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Programmation pluriannuelle de l’énergie : sur proposition du Gouvernement et du Rassemblement national, les députés affaiblissent de nouveau l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Depuis le 16 juin 2025, les députés examinent, en séance publique, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n°463). Ce 19 juin 2025, sur proposition du Gouvernement et du groupe RN, les députés ont de nouveau affaibli l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, objectif clé de voute de la politique énergie/climat nationale. Il s’agira désormais d’une simple obligation de moyen et non de résultat. Ils ont également adopté un amendement créant un moratoire sur l’autorisation de nouveau projets éoliens et solaires (cf. notre commentaire). Un changement majeur d’orientation de notre politique énergie climat. Analyse.
Ce 19 juin 2025, sur proposition du Gouvernement et du groupe RN, les députés ont de nouveau affaiblit l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, objectif clé de voute de la politique énergie/climat nationale. Il s’agit désormais d’une simple obligation de moyen et non de résultat. A noter : il existe désormais un accord entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur cette mesure inscrite à l’article 11 de la proposition de loi. La mesure devrait donc être conservée dans la loi telle qu’elle sera soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.
I. Le contenu de la mesure
Le 19 juin 2025, en première lecture et en séance publique, les députés ont modifié de nouveau la rédaction de l’article L.100-4 du code de l’énergie qui comporte l’objectif – fondamental – de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France.
Les députés ont en effet adopté l’amendement n°627 déposé par le Gouvernement et l’amendement n°291 du groupe Rassemblement national. Les deux amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale le 12 juin, sont rédigés en termes identiques mais assortis d’exposés des motifs différents. Si ces amendements devaient être définitivement conservés dans la loi, les deux premiers alinéas de l’article L.100-4 du code de l’énergie seraient ainsi rédigés (ajouts des termes en gras et soulignés :
« I.-Pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs : 1° De réduire les tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40[50] % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050.(..)«
L’obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 50% entre 1990 et 2030 ne serait ainsi plus une obligation de résultat mais de moyen. Faire nos meilleurs efforts suffira. Cette modification majeure de la nature même de cet objectif clé de voûte de notre politique énergie climat est un changement lui aussi majeur de pilotage de cette politique.
II. Les motifs de la mesure
Il est étonnant que le Gouvernement – pour la première fois depuis que l’article L.100-4 du code de l’énergie comporte cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre – entende en modifier la nature de manière à le réduire à un simple objectif de moyen. Il est tout aussi étonnant qu’il le fasse avec les motifs exposés dans son amendement n°627, déposé ce 12 juin et adopté ce 19 juin 2025 par les députés. Le Gouvernement se prévaut de deux motifs qui n’ont, ni l’un ni l’autre, de sens.
Sur l’incertitude juridique de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le premier motif avancé par le Gouvernement est juridique : il prétend que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre serait incertain car procédant de plusieurs textes européens dont la combinaison rendrait difficile l’identification exacte de l’objectif : « Il existe ainsi une marge d’incertitudes pour décliner l’objectif européen à la France compte tenu des secteurs tels que l’industrie soumis au marché du carbone européen SEQE.« Ce faisant le Gouvernement commet deux erreurs.
D’une part, il confond la cible (la valeur à définir en %) et le vecteur pour atteindre la cible (une trajectoire à respecter impérativement ou non). Lorsque la cible est incertaine, le législateur peut définir une fourchette (compris entre xxx et xxx »), un plancher uniquement (« au moins… »), un plafond uniquement (« au plus… »). A titre d’exemple, en 2005, la cible annuelle était exprimée sous la forme d’une moyenne : « La lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France. » (cf. loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique – article 2). Le législateur peut aussi introduire une clause de revoyure pour vérifier à une échéance déterminée si la cible est la bonne. Il peut aussi faire preuve d’ambition et, dans une situation d’incertitude (à supposer qu’elle existe) choisir la cible la plus ambitieuse au regard de l’objectif plus général poursuivi (la protection de l’environnement par exemple). S’agissant du vecteur pour atteindre la cible, le Gouvernement peut définir une obligation d’atteindre la cible qui soit une obligation de moyen soit une obligation de résultat. Au mieux, l’obligation est de résultat et son exécution peut être vérifiée grâce à la vérification d’une trajectoire exprimée par exemple sous la forme d’un budget carbone. Ici, au motif d’une incertitude sur la cible, le Gouvernement n’a pas modifié la cible mais le vecteur pour l’atteindre. Il s’impose désormais une simple obligation de moyen (« tendre vers ») pour parvenir à réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Enfin, à supposer – pour les besoins du raisonnement – que la combinaison de plusieurs textes européenne créé une difficulté sur la cible à atteindre : il n’était pas interdit à l’Etat d’être ambitieux et de choisir la valeur la plus ambitieuse pour lutter contre le changement climatique.
