En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Charte de l’environnement : le droit à l’environnement des générations actuelle et futures justifie la suspension du stockage souterrain de déchets sur le site Stocamine, en l’absence de preuve de son caractère réversible (Tribunal administratif de Strasbourg, ref., 7 novembre 2023, Association Alsace Nature et autres, n°2307183)
Résumé
1. Par une ordonnance du 7 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu, à la demande l’association Alsace Nature et de plusieurs personnes physiques, l’exécution de l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a autorisé la prolongation, pour une durée illimitée, de l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim.
2. Le juge des référés a considéré que la demande de suspension satisfaisait à la condition d’urgence. Il y avait en effet urgence à suspendre en raison de l’imminence des travaux et de l’incertitude quant à leurs risques. Il n’y avait, à l’inverse, pas d’urgence à ne pas suspendre
3. Le juge des référés a considéré, en outre, que la demande de suspension comportait un moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision entreprise. Pour ce faire, le juge des référés s’est fondé sur l’article 1er de la Charge de l’environnement qui consacre le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé
Cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif a été rendue peu après la décision du
Commentaire
I. Rappel des faits et de la procédure
NB : ce rappel des faits procède du communiqué de presse du tribunal administratif de Strasbourg et de l’ordonnance du 7 novembre 2023, ici commentée.
1997 : la société Stocamine a été autorisée, par un arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 3 février 1997, à exploiter un stockage souterrain réversible de déchets dangereux (déchets industriels ultimes, c’est-à-dire qui ne peuvent plus être traités ou valorisés), sur le territoire de la commune de Wittelsheim, dans les cavités salines creusées à 600 mètres sous terre, correspondant aux anciennes mines de potasse. « Environ 44 000 tonnes de déchets y ont été stockées entre 1999 et 2002. Un incendie survenu en 2002 dans le bloc 15 de cette structure a mis un terme à la réception de nouveaux déchets. Depuis lors, les déchets déjà stockés sont, pour l’essentiel, restés dans ce site. »
23 mars 2017 : arrêté par lequel, le préfet du Haut-Rhin a accordé à la société Les mines de potasse d’Alsace (MDPA), succédant à la société Stocamine, l’autorisation de prolonger, pour une durée illimitée, le stockage des déchets dangereux, non radioactifs, dans les blocs dans lesquels ils avaient été placés.
15 octobre 2021 : arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a annulé l’arrêté précité du 23 mars 2017
28 janvier 2022 : arrêté par lequel le préfet du Haut-Rhin a fait usage de ses pouvoirs de police environnementale et mis la société MDPA en demeure de déposer un nouveau dossier de demande d’autorisation en vue du stockage des déchets pour une durée illimitée, afin de régulariser la situation du site. Dans l’attente, par un arrêté du 28 janvier 2022, le préfet a autorisé, à titre conservatoire, d’une part, les activités nécessaires à la maintenance et à la sécurité des installations et, d’autre part, la poursuite de certains travaux nécessaires au confinement des déchets, dont la construction de six barrières de confinement et le remblayage du bloc 15.
12 janvier 2023 : par deux jugements, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’arrêté du 28 janvier 2022, estimant que les travaux de confinement envisagés, destinés à préparer le stockage des déchets pour une durée illimitée, ne constituaient pas des mesures conservatoires que le préfet pouvait prendre à titre provisoire.
28 septembre 2023 : arrêté par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé, pour une durée illimitée, l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs, sur le territoire de la commune de Wittelsheim.
7 novembre 2023 : ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu, à la demande l’association Alsace Nature et de plusieurs personnes physiques, l’exécution de l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a autorisé la prolongation, pour une durée illimitée, de l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim.
A. Rappel : les conditions de la suspension, par le juge administratif des référés, de l’exécution d’une décision administrative
Le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg était saisi d’une demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a autorisé la prolongation, pour une durée illimitée, de l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim, sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative.
Aux termes de cet article, le juge administratif peut suspendre une décision administrative qui a préalablement fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation. Pour être accueillie, une demande de suspension en référé présentée devant le juge administratif doit répondre aux deux conditions de fond suivantes :
- condition d’urgence : la demande de suspension doit présenter un caractère d’urgence (« lorsque l’urgence le justifie »)
- condition relative à la légalité de la décision litigieuse : la demande de suspension doit comporter un moyen (argument juridique) propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
L’article L.521-1 du code de justice administrative dispose en effet :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision.«
Il est important de souligner :
- que la décision (ordonnance de référé) rendue par le juge administratif des référés sur la demande de suspension présente un caractère provisoire puisqu’elle ne produira d’effets que jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’annulation par le juge du fond ;
- que cette ordonnance peut être réformée par le Conseil d’Etat ;
- que le juge des référés qui ne peut pas « préjudicier au principal ». Ce qui signifie – de manière simplifiée et résumée – que la décision du juge des référés ne peut pas avoir pour effet d’empêcher le juge du fond de statuer dans un sens comme dans un autre.
- que cette décision prise par le juge des référés sur la demande de suspension sera suivie d’une procédure d’instruction de la demande d’annulation au cours de laquelle les parties pourront échanger (produire) de nouvelles pièces (productions) et arguments (moyens). Ces nouvelles productions pourront avoir pour effet de modifier ou non l’analyse de la formation de jugement au fond.
Il est également important de souligner que, d’une manière générale,
- le juge administratif se prononce sur la légalité d’une décision administrative et non sur sa légitimité ou sur celle de l’activité concernée par cette décision.
