En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Le tribunal judiciaire de Nantes a-t-il reconnu le droit d’un arbre à ne pas être coupé ? (Tribunal judiciaire de Nantes, 3 octobre 2023,n°23/01072)
Par un jugement rendu ce 3 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Nantes a rejeté une demande d’élagage et d’écrêtage d’un arbre (tulipier du japon) qui n’est pas constitutif d’un trouble anormal de voisinage. Si ce jugement – très intéressant – fait référence au devoir de toute personne de contribuer à la préservation de l’environnement, inscrit à l’article 2 de la Charte de l’environnement, il ne comporte aucune reconnaissance d’un droit de l’arbre à être conservé mais en souligne l’importance écologique. Reconnaissance qui n’aurait pas ici été nécessaire pour assurer sa protection effective. Commentaire.
I. Les faits et la procédure
2022 : par courriers, les propriétaires d’une parcelle ont mis en demeure les propriétaires de la parcelle contiguë à la leur, de procéder à l’élagage et à la coupe de la végétation débordant chez eux. Une conciliation de justice a été organisée mais sans résultat.
23 mars 2023 : les premiers font assigner les seconds, devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins, d’une part d’élagage, coupe et étêtage de la végétation débordant chez eux, d’autre part de réparation de leur préjudice. Le litige porte plus spécialement sur un tulipier du japon
3 octobre 2023 : le tribunal judiciaire de Nantes déboute les auteurs de l’assignation de l’ensemble de leurs demandes.
II. Commentaire
A titre liminaire, il importe de rappeler en quelques mots ce que revêt le contentieux du « trouble anormal de voisinage ».
Depuis 1804, l’article 544 du code civil précise que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
Sur le fondement de cet article le juge civil a développé une jurisprudence importante aux termes de laquelle l’exercice du droit de propriété n’autorise pas à créer un trouble anormal de voisinage. Il importe de souligner que c’est bien le trouble « anormal » qui est interdit et non pas tous les troubles de voisinage, la vie en société imposant toujours quelques inconvénients liés à la présence des autres autour de nous.
Par une décision célèbre rendue en 1844, la Cour de cassation a démontré que le contentieux du trouble anormal de voisinage est aussi un contentieux de l’environnement qui permet de faire cesser les troubles consécutifs à l’activité d’une usine, si et seulement si ils présentent un caractère anormal :
« Vu les articles 544 et 1382 du Code civil;
Attendu que, si d’un côté, on ne peut méconnaître que le bruit causé par une usine, lorsqu’il est porté à un degré insupportable pour les propriétés voisines, ne soit une cause légitime d’indemnité; d’un autre côté, on ne peut considérer toute espèce de bruit causé par l’exercice d’une industrie comme constituant le dommage qui peut donner lieu à une indemnité;
Attendu que l’arrêt attaqué s’est, il est vrai, expliqué sur les causes et l’intensité du bruit provenant de l’usine du demandeur; mais que, tout en déclarant que ce bruit était préjudiciable aux propriétés voisines, il n’a point déclaré qu’il fut, d’une manière continue, porté à un degré qui excédât la mesure des obligations ordinaires du voisinage; » (cf. Cour de cassation, civ., 27 nov. 1844, Derosne c/ Puzin et autres et v. également Cour de cassation, civ 2, 19 novembre 1986, n°84-16.379)
Le juge civil doit donc caractériser l’anormalité du trouble allégué. Il peut ensuite ordonner les mesures de nature à faire cesser ce trouble voire imposer la réparation du préjudice né de ce trouble.
C’est dans le cadre de ce contentieux qu’a été rendu, le 3 octobre 2023, le jugement du tribunal judiciaire de Nantes, ici commenté.
- cet arbre existait avant l’extension de la maison des demandeurs : « l’arbre litigieux existait avant l’extension du 11 rue… réalisées par E.V et H.B. ».