D’autre part, l’argument tendant à mélanger des textes avec des natures (règlement/directive) et des objets différents ne résiste pas à une analyse rigoureuse. L’objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre figure bien à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013. Un règlement européen, à l’inverse d’une directive est d’effet direct et s’applique sans besoin d’un instrument national de transposition.
Sur l’incertitude scientifique relative à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le deuxième motif avancé par le Gouvernement est scientifique. Le Gouvernement, à partir d’un simple extrait d’un rapport du Haut conseil pour le climat prétend qu’il serait nécessaire de modifier la nature même de l’objectif de réduction des émissions de GES : « La difficulté de décliner un objectif précis a été confirmée par le Haut Conseil pour le Climat, qui affirmait dans son rapport annuel 2023 : « Au vu des émissions françaises couvertes par le SEQE, l’effort global de la France se situe aux alentours de -50 % par rapport à 1990 pour les émissions brutes hors UTCATF et de -54 % avec UTCATF. » Cette analyse justifie l’emploi du terme « tendre vers ». Ce faisant, le Gouvernement oublie sciemment de rappeler que le Haut conseil pour le climat a émis un avis précisément consacré à la solidité juridique de la programmation pluriannuelle de l’énergie (cf. notre commentaire). Cet avis comporte une série de recommandations et aucune suggère au Gouvernement de réécrire pour l’affaiblir l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
III. L’historique de la mesure
Pour l’heure, l’article L.100-4 du code de l’énergie définit un objectif de réduction de nos émissions de GES de 40 % entre 1990 et 2030. Il s’agit d’un objectif de résultat qui structure toute notre politique énergétique. Il faut « réduire » (article L.100-4 du code de l’énergie). Cet objectif est cependant dépassé. L’UE a en effet décidé, en 2021, d’un objectif global de réduction de 55% des émissions de GES entre 1990 et 2030. Chaque Etat doit ensuite faire sa part.
Le 26 avril 2024, plusieurs sénateurs, dont M Daniel Gremillet, ont déposé une proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie. Ce texte, dans sa version initiale prévoyait uniquement à son article 11 de modifier l’objectif chiffré de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 en le faisant passer de 40 à 50%.
En première lecture et en séance publique, le Sénat a affaibli l’objectif clé de voûte de notre politique énergie-climat, à savoir l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.Il a en effet adopté un amendement tendant à ce que l’objectif ne soit plus de « réduire » mais de « tendre vers » une réduction.
En première lecture et en commission, les députés ont adopté l’amendement CE70 pour revenir à une obligation de résultat. L’article 11 de la proposition de loi a ainsi été modifié de manière à ce que l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ne relève pas d’une simple obligation de moyen mais demeure une obligation de résultat.
En première lecture et en séance publique, les députés ont en adopté l’amendement n°627 déposé par le Gouvernement et l’amendement n°291 du groupe Rassemblement national qui revient à la rédaction adoptée au Sénat.
La proposition de loi après adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, sera examinée le 8 juillet au Sénat en deuxième lecture. Il convient de noter que cette mesure tendant à modifier la nature juridique de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre fait l’objet d’un consensus entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement. L’objectif ainsi réécrit devrait donc rester dans la loi telle qu’elle sera présentée au Conseil constitutionnel.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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