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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Référé pénal environnemental : les associations de protection de l’environnement ne sont pas parties à la procédure (Cour de cassation)
Par une décision du 14 janvier 2025, la Cour de cassation a confirmé que les associations de protection de l’environnement ne sont pas parties à la procédure – mal nommée – dite du « référé pénal environnemental ». Seul le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de mesure tendant à faire cesser certaines atteintes à l’environnement. Seuls le procureur de la République ou la personne concernée par la mesure prononcée peuvent interjeter appel des décisions du juge des libertés et de la détention et, par exemple, d’une décision de refus de liquidation d’astreinte (cf. Cass. crim.,14 janvier 2025, n° 23-85.490).
Cette décision de la Cour de cassation est conforme à la lettre de l’article L.216-13 du code de l’environnement qui organise la procédure – très mal nommée – dite de « référé pénal environnemental ». Cette décision souligne cependant l’intérêt assez limité de cette procédure qui consiste à réserver au seul procureur de la République le droit de demander, en peu de temps avec peu de pièces, à un juge unique non spécialisé et sans doute débordé, des mesures pour faire cesser certaines – pas toutes – atteintes à l’environnement. Par ailleurs, comme l’a souligné la Cour de cassation dans sa décision du 14 janvier 2025 : « ce texte ne prévoit aucun contrôle de l’exécution des mesures ainsi ordonnées, en particulier sur la liquidation d’une astreinte ».
Cette décision de la Cour de cassation démontre donc sans doute l’intérêt de relancer le débat sur les référés environnementaux. Pour mémoire, le 5 décembre 20023, deux députées, Mesdames Naïma Moutchou (groupe Horizons) et Cécile Untermaier (groupe Socialistes) ont déposé une proposition de loi visant à adapter la procédure des référés aux enjeux environnementaux. Une proposition de loi déposée à la suite du rapport de leur mission flash remis en 2021 et qui tente un équilibre délicat entre la prévention des risques environnementaux. L’article 2 de ce texte prévoit une réforme du champ d’application de la procédure du référé pénal environnemental devant le juge des libertés et de la détention, fondée sur l’article L.216-13 du code de l’environnement. Le projet était d’élargir le champ d’application de cette procédure à l’ensemble des délits à caractère environnemental, tels qu’ils ont été délimités par le champ de compétence des nouveaux pôles juridictionnels environnementaux institués par l’article 15 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (cf. notre commentaire). Cette proposition de loi n’a pas été discutée.
I. Rappel du cadre juridique
Le droit positif. Pour mémoire, la procédure dite « référé pénal environnemental » est organisée à l’article L.216-13 du code de l’environnement dans sa rédaction issue de l’article 284 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cette procédure a pour objet de permettre l’intervention du juge des libertés et de la détention pour faire cesser certaines atteintes à l’environnement. Aux termes de l’article L.216-13, le juge des libertés et de la détention peut intervenir en cas de non respect des prescriptions imposées par la police des ICPE, de l’eau ou des mines. Le champ d’application de cette procédure est donc circonscrit sinon réduit.
Le JLD peut agir à la requête du procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agréée de protection de l’environnement.
Il est important de souligner ceci : le juge des libertés et de la détention ne peut être saisi que par le procureur de la République et jamais, directement, par une autre personne. Le procureur de la République peut agir d’office ou à la demande d’une de ces trois personnes : l’autorité administrative, la victime, une association agréée de protection de l’environnement. L’intérêt de cette procédure est donc déjà limité par ce filtre très important : sans accord du procureur de la République, aucune procédure ne sera engagée.
Une fois saisi, le juge des libertés et de la détention peut alors ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale. L’article L.216-13 précité dispose qu’en cas d’ouverture d’une information, le juge d’instruction est compétent pour prendre dans les mêmes conditions ces mesures.
S’agissant de la procédure, l’article L.216-13 précité dispose que « la décision est prise après audition de la personne intéressée, ou sa convocation à comparaître dans les quarante-huit heures, ainsi que de l’autorité administrative, la victime, ou l’association agréée de protection de l’environnement si elles en ont fait la demande. /Elle est exécutoire par provision et prend fin sur décision du juge des libertés et de la détention ou lorsque la décision au fond est devenue définitive. »
Il convient de bien distinguer les personnes qui peuvent saisir le juge des libertés et de la détention des personnes qui peuvent faire appel d’une décision prise par ce juge. L’appel ne peut être exercé que par la personne concernée ou le procureur de la République et ce, dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision.