- le juge administratif se prononce – d’abord et sans doute surtout en référé – au regard des arguments (moyens) et pièces (productions) produites par les parties. Si telle ou telle partie est défaillante dans l’exécution de son obligation de preuve, cela aura une incidence sur le sens de la décision prise par le juge administratif saisi.
B. Sur la condition d’urgence
Il convient de rappeler que, pour l’analyse de la condition d’urgence, le juge du référé-suspension met en balance l’urgence à suspendre et l’urgence à ne pas suspendre. Aux termes de son ordonnance du 7 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a considéré :
- d’une part, que la demande de suspension satisfait à la condition d’urgence ;
- d’autre part, que la demande de suspension comporte un moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de l’entreprise, en l’état de l’instruction.
Sur l’urgence à suspendre. En premier lieu, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a bien considéré que les auteurs du recours en référé-suspension ont rapporté la preuve de l’urgence à suspendre l’exécution de l’arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 28 septembre 2023. Le point 5 de l’ordonnance précise en effet :
« 5. L’arrêté litigieux autorise le stockage de produits dangereux pour une durée illimitée et de manière irréversible à environ cinq cents mètres en-dessous de la nappe phréatique d’Alsace et il ressort des pièces du dossier que le démarrage des travaux nécessaires à sa réalisation est imminent. Par ailleurs, ces travaux doivent débuter par le remblayage définitif du bloc 15 où sont entreposés des déchets dont la nature est en partie indéterminée, comme l’a relevé la mission d’information sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine de l’Assemblée nationale dans un rapport déposé le 18 septembre 2018, ce qui a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire actuellement confiée à Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique par le ministère public près le tribunal judiciaire de Strasbourg. »
Ainsi, les éléments démontrant l’urgence à suspendre sont :
- d’une part, l’imminence du démarrage des travaux nécessaires
- d’autre part, l’incertitude relative aux risques créés par ces travaux : « ces travaux doivent débuter par le remblayage définitif du bloc 15 où sont entreposés des déchets dont la nature est en partie indéterminée, comme l’a relevé la mission d’information sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine de l’Assemblée nationale dans un rapport déposé le 18 septembre 2018, ce qui a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire actuellement confiée à Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique par le ministère public près le tribunal judiciaire de Strasbourg. » (nous soulignons).
Sur l’absence d’urgence à ne pas suspendre. Le préfet et la société exploitante ont été défaillants dans la charge de la preuve de l’urgence à ne pas suspendre. De manière assez originale, le juge des référés écarte le moyen tiré de l’urgence à commencer les travaux au motif que le préfet et la société précitée ne démontrent pas que ces travaux « ces travaux n’auraient pu être effectués auparavant ». L’ordonnance (point 5) précise :
« Enfin, si le préfet du Haut-Rhin et la société des Mines de Potasse d’Alsace font valoir qu’il y a urgence à effectuer les travaux au motif que la mine ne serait accessible dans des conditions de sécurité acceptables que jusqu’en 2027, compte tenu notamment du phénomène convergence des galeries de stockage résultant du fluage du sel, ils ne démontrent pas que ces travaux n’auraient pu être effectués auparavant et ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir de cette circonstance. Par suite, à supposer que les réserves formulées par la commission d’enquête publique le 26 juin 2023 aient été levées, la condition d’urgence prévue par les dispositions précitées doit, en tout état de cause, être considérée comme étant remplie. »
Ainsi le retard pris à réaliser ces travaux ne permet plus de soutenir qu’il y aurait urgence à les réaliser. Cette manière d’analyser l’urgence à ne pas suspendre devrait susciter des commentaires.
C. La demande de suspension comporte un moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision entreprise
La consécration du droit à un environnement sain et équilibré des générations actuelle et futures. Pour mémoire, par une décision n°2023 QPC du 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnela déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 25 juillet 2016 relatives à la réversibilité du stockage géologique en couche profonde de déchets radioactifs
- Par cette décision, le Conseil constitutionnel a procédé à l’interprétation du droit à environnement sain et équilibré – définit à l’article 1er de la Charte de l’environnement – éclairé à la lumière du septième alinéa de cette Charte relatif aux capacités des générations futures et des autres peuples.
- Aux termes de cette décision, il n’existe qu’un seul droit à un environnement sain et équilibré qui est celui des générations actuelle, futures et des autres peuples.
- La garantie de ce droit réside dans l’obligation faite au législateur
- Au cas d’espèce, l’autorisation du stockage géologique des déchets radioactifs en couche profonde est susceptible de porter atteinte à l’exercice du droit à un environnement sain et équilibré, ainsi interprété.
- La disposition créant un tel risque d’atteinte est, toutefois, légale – ou constitutionnelle – en raison des garanties définies par le législateur.
- Ces garanties doivent permettre de limiter les atteintes au droit à un environnement sain et équilibré mais aussi de repartir la charge des effets des projets ayant incidence pour l’environnement, entre générations.
Une première application du droit à un environnement sain et équilibré des générations actuelle et futures par le juge du référé-suspension. Aux termes de l’ordonnance datée du 7 novembre 2023, il apparaît que le juge des référés du tribunal administratif a entendu reprendre l’analyse du Conseil constitutionnel et faire application de l’article 1er de la Charte de l’environnement (droit à un environnement sain et équilibré) « éclairé par le septième alinéa de son préambule (générations futures et autres peuples).
« 6. En l’état de l’instruction, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement, éclairé par le septième alinéa de son préambule, de celle de l’article L. 211-1 du code de l’environnement et de ce qu’il n’est pas justifié que les déchets stockés dans le bloc 15 ne peuvent être déstockés sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté. Par suite, il y a lieu d’ordonner la suspension de son exécution«
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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