dans sa version actuelle, d’autre part de la validation du Conseil constitutionnel :

  • Un projet d’arrêté sera rédigé par les ministres chargés de l’énergie et du budget fixera à le niveau de réduction du tarif d’achat et la date à compter de laquelle cette réduction entrera en vigueur.
  • Le projet d’arrêté est soumis pour avis à la Commission de régulation de l’énergie.
  • L’avis de la Commission de régulation de l’énergie est rendu public.
  • L’arrêté sera ensuite publié.

La réduction du tarif tient compte de l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, des caractéristiques techniques de l’installation, de sa localisation, de sa date de mise en service et de ses conditions de fonctionnement. »

Les critères de la réduction du tarif d’achat. Pour les contrats précités, l’article 54 sexies donne un certain nombre d’indications sur la manière dont le gouvernement pourrait réduire le tarif d’achat. Deux critères devraient être appliqués : le premier pour définir un niveau générale de rémunération raisonnable des capitaux, un deuxième pour appliquer cette réduction à chaque contrat.

En premier lieu, ce texte définit un critère général de « rémunération raisonnable des capitaux » qui devra être précisé par arrêté « de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l’installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n’excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation. »

En deuxième lieu, ce texte définit un critère d’appréciation de la réduction tarifaire applicable à chaque contrat : « La réduction du tarif tient compte de l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, des caractéristiques techniques de l’installation, de sa localisation, de sa date de mise en service et de ses conditions de fonctionnement.« 

II. La création d’un système de réclamation pour les producteurs concernés

L’article 54 sexies accompagne cette mesure de réduction tarifaire d’une faculté pour chaque producteur concerné de demander une adaptation de celle-ci :

« Sur demande motivée d’un producteur, les ministres chargés de l’énergie et du budget peuvent, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, fixer par arrêté conjoint un niveau de tarif ou une date différents de ceux résultant de l’application du premier alinéa du présent article, si ceux-ci sont de nature à compromettre la viabilité économique du producteur, notamment en tenant compte des spécificités de financement liées aux zones non interconnectées, sous réserve que celui-ci ait pris toutes les mesures de redressement à sa disposition et que les personnes qui le détiennent directement ou indirectement aient mis en œuvre toutes les mesures de soutien à leur disposition, et dans la stricte mesure nécessaire à la préservation de cette viabilité. Dans ce cas, les ministres chargés de l’énergie et du budget peuvent également allonger la durée du contrat d’achat, sous réserve que la somme des aides financières résultant de l’ensemble des modifications soit inférieure à la somme des aides financières qui auraient été versées dans les conditions initiales. Ne peuvent se prévaloir du présent alinéa les producteurs ayant procédé à des évolutions dans la structure de leur capital ou dans leurs modalités de financement après le 7 novembre 2020, à l’exception des mesures de redressement et de soutien susmentionnées.« 

Les conditions pour pouvoir obtenir l’adaptation par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et du budget sont les suivantes :

  • Les nouvelles règles tarifaires doivent avoir pour effet de compromettre la viabilité économique du producteur.
  • Le producteur devra démontrer qu’il a pris toutes les mesures de redressement à sa disposition pour éviter la mise en cause de sa viabilité économique.
  • Il devra également être démontré que les personnes détenant directement ou indirectement le producteur devront avoir mis en œuvre toutes les mesures de soutien à leur disposition, pour la préservation de la viabilité économique du producteur.
  • Il est enfin précisé que les producteurs qui ont procédé à des évolutions dans la structure de leur capital ou dans leurs modalités de financement après le 7 novembre 2020 ne pourront pas faire cette demande auprès des ministres chargés de l’énergie et du budget.
  • Les producteurs pourront demander : soit une modification du niveau de réduction ou une date d’entrée en vigueur de celle d’abord fixée par arrêté; soit un allongement de la durée du contrat.

Si ces conditions sont réunies et que la négociation aboutit, ce texte prévoit que les ministres chargés de l’énergie et du budget pourront établir un nouveau niveau tarifaire applicable au producteur ou allonger la durée initiale du contrat d’achat

Commentaire

Ce dispositif appelle les premières observations suivantes.

Les conditions d’adaptation des nouvelles règles tarifaires pour le producteur sont très strictes et complexes à justifier. Elles confèrent une marge de manœuvre importante à l’administration, qui pourra relever que toutes les mesures pour la viabilité économique du producteur n’ont pas été mises en place.

En outre, la viabilité devrait être examinée, non pas à l’égard du producteur, comme ce qui est prévu, mais de l’installation de production. Il sera également aisé pour l’administration de relever que les autres opérations du producteur (ou de ses propriétaires) assurent sa viabilité économique.

Les producteurs susceptibles d’être concernés par le dispositif actuellement défendu au Parlement par le Gouvernement peuvent :

  • suivre l’évolution de ce texte et les démarches entreprises par la filière, notamment en adhérant à un syndicat professionnel comme Enerplan ;
  • évaluer l’impact de ce dispositif en identifiant les installations et les contrats concernés ;
  • prévenir les parties concernées par ces installations et contrats de la réforme en cours ;
  • anticiper la révision de leurs contrats et réunir toutes les informations sur ces installations et contrats de manière à pouvoir les mobiliser rapidement, non seulement pour vérifier la régularité et la portée de ce qui sera demandé mais aussi, éventuellement, pour contester la modification à venir du contrat
  • préparer dés maintenant, s’ils l’estiment utile, une demande motivée d’adaptation de la réduction tarifaire à venir.

Il convient bien entendu de distinguer les démarches qui pourront être entreprises par chaque producteur (recours ou demande d’adaptation) de celles qui seront éventuellement mises en œuvre par les représentants de la filière contre les textes à venir.

Arnaud Gossement- avocat associé

Florian Ferjoux – avocat senior

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