- cet arbre a été régulièrement entretenu : « le tulipier du japon a été entretenu par A.S. et M.A. puisque certaines branches qui débordaient sur la parcelle adjacente ont été élaguées et ce indépendamment du fait que les constats ont été réalisés à des saisons différentes »
- « une seule branche dépasse encore la limite de propriété »
- l’arbre n’est pas situé sur la limite séparative et culmine à deux mètres
- les racines de cet arbre ne dépassent pas la limite de propriété : « s’agissent des racines de l’arbre, aucun élément produit aux débats ne permet d’affirmer que celles-ci passent sous le muret citoyen« .
Selon cette présentation des faits, la présence du tulipier du japon ne caractérise pas un trouble anormal de voisinage. Toutefois, il convient de souligner que le tribunal judiciaire n’a aucunement reconnu un droit pour l’arbre de n’être pas modifié. Il vérifie uniquement si cet arbre est constitutif d’un trouble anormal. Si le juge avait constaté que cet arbre empiétait davantage sur le terrain voisin, il aurait peut être pris une décision différente. Nous sommes ici en présence d’une analyse tout à fait classique du caractère anormal du trouble de voisinage.
La prévention du préjudice écologique. Le tribunal judiciaire de Nantes aurait pu s’en tenir au constat de l’absence de trouble anormal de voisinage consécutif à la présence de ce tulipier du japon. L’intérêt de son jugement tient à ce qu’il a souhaité aller au-delà. Non seulement il n’était pas nécessaire d’ordonner des mesures d’élagage et d’écrêtage en raison de l’absence de trouble anormal de voisinage mais, au surplus, de telles mesures auraient pu menacer l’existence même de cet arbre .
Attention : le juge n’écrit pas que toute mesure d’entretien de l’arbre lui aurait été fatal. Au contraire, il relève que cet arbre fait déjà l’objet d’un entretien régulier. Pour le tribunal judiciaire de Nantes, que des mesures supplémentaires d’entretien pourraient alors avoir pour effet de faire disparaitre. De manière plus intéressante encore, le jugement précise : « la coupe de cet arbre à hauteur de deux mètres est de nature à causer un préjudice écologique au sens de l’article 1247 du code civil. Ainsi, le juge se garde de prononcer une mesure qui pourrait, cette fois-ci causer un trouble anormal dégénérant en un « préjudice écologique ».
Cette analyse supplémentaire ne procède aucunement d’une quelconque reconnaissance d »un « droit de l’arbre à ne pas être coupé » mais, à l’inverse du devoir de toute personne de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » consacré à l’article 2 de la Charte de l’environnement.
Rappelons que la Charte de l’environnement, à l’inverse de l’école des droits de la nature, procède d’une approche anthropocentriste. Son introduction précise ainsi « Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains« . Son article 2 ne reconnaît pas de droits aux « êtres non humains » mais bien un devoir à la charge des êtres humains : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »
Si le tribunal judiciaire de Nantes prend soin de souligner l’importance de cet arbre – ce qui est déjà assez remarquable – il ne lui confère pas de personnalité juridique ni de droit. C’est bien le devoir de préservation de l’environnement décrit à l’article 2 de la Charte de l’environnement qui impose de ne pas prendre de mesure qui pourrait être fatale alors que le respect du droit de propriété n’est pas menacé par un quelconque trouble anormal de voisinage :
« Il présente à ce jour une importance sur le plan environnemental et écologique indéniable faisant partie d’un ensemble végétalisé participant à la préservation de l’écosystème local.
Il apporte un bénéfice à la collectivité – et pas seulement à A. S. et M. A. – par les bienfaits environnementaux qui s’évincent de toute végétation.
A ce titre, il doit être préservé conformément à l’article 2 de la Charte de l’environnement selon lequel « toute personne a le devoir prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».
L’intérêt de ce jugement tient donc, d’une part à la mention de la charte de l’environnement dans le contentieux du trouble anormal de voisinage, d’autre part à l’importance conférée à cet arbre, sans qu’il soit besoin d’aller plus loin pour en assurer la protection effective.
In fine, en l’absence de trouble anormal de voisinage, la demande de dommages et intérêts au titre de la réparation d’un préjudice de jouissance – qui n’est lui-même pas démontré – est également rejetée.
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