En cas d’appel : « Le président de la chambre d’instruction ou de la cour d’appel, saisi dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision du juge d’instruction ou du tribunal correctionnel, peut suspendre la décision jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel, sans que ce délai puisse excéder vingt jours. »
La jurisprudence. La jurisprudence a apporté quelques précisions quant au sens et à la portée de ces dispositions de l’article L.216-13 du code de l’environnement.
Par une décision du 28 janvier 20020, la Cour de cassation a jugé que le juge des libertés et de la détention peut ordonner une mesure sans besoin que soit caractérisée une faute pénale de la personne concernée : « Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 216-13 du code de l’environnement ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale le prononcé par le juge des libertés et de la détention, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires destinées à mettre un terme à une pollution ou à en limiter les effets dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; (cf. Cass, crim, 28 janvier 2020, n° 19-80.091)
Dans le contentieux de la pollution de la région lyonnaise par des PFAS, par une ordonnance du 16 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a rejeté la requête du procureur de la République par laquelle ce dernier demandait que soit ordonnée toute mesure utile pour faire cesser le non-respect de son autorisation environnementale par la société X (cf. TJ Lyon, ordonnance, 16 novembre 2023, n°22152000076). Le juge, saisi d’une requête sur le fondement de l’article L.216-13 du code de l’environnement, a considéré qu’à la suite des plusieurs arrêtés préfectoraux, le non-respect des prescriptions de l’autorisation environnementale n’était plus caractérisé.
Par une décision du 23 avril 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la recevabilité de la demande par laquelle une association de protection de l’environnement peut solliciter la liquidation de l’astreinte prononcée par le JLD, au regard des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement. La Cour de cassation a considéré que cette question était privée de caractère sérieux, le législateur ayant implicitement permis à une association agréée pour la protection de l’environnement de saisir le procureur de la République aux fins que soit liquidée l’astreinte dont un juge a assorti la mise en œuvre de toute mesure utile pour faire cesser certaines atteintes à l’environnement (cf. Cass. crim, 23 avril 2024, n° 23-85.490).
Par une décision du 3 septembre 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que, si la procédure devant le JLD peut être exercée même en l’absence de faute pénale, une juridiction de jugement peut, ultérieurement, prendre connaissance des observations de la personne auditionnée, lesquelles peuvent comporter des éléments à charge. Toutefois, en l’absence de notification préalable à la personne concernée de son droit de se taire, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’atteinte au droit de ne pas s’accuser (cf. Cass. crim. 3 septembre 2024, n°K 24-81.410 F-D). A la suite de ce renvoi et par une décision n°2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article L.216-13 du code de l’environnement et émis une réserve d’interprétation : « En revanche, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître ces mêmes exigences, permettre au juge des libertés et de la détention d’entendre la personne concernée sans qu’elle soit informée de son droit de se taire lorsqu’il apparaît qu’elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement » (cf.CC, 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre, n°2024-1111 QPC)
II. Les associations de protection de l’environnement ne sont pas parties à la procédure
Comme cela vient d’être souligné, aux termes de l’article L.216-13 du code de l’environnement :
- Seul le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de mesure tendant à faire cesser certaines atteintes à l’environnement. Le procureur de la République peut agir d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agréée de protection de l’environnement
- Seuls le procureur de la République ou la personne concernée par la mesure prononcée peuvent interjeter appel des décisions du juge des libertés et de la détention et, par exemple, d’une
Le point 15 de la décision rendue par la Cour de cassation ce 14 janvier 2025 est limpide : « 15. En effet, toute action relevant de la procédure engagée sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement ne peut être poursuivie que par le procureur de la République ou la personne concernée, qui est celle à l’encontre de laquelle il a été demandé au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile. »
Ainsi, les associations de protection de l’environnement ne peuvent que saisir le procureur de la République mais, ni saisir directement le juge des libertés et de la détention, ni faire appel de ces décisions, notamment de ses décisions relatives au contrôle de l’exécution des mesures de cessation des atteintes à l’environnement.
Cette décision de la Cour de cassation confirme que cette procédure, maintes fois réformée depuis 1992, restera sans doute d’application assez rare. Le choix du législateur de priver les associations agréées de protection de l’environnement d’un droit d’accès direct au juge a certainement contribué au faible intérêt pour cette procédure. A l’inverse du contentieux administratif dans lequel les associations sont intervenues fréquemment devant le juge administratif des référés et permis l’élaboration d’une jurisprudence autrement plus fournie et riche.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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