En bref
Plastique : précision sur l’éco-modulation en cas d’incorporation de matières plastiques recyclées (arrêté du 5 septembre 2025)
Déchets de textile : publication au JO de l’arrêté modifiant le cahier des charges afin d’inclure un soutien exceptionnel au tri
[communiqué] Le cabinet Gossement Avocats ne participe à aucun « classement » de cabinet d’avocats
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Dérogation espèces protégées : le risque pour l’état de conservation des espèces protégées doit être suffisamment caractérisé « dés l’origine » et tenir compte du classement de l’Union internationale pour la conservation de la nature (CE, 30 mai 2024, n°465464 et 474077)
Résumé
1. Le risque pour l’état de conservation d’une espèce protégée doit être suffisamment caractérisé « dés l’origine », avant la mise en service de l’installation concernée. Par une décision n°474077 du 30 mai 2024, le Conseil d’État a jugé que le « risque suffisamment caractérisé » doit être caractérisé avec rigueur par le pétitionnaire, dans son étude d’impact, « dés l’origine » c’est à dire avant et non après la mise en service de l’installation concernée. L’administration puis le juge ne peuvent se borner à vérifier que ce risque sera évalué plus tard et fera l’objet de mesures correctives en tant que de besoin.
2. Le risque doit être suffisamment caractérisé en tenant compte du classement UICN des espèces protégées. Par une décision n°465464 du 30 mai 2024, le Conseil d’Etat a précisé que la cour administrative d’appel dont l’arrêt était l’objet d’un pourvoi, aurait dû tenir compte du classement UICN d’une espèce protégée, produit devant elle, sans se borner au classement régional, plus rassurant. Comme nous le verrons ci-aprés, la portée de cette décision du Conseil d’Etat doit toutefois être analysée avec prudence.
Pour mémoire, le principe d’interdiction du patrimoine naturel protégé est inscrit à l’article L.411-1 du code de l’environnement. Aux termes de ces dispositions, les destinataires de ce principe d’interdiction de destruction sont :
– La justification de la dérogation par l’un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure « c) (…) l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement« .
Par un avis n°463563 du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat, à la demande de la cour administrative d’appel de Douai, a précisé son interprétation des dispositions du droit positif relatives aux conditions (cf. notre commentaire de cet avis) :
S’agissant des conditions de déclenchement de l’obligation de dépôt d’une demande de dérogation, le Conseil d’Etat a précisé que celles-ci sont cumulatives et doivent être appréciées successivement.
– S’agissant de la première condition relative à l’espèce protégée en cause : le pétitionnaire puis l’administration doivent vérifier si « des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet ». Cet examen ne doit porter, ni sur le « nombre de ces spécimens », ni sur leur « état de conservation ».
– S’agissant de la deuxième condition relative à la nature du risque d’atteinte à l’état de conservation de l’espèce protégée : l’administration doit prendre en compte l’existence du « risque suffisamment caractérisé » au regard des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire. Ces mesures doivent présenter deux caractéristiques : elles doivent présenter des « garanties d’effectivité » et permettre de « diminuer le risque ».
Le risque doit être suffisamment caractérisé « dès l’origine » (CE, 30 mai 2024, n°474077). Par une décision n°474077 du 30 mai 2024, le Conseil d’État a jugé que le « risque suffisamment caractérisé » doit être caractérisé avec rigueur par le pétitionnaire, dans son étude d’impact, dés l’origine c’est à dire avant et non après la mise en service de l’installation concernée. L’administration puis le juge ne peuvent se borner à vérifier que ce risque sera évalué plus tard et fera l’objet de mesures correctives en tant que de besoin. La décision rendue ce 30 mai 2024 précise en effet :
« 5. En estimant, pour juger que le pétitionnaire n’était pas tenu de présenter la demande de dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, que le busard cendré était une espèce protégée considérée comme » nicheur quasi-menacé au niveau national » et comme seulement » vulnérable » en Nord-Pas-de-Calais alors que celui-ci figure sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui avait été produite devant elle, parmi les espèces » en danger critique d’extinction » sur cette partie du territoire, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. » (nous soulignons)
Un risque à apprécier en tenant compte des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire. Conformément aux termes de son avis du 9 décembre 2024, le Conseil d’Etat a confirmé par la suite que l’administration puis le juge doivent tenir compte des mesures d’évitement et de réduction – et non de compensation – proposées par le pétitionnaire. A titre d’exemple, par une décision n°465464 du 30 mai 2024, le Conseil d’Etat a souligné que, lorsqu’elles présentent « des garanties d’effectivité », ces mesures peuvent avoir pour conséquence que le risque n’est plus suffisamment caractérisé. De telle sorte que le porteur de projet n’est plus tenu de solliciter une dérogation :
« 4. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation » espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter cette dérogation.«
Un risque d’évènement négatif (CE, 17 février 2023, n°460798). Par une décision en date du 17 février 2023, le Conseil d’Etat a précisé le contenu du terme « risque ». Tout risque – positif ou négatif – ne déclenche pas l’obligation de dépôt : une seule hypothèse de réalisation d’un évènement ne suffit pas à identifier un « risque suffisamment caractérisé ». Le risque à considérer doit être un risque d’évènement négatif. Le Conseil d’Etat a fait ici état du « risque de collision » et du terme « impact ». Le risque d’un évènement négatif pour la conservation de l’espèce doit être suffisamment caractérisé c’est à dire au moins « faible à modéré ». Un risque qui serait purement théorique, sans aucune donnée permettant de savoir si l’impact procédant de sa réalisation pourrait avoir un quelconque effet pour la conservation de l’espèce ne correspond pas à un risque suffisamment caractérisé.
