En bref
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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Urbanisme : être propriétaire d’un terrain situé « à proximité » ne suffit pas à démontrer l’intérêt à agir de l’auteur du recours contre un permis de construire (Conseil d’Etat)
Par arrêt n°393801 du 28 avril 2017, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur les conditions dans lesquelles l’auteur du recours contre un permis de construire doit démontrer son intérêt à agir. Si le requérant n’est pas tenu d’habiter ou d’exploiter le terrain dont il est propriétaire et dont il se prévaut, le seul fait d’être propriétaire d’un terrain situé « à proximité » du terrain à construire ne suffit pas à démontrer son intérêt à agir.
La question de l’intérêt à agir continue de susciter une jurisprudence administrative abondante.
Pour mémoire, l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme dispose qu’une personne privée autre qu’une association, auteure d’un recours contre une autorisation d’urbanisme est tenue de démontrer son intérêt à agir de la manière suivante :
« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.«
L’arrêt rendu ce 28 avril 2017 par le Conseil d’Etat reprendre le considérant de principe aux termes duquel est organisée la charge de la preuve de l’intérêt à agir ou de l’absence d’intérêt à agir de l’auteur d’un recours tendant à l’annulation d’une autorisation d’urbanisme :
« 3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ;«
L’intérêt de l’arrêt rendu ce 28 avril 2017 tient tout d’abord à la précision selon laquelle l’auteur du recours contre un permis de construire n’est pas nécessairement tenu d’occuper ou d’exploiter son bien :
« 4. Considérant que le propriétaire d’un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l’occuperait ni ne l’exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien«
L’auteur du recours est ainsi tenu de démontrer que le permis qu’il conteste porte atteinte « directement » aux conditions de jouissance de son bien ». Conditions qui ne tiennent pas nécessairement à l’habitation ou à l’exploitation. Dès lors, le propriétaire d’un terrain non construit n’est pas privé, de ce seul fait, de la possibilité de former un recours contre l’autorisation d’un projet voisin. Reste qu’il lui appartient tout de même de rapporter la preuve d’une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien.
Deuxième précision : le juge administratif doit rechercher – concrètement – si « les constructions projetées sont ou non de nature à porter une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien ».
« 5. Considérant qu’en jugeant que, si les projets litigieux conduisaient à urbaniser un secteur naturel protégé, cette seule circonstance n’était pas nature à affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des terrains que M. F…possède à proximité dès lors qu’ils sont à vocation agricole et dépourvus de toute construction d’habitation, sans rechercher si, au vu des éléments versés au dossier, les constructions projetées étaient de nature à porter une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit » (nous soulignons).
Le juge administratif ne peut donc se borner à constater qu’une circonstance, évoquée par l’une des parties, ne suffit pas démontrer ou invalider l’intérêt à agir du requérant. Il lui faut « rechercher » au vu des pièces du dossier si cet intérêt à agir est constitué. Et le seul fait que le requérant puisse être propriétaire d’un terrain situé « à proximité » du terrain à construire ne suffit pas à démontrer son intérêt à agir.
Nous passons bien là d’une démarche plus théorique à un contrôle in concreto de la recevabilité du recours.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
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On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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