Greenwashing : l’interdiction de certaines allégations environnementales est conforme à l’objectif de protection de l’environnement (Conseil d’Etat, 31 mai 2024, n°464945)

Juil 3, 2024 | Environnement

Par une décision n°464945 rendue ce 31 mai 2024, le Conseil d’Etat a rejeté le recours par lequel deux fédérations ont demandé l’annulation du décret n°2022-748 du 29 avril 2022 en tant que celui-ci organise l’interdiction de certaines allégations environnementales. Une décision par laquelle le Conseil d’Etat a entendu souligner l’adéquation de cette interdiction à l’objectif de renforcement de protection de l’environnement poursuivi par le législateur. Les acteurs économiques doivent, plus que jamais, s’assurer de la conformité des informations qu’ils émettent, au nouveau cadre juridique des allégations environnementales. 

I. Le rappel du cadre juridique

Pour mémoire, l’article 13 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire créé une obligation d’information du consommateur par les les producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets quant aux 

Cette obligation d’information a été codifié à l’article L.541-9-1 du code de l’environnement dont la première phrase est ainsi rédigée :

« Afin d’améliorer l’information des consommateurs, les producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets informent les consommateurs, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, sur leurs qualités et caractéristiques environnementales, notamment l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité et la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares, en cohérence avec le droit de l’Union européenne (…).« 

Ce même article L.541-9-1 comporte une série d’interdictions de certaines allégations environnementales. Certaines mentions, comme « respectueux de l’environnement » ne peuvent ainsi plus figurer sur les produits et emballages : 

« Les produits et emballages en matière plastique dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle ne peuvent porter la mention  » compostable « .

Les produits et emballages en matière plastique compostables en compostage domestique ou industriel portent la mention  » Ne pas jeter dans la nature « .

Il est interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions  » biodégradable « ,  » respectueux de l’environnement  » ou toute autre mention équivalente.« 

Ces dispositions législatives ont fait l’objet d’un décret d’application : le décret n°2022-748 du 29 avril 2022 relatif à l’information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets (cf. notre commentaire). C’est ce décret qui a fait l’objet du recours sur lequel le Conseil d’Etat s’est prononcé par la décision ici commentée.

II. Les faits et la procédure

13 juin 2022 : requête par laquelle deux fédérations professionnelles ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le dernier alinéa de l’article 1er et le III de l’article 3 du décret n° 2022-748 du 29 avril 2022. 

31 mai 2024 : par une décision n°464945 le Conseil d’Etat a rejeté cette requête.

III. La confirmation de la légalité de l’interdiction de certaines allégations environnementales

Par sa décision rendue ce 31 mai 2024, le Conseil d’Etat a entendu,

– d’une part, rappeler l’objectif de renforcement de la protection de l’environnement poursuivi par le législateur lorsque celui-ci a interdit certaines allégations environnementales

– d’autre part, souligner que l’interdiction litigieuse de certaines allégations environnementales est conforme à cet objectif.

A. L’objectif de renforcement de la protection de l’environnement poursuivi par le législateur

La décision rendue ce 31 mai 2024 est tout d’abord remarquable par le souci du Conseil d’Etat de rappeler l’objectif et donc les motifs pour lesquels le législateur a entendu interdire les mentions citées à l’article L.541-9-1 du code de l’environnement. Le point 2 de la décision est ainsi rédigé : 

« 2. Il ressort des pièces du dossier qu’en introduisant cette interdiction de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions  » biodégradable « ,  » respectueux de l’environnement  » ou toute autre mention équivalente, le législateur a souhaité renforcer la protection de l’environnement, en particulier par l’amélioration du traitement des déchets et de l’information des consommateurs sur les incidences environnementales des produits, en interdisant d’y faire figurer des allégations environnementales qui renvoient à des notions qui ne font l’objet d’aucun consensus scientifique, ou qui, en l’état de la technique, sont trop générales pour être vérifiables. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, en particulier de l’étude d’impact de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, que ces allégations étaient régulièrement employées de manière trompeuse ou ambigüe et que les normes définissant la biodégradabilité d’un produit ou d’une substance sont aujourd’hui insuffisantes pour assurer que ces matières feront l’objet d’une biodégradation complète, notamment en ce qui concerne les microplastiques. Le législateur a ainsi entendu proscrire de telles allégations environnementales pouvant présenter, en l’état de la technique, un caractère trompeur ou ambigu pour le consommateur susceptible de susciter la confusion sur le geste de tri ou l’incidence du produit sur l’environnement.« 