Le « risque suffisamment caractérisé » doit être distingué du « risque négligeable » (CE, 6 décembre 2023, n°466696). Par une décision n°466696 rendue le 6 décembre 2023 dans une affaire relative à un projet de parc éolien, le Conseil d’Etat a apporté une précision importante quant au contenu des conditions d’octroi par le préfet, d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Le risque à prendre en compte n’est pas le « risque négligeable » mais bien le « risque suffisamment caractérisé » d’atteinte à l’état de conservation favorable de l’espèce protégée concernée. Une confirmation des termes de son avis du 9 décembre 2022. La décision rendue le 6 décembre 2023 précise en effet :
« 7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu’en jugeant que l’autorisation litigieuse était illégale, faute de comporter la dérogation prévue par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, au motif qu’il ne résultait pas de l’instruction que les mesures prévues par le pétitionnaire ou imposées par le préfet auraient été de nature à réduire à un niveau négligeable le risque que présentait le projet pour certaines espèces protégées alors qu’il lui appartenait d’apprécier si ce risque était suffisamment caractérisé, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. »
Arnaud Gossement
A lire également :
Note du 23 octobre 2023 – Dérogation espèces protégées : la mesure de régularisation peut faire l’objet d’un sursis à exécution si elle est de nature à générer un retard ou un surcoût (Conseil d’Etat, 3 octobre 2023, n°474381)
Note du 10 mars 2023 – Dérogation espèces protégées : la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie correspondent à l »objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement » (Conseil constitutionnel, 9 mars 2023, loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, n°2023-848 DC)
Note du 1er janvier 2023 – Dérogation espèces protégées : les suites données par les juridictions administratives à l’avis du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
éoliennes : nouvelle circulaire du 5 septembre 2025 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres
La ministre de la transition énergétique a mis en ligne, ce 11 septembre 2025, la circulaire du 5 septembre 2025 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres. Cette circulaire établit les critères et seuils d'appréciation...
Pesticides : présentation par Me Alexia Thomas du recours déposé par Pollinis pour défendre l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)
Ce lundi 8 septembre 2025, l'association Pollinis, défendue par Me Alexia Thomas du cabinet Gossement Avocats, a déposé un recours en annulation devant le Conseil d'État contre le décret permettant au ministre de l'Agriculture d'imposer à l’ANSES le traitement...
Evaluation environnementale : le point sur le projet de décret portant modification du régime relatif à l’évaluation environnementale et aux critères de soumission à la Commission nationale du débat public
Le Gouvernement a ouvert une consultation du public, du 8 au 30 septembre 2025, sur le projet de décret portant modification du régime relatif à l’évaluation environnementale et aux critères de soumission à la Commission nationale du débat public. Présentation. Résumé...
PFAS : trajectoire de réduction progressive des rejets aqueux de substances PFAS (décret n° 2025-958 du 8 septembre 2025)
Le décret n° 2025-958 du 8 septembre 2025 relatif aux modalités de mise en œuvre de la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) des installations industrielles a été publié au JO du 9...
Solaire : publication de l’arrêté relatif à la TVA à taux réduit pour les petites installations
A été publié au journal officiel du 9 septembre 2025 l’arrêté du 8 septembre 2025 fixant les critères applicables à la livraison et à l'installation, dans les logements, des équipements de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, d'une...
France culture : Arnaud Gossement invité de l’émission » De cause à effets » consacrée au livre « Réduire au silence » de Sophie Lemaître
Ce mardi 9 septembre 2025, Arnaud Gossement était l'un des invités, avec Inès Léraud, de l'émission "De cause à effets" présentée par Aurélie Luneau sur France culture. L'émission était consacrée au livre "Réduire au silence" publié par Sophie Lemaître aux éditions...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.