Urbanisme : l’usage initial d’une construction abandonnée n’a pas à être pris en compte par l’administration saisie d’une demande d’autorisation de construire sur le bâtiment en cause (Conseil d’Etat)

Jan 10, 2019 | Environnement

Par arrêt du 28 décembre 2018 (n° 408743), le Conseil d’Etat précise que l’administration saisie d’une demande de permis de construire ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction en cause lorsque cet usage a depuis longtemps cessé en raison de son abandon.

Dans cette affaire, le propriétaire d’un terrain sur lequel était implantée une ancienne bergerie a sollicité la délivrance d’un permis de construire en vue de la réhabilitation de ce bâtiment à des fins d’habitation.

Le 7 octobre 2011, le maire de la commune d’H. (Var) a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Le pétitionnaire a alors demandé l’annulation de cet arrêté du 7 octobre 2011 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 7 décembre 2011.

Par jugement du 15 octobre 2014, le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, rejet confirmé par la Cour administrative d’appel de Marseille. Le pétitionnaire se pourvoit ainsi en cassation contre cet arrêt du 6 janvier 2017.

En premier lieu, il convient de préciser que le règlement du plan d’occupation des sols (POS) de la commune dont il est question, autorise :

– Pour les constructions à usage d’habitation existantes : uniquement les travaux visant à améliorer le confort et la solidité des bâtiments ;

– Pour les constructions existantes à usage agricole : uniquement les constructions nouvelles à caractère précaire et démontable.

Dès lors, la bergerie étant initialement à usage agricole, le POS n’autorisait que des constructions nouvelles à caractère précaire et démontable. Or, la demande du pétitionnaire portait sur la réhabilitation du bâtiment à des fins d’habitation.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat juge alors que :

« Si l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction ; il lui incombe d’examiner si, compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d’urbanisme applicables. »

Ainsi, l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire.

Cependant, lorsqu’une construction ancienne a été édifiée sans permis de construire et a été abandonné depuis longtemps, l’administration saisie d’une demande d’autorisation de construire sur le bâtiment en cause, ne peut fonder sa décision sur l’usage initial de la construction.

Dès lors, il incombe à l’administration d’examiner si l’usage du bâtiment pour lequel les travaux sont demandés, est conforme aux règles d’urbanisme applicables.

En troisième lieu, le Conseil d’Etat rappelle que la construction litigieuse a été édifiée au XIXème siècle sans qu’un permis de construire ne soit nécessaire à l’époque.

Toutefois, le Conseil d’Etat relève également que la bergerie a été abandonnée pendant plusieurs décennies et que cette circonstance de fait ne permet pas de considérer le bâtiment comme étant réduit à l’état de ruine.

En dernier lieu, le Conseil d’Etat en déduit alors que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que cette construction était à usage agricole parce qu’elle avait été initialement utilisée comme bergerie.

En effet, le Conseil d’Etat juge que l’usage agricole initial ne pouvait être pris en compte dès lors que cet usage avait cessé depuis des décennies.

En conséquence, la Haute juridiction précise sa jurisprudence relative à l’usage du bâtiment objet de la demande de permis de construire. En effet, après avoir jugé que l’administration n’était pas tenue de prendre en compte l’usage réel du bâtiment en cause en lieu et place des indications figurant dans la demande du pétitionnaire (Cf. notre commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat du 18 juillet 2018 n° 410465), le Conseil d’Etat précise que l’administration ne doit pas non plus tenir compte de l’usage initial du bâtiment lorsque celui-ci a été abandonné.

Laura Picavez

Avocate – Cabinet Gossement Avocats

Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.

À lire également

Solaire / Dérogation espèces protégées : la présomption irréfragable de la raison impérative d’intérêt public majeur ne dispense pas de la preuve de l’absence de solution alternative satisfaisante (Tribunal administratif d’Orléans)

Solaire / Dérogation espèces protégées : la présomption irréfragable de la raison impérative d’intérêt public majeur ne dispense pas de la preuve de l’absence de solution alternative satisfaisante (Tribunal administratif d’Orléans)

Par un jugement n°2402086 du 13 février 2025, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté par lequel un préfet a délivré, au porteur d'un projet de centrale solaire, une autorisation de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Ce jugement...

Solaire : une serre photovoltaïque constitue « un espace clos et couvert » dont le permis de construire est soumis à étude d’impact préalable, si elle a vocation à demeurer le plus souvent fermée et à faire obstacle au passage (Conseil d’Etat)

Solaire : une serre photovoltaïque constitue « un espace clos et couvert » dont le permis de construire est soumis à étude d’impact préalable, si elle a vocation à demeurer le plus souvent fermée et à faire obstacle au passage (Conseil d’Etat)

Par une décision n°487007 du 25 février 2025, le Conseil d'Etat a jugé qu'une serre photovoltaïque constitue "un espace clos et couvert" dont le permis de construire est soumis à étude d'impact préalable, si, eu égard à sa nature et à sa fonction, elle a vocation à...

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Notre Cabinet

Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.

Nos Compétences

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.

Contact

Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.