Ainsi, aux termes de ce point 2 – assez long – de sa décision, le Conseil d’Etat a pris soin de détailler les motifs pour lesquels le législateur « a souhaité renforcer la protection de l’environnement » en interdisant certaines mentions. Il est difficile de ne pas en déduire que la Haute juridiction a souhaité souligner l’importance et, d’une certaine manière, le bien-fondé et l’utilité de ces dispositions. Surtout, cette interprétation de la volonté du législateur – établie à partir notamment de l’étude d’impact de la loi dite « AGEC » du 10 février 2020 – permettra ensuite au juge d’assurer un contrôle rigoureux de la légalité du décret d’application litigieux et, finalement, d’en assurer la pleine effectivité.

Ce point 2 de la décision ici commentée comporte les éléments suivants :

– d’une part, il précise la définition des allégations environnementales en soulignant que celles-ci renvoient à des notions qui ne font l’objet d’aucun consensus scientifique, ou qui, en l’état de la technique, sont trop générales pour être vérifiables. 

– d’autre part, il rappelle le motif principal de cette interdiction, ces allégations étant régulièrement employées de manière trompeuse ou ambigüe 

– enfin, il souligne aussi la finalité de cette interdiction, à savoir protéger le consommateur.

B. L’interdiction de certaines allégations environnementales est conforme à cet objectif

Aux termes de sa décision datée du 31 mai 2024, le Conseil d’Etat a jugé que l’interdiction litigieuse de certaines allégations environnementales :
« 13. Si les fédérations requérantes font valoir que l’application de ces dispositions est de nature à entraîner des coûts importants, notamment en raison de la nécessité de fabriquer de nouveaux produits et emballages et de l’impossibilité d’écouler les stocks dans les délais prescrits par le III de l’article 3 du décret litigieux, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir que, compte tenu des modalités de mise en œuvre des obligations prévues par le texte, qui comprennent un délai d’écoulement des stocks jusqu’au 1er janvier 2023, les coûts supplémentaires induits par la mesure litigieuse entraîneraient une charge disproportionnée pour les professionnels qu’elles représentent. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au point 2, dès lors que l’interdiction litigieuse porte sur les allégations environnementales insusceptibles d’être vérifiées, telles que les mentions  » biodégradable  » ou  » respectueux de l’environnement « , les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions attaquées conduiraient à l’interdiction de toute allégation environnementale ou de tous les labels certifiant les qualités environnementales des produits. Il résulte de tout ce qui précède que les obligations ainsi imposées aux producteurs, qui sont justifiées par l’objectif de protection de l’environnement poursuivi, ne peuvent être regardées comme inadaptées ou comme allant au-delà des contraintes strictement nécessaires à l’atteinte de cet objectif. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l’interdiction litigieuse constituerait une entrave injustifiée et disproportionnée à la libre circulation des marchandises, en méconnaissance des articles 34, 35 et 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, doit être écarté.« 
Ainsi aux termes de ce point 13, le Conseil d’Etat a réalisé une mise en balance entre, d’une part la nécessité de réaliser l’objectif de renforcement de la protection de l’environnement et, d’autre part, le principe de libre circulation des marchandises, en méconnaissance des articles 34, 35 et 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il en ressort que l’interdiction litigieuse de certaines allégations environnementales est justifiée et ne méconnaît donc pas ce principe de libre circulation des marchandises.

Et ce, principalement pour les motifs suivants :
– il n’est pas démontré que les coûts induits par la mesure litigieuse entraîneraient une charge disproportionnée pour les professionnels ; 
– il n’est pas démontré que l’interdiction litigieuse conduiraient à l’interdiction de toute allégation environnementale ou de tous les labels certifiant les qualités environnementales des produits.
En conclusion, dans un contexte marqué par l’élaboration de plusieurs directives européennes relatives à l’encadrement des allégations environnementales, cette décision du Conseil d’Etat confirme l’importance, pour tous les acteurs économiques, de vérifier que les informations de toute nature et sur tout support qu’ils émettent sont bien conformes à ces nouvelles exigences légales et réglementaires.

Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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