En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Urbanisme : légalité du refus de permis de construire même si des prescriptions spéciales étaient possibles (Conseil d’Etat)
Par un avis du 11 avril 2025, n°498803, le Conseil d’Etat a apporté une précision très importante quant au contrôle de légalité des décisions de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable : la possibilité pour l’administration de faire usage de prescriptions spéciales est sans incidence sur la légalité de ces décisions de refus d’autorisation d’urbanisme. Analyse.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a été saisi d’une demande d’avis sur une question de droit de la part du Tribunal administratif de Toulon dans le cadre d’un recours en annulation formé contre un refus de permis de construire, par son demandeur.
La question posée au Conseil d’Etat était la suivante:
« Un pétitionnaire qui, en dehors de toutes dispositions législatives et réglementaires prévoyant la possibilité pour l’autorité compétente d’assortir son autorisation d’urbanisme de prescriptions spéciales, se voit opposer un refus de permis de construire ou une opposition à déclaration préalable, peut-il se prévaloir, devant le juge, de ce que, bien que son projet méconnaisse les dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect, cette dernière aurait pu ou dû lui délivrer cette autorisation en l’assortissant de prescriptions ? »
Cette question s’insère dans la problématique plus générale des pouvoirs du juge à l’égard des refus de permis de construire, ainsi que des éventuelles possibilités de régularisation des projets ayant fait l’objet d’un refus de permis de construire.
Il sera rappelé sur ce point que les permis de construire accordés peuvent faire l’objet de régularisations (cf. Articles L. 600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme).
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de préciser que la régularisation d’une autorisation d’urbanisme entachée d’illégalité est possible en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet, à la condition que la régularisation n’apporte pas au projet un bouleversement qui en changerait sa nature même (Cf. CE, Avis n° 438318 du 2 octobre 2020, avec notre commentaire).
Le cadre juridique du refus de permis de construire ou de l’opposition à déclaration préalable ne contient pas de ce régime spécifique. Le projet ne peut pas bénéficier d’une régularisation de la nature de celle des dispositions précitées en cas de refus de permis de construire, même si cela aurait pu être possible si la demande de permis, au lieu d’être refusée, avait été délivrée.
Une importance primordiale en ressort du sens de la décision rendue par l’autorité administrative, sens qui ouvre ou non le droit de pouvoir soigner le projet pour être conforme aux règles applicables.
Si elle entre dans le cadre de ce domaine, la question posée n’est pas liée à l’usage ou non des pouvoirs de régularisation ci-dessus mentionnés du juge en matière de permis de construire, la réponse étant aisément connue. Elle porte sur l’appréciation de la légalité d’un refus d’autorisation d’urbanisme alors que le projet concerné aurait pu bénéficier d’une décision favorable avec des prescriptions spéciales pour en assurer la conformité avec le droit applicable.
Rappel des possibilités d’évolution de la demande d’autorisation d’urbanisme au cours de la procédure d’instruction
Aux termes de son avis rendu le 11 avril 2025, le Conseil d’Etat s’est fondé sur les règles générales de la délivrance des autorisations d’urbanisme.
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, imposant, à l’autorité administrative compétente en matière d’autorisations d’urbanisme, de n’autoriser que des projets conformes aux dispositions mentionnées par cet article.
En deuxième lieu, il reprend le contenu de sa décision du 1er décembre 2023, selon laquelle il est précisé que le pétitionnaire a toujours la possibilité d’apporter des modifications à son projet au cours de l’instruction de sa demande. L’évolution ne doit pas changer la nature des constructions demandées (Cf. CE, 1er décembre 2023 n° 448905, avec notre commentaire).
Le rappel de cette règle par le Conseil d’Etat peut interpeller, dès lors qu’elle n’apporte pas par elle-même un élément particulier d’appréciation à la question posée, sauf à donner une alternative aux pétitionnaires à la solution qu’il dégage par la suite.
L’usage des prescriptions spéciales n’est qu’une faculté pour l’administration, et non une obligation.
Statuant sur la question posée, le Conseil d’Etat considère que la délivrance du permis de construire avec des prescriptions spéciales ayant pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés n’est pas une obligation pour l’autorité administrative, mais seulement une faculté :
« L’autorité administrative compétente dispose également, sans jamais y être tenue, de la faculté d’accorder le permis de construire ou de ne pas s’opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, ont pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect. »
L’autorité administrative a le pouvoir, face à une demande d’autorisation d’urbanisme non conforme avec le droit applicable, entre la refuser ou l’assortir de prescriptions spéciales de nature à assurer sa conformité, lorsque cela est possible.
Par conséquent, dès lors que l’autorité compétente n’est pas tenue d’accorder un permis de construire avec des prescriptions spéciales, le Conseil d’Etat en déduit qu’un refus d’autorisation d’urbanisme ne peut pas donc pas être illégal au motif que la demande aurait pu faire l’objet d’une autorisation assortie de prescriptions spéciales :
« Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l’excès de pouvoir de ce que l’autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l’autorisation sollicitée en l’assortissant de prescriptions spéciales. »
