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Une consultation locale des électeurs peut être organisée sur un projet déjà déclaré d’utilité publique (Conseil d’Etat)
Par deux décisions en date du 20 juin 2016 et du 22 juin 2016, le Conseil d’Etat a rejeté deux des quatre recours dirigés contre deux textes publiés pour l’organisation d’une consultation locale des électeurs relative à l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Le public peut donc être consulté à un moment où un projet a pourtant déjà fait l’objet de plusieurs autorisations. Une évolution regrettable, tant pour la sécurité juridique des projets que pour la participation du public.
Pour mémoire, il convient de rappeler que le Gouvernement a publié trois textes pour organiser une consultation locale des électeurs, le 26 juin 2016, relative à l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes.
– L’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (JORF n°0095 du 22 avril 2016). Ce texte, pris en application de l’article 106 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, organise, de manière générale, la procédure de consultation locale des électeurs sur des projets relevant de la compétence de l’Etat. Cette ordonnance avait fait l’objet d’un avis défavorable du Conseil d’évaluation des normes et du Conseil national de la transition écologique.
– Le décret n°2016-491 du 21 avril 2016 relatif à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (JORF n°0095 du 22 avril 2016)
– Le décret n°2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes (JORF n°0097 du 24 avril 2016). Ce décret précise que la consultation locale organisée le 26 juin 2016 et portera sur la question suivante : « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »
Ainsi, il convient de distinguer les deux textes de portée générale (ordonnance du 21 avril 2016 et décret n°2016-491 du 21 avril 2016) du texte relatif précisément à la consultation sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes (décret n°2016-503 du 23 avril 2016).
Plusieurs associations d’opposants au projet d’aéroport ont également formé, devant le Conseil d’Etat, plusieurs recours contre deux des trois textes publiés pour l’organisation de cette consultation locale : le décret n°2016-503 du 23 avril 2016 et l’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016.
Pour bien comprendre l’objet de ces recours, il convient de distinguer l’objet d’un recours en annulation de celui d’un recours en référé-suspension devant le juge administratif.
– le recours « au fond » tend à l’annulation d’une décision administrative. Ce recours est généralement jugés au terme d’une procédure plus longue au cours de laquelle toutes les parties peuvent échanger leurs arguments (moyens) et pièces (productions).
– le recours en référé suspension : celui-ci tend à la suspension (provisoire) de l’exécution d’une décision administrative qui a déjà fait l’objet d’un recours en annulation.
Trois des quatre recours déposés devant le Conseil d’Etat ont été rejetés par ce dernier.
– Par une décision n°400364 du 20 juin 2014, le Conseil d’Etat a rejeté le recours – et donc également le recours en référé-suspension – dirigés contre le décret du décret n°2016-503 du 23 avril 2016 relatif, spécifiquement, à l’organisation d’une consultation locale sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes.
– Par une décision n°400704 du 22 juin 2016, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en référé suspension dirigé contre l’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016.
Un recours – le plus important – reste donc en cours d’instruction : le recours au fond tendant à l’annulation de l’ordonnance du 21 juin 2016. Celui-ci ne sera jugé qu’après la consultation locale des électeurs du 26 juin 2016.
Cette consultation locale du 26 juin 2016 pourra donc se tenir. Mais il est permis de se demander si, pour pouvoir organiser cette consultation locale, le Gouvernement n’a pas pris le risque d’une régression du droit de l’environnement sur deux aspects.
Sur le principe de sécurité juridique
L’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016 autorise désormais l’Etat a organiser une consultation locale des électeurs sur des projets qui ont pourtant déjà fait l’objet de plusieurs autorisations voire qui ont déjà été déclarés d’utilité publique.
Par sa décision du 20 juin 2016, le Conseil d’Etat a écarté l’argument selon lequel l’Etat ne pouvait organiser une consultation locale des électeurs sur un projet déjà autorisé, sans violer l’article L.123-20 du code de l’environnement :
« que si les requérants soutiennent que la consultation ne pouvait avoir lieu après l’intervention de ces décisions d’autorisation et après que l’Etat a décidé de réaliser le projet, les dispositions de l’article L. 123-20 du code de l’environnement, citées au point 2, ne conditionnent nullement la légalité de la consultation des électeurs à ce que la délivrance d’une autorisation de l’Etat soit encore nécessaire à la réalisation du projet et précisent, notamment, qu’une telle consultation peut intervenir après une déclaration d’utilité publique ; que cette consultation peut permettre à l’Etat de confirmer son choix et de décider de mettre en œuvre son projet ou d’y renoncer ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait l’article L. 123-20 du code de l’environnement, au motif que la consultation qu’il prévoit interviendrait postérieurement à la décision de l’Etat de réaliser le projet en cause ; »
Par sa décision du 22 juin 2016, le Conseil d’Etat a écarté – très rapidement – l’argument tiré de la violation du principe de sécurité juridique par l’ordonnance du 21 avril 2016 :
« (…) les moyens tirés de ce que l’ordonnance contestée méconnaîtraient les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement, les principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales, d’indivisibilité de la République, de souveraineté nationale et le principe de sécurité juridique ne peuvent, en l’état de l’instruction, créer un doute sérieux sur la légalité de l’ordonnance contestée ;«
Désormais, aux termes principalement de l’ordonnance du 21 avril 2016, pour l’instant ainsi interprétée par le Conseil d’Etat, rien n’interdit à l’Etat d’organiser une consultation locale des électeurs sur un projet même si ce dernier a fait l’objet, depuis plusieurs années, de plusieurs autorisations et d’une déclaration d’utilité publique (2008 pour Notre-Dame des Landes).
Or, en pratique, une telle consultation locale des électeurs menace directement sinon gravement la sécurité juridique de nombreux projets. D’une part, les opposants à ces projets ne manqueront pas à l’avenir de solliciter des consultations locales d’électeurs, même des années après la délivrance des autorisations et le rejet des recours. D’autre part, si l’Etat fait droit à cette demande et organise une consultation locale des électeurs, il sera politiquement délicat de ne pas tenir compte d’un « non » à ce projet, surtout si celui-ci est massif.
La procédure de consultation locale remet donc en cause la règle selon laquelle des autorisations administratives sont susceptibles de créer des droits, a fortiori lorsqu’elles sont devenues définitives. Des projets, ce compris des projets très favorables à l’environnement, pourront être ainsi perturbés dans leur réalisation alors que le maître d’ouvrage pouvait penser disposer des autorisations requises pour engager la réalisation des travaux.
Sur le principe de participation du public
Non seulement la procédure de consultation locale des électeurs peut compromettre la sécurité juridique de nombreux projets mais, en outre, elle constitue une régression du principe de participation du public.
Le principe de participation du public exige normalement que le public soit consulté à un moment où la décision sur ce projet n’est pas déjà prise, c’est-à-dire à un moment « où toutes les options sont encore ouvertes ». La France a ainsi signé, le 25 juin 1998, la Convention d’Aarhus « sur l’accés à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement » dont l’article 6 précise :
« 4. Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence.«
Cette disposition est d’une importance capitale : inutile de consulter le public lorsque les jeux sont faits. Cette disposition engage l’Etat français qui s’est engagé à la respecter.
Par sa décision du 22 juin 2016, le Conseil d’Etat a, une nouvelle fois, refusé de contrôler la compatibilité de l’ordonnance du 21 avril 2016 avec l’article 6 de la convention d’Aarhus :
« qu’ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions de l’ordonnance contestée méconnaîtraient les stipulations des articles 6, 7 et 8 de la convention signée le 25 juin 1998 à Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement et les dispositions des directives 2011/92/UE du 13 novembre 2011 et 2014/52/UE du 16 avril 2014 ne sont pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l’ordonnance contestée ;«
Le Conseil d’Etat reste ici fidèle à une jurisprudence pourtant contestable : l’article 6 de la convention d’Aarhus ne peut être invoqué à l’encontre d’une des Parties à cette convention et donc à l’encontre d’une décision de l’Etat français. A défaut d’assurer le respect par l’Etat de cet article 6 de la convention d’Aarhus, il eut été au moins souhaitable d’interpréter le principe de participation du public, inscrit à l’article 7 de la Charte de l’environnement, de manière à assurer au public qu’il est consulté à un moment où toutes les options sont encore ouvertes.
En définitive, l’Etat va donc consulter les électeurs de Loire-Atlantique sur un dossier où toutes les options ne sont pas ouvertes. Si le oui à l’aéroport l’emporte, le Conseil d’Etat souligne lui-même dans les décisions précitées que des autorisations sont encore requises. Par ailleurs, une procédure d’infraction est toujours engagée par la Commission européenne contre les conditions d’évaluation environnementale du projet. Si le non à l’aéroport l’emporte, l’Etat devrait reporter plusieurs autorisations, une déclaration d’utilité publique et un contrat de concession. Et il ne s’est pas, à ce jour, précisément engagé à le faire.
Il est donc regrettable que pour organiser une consultation locale à l’utilité très incertaine, le Gouvernement ait choisi de créer une procédure qui remet en cause tant le principe de sécurité juridique que le principe de participation du public.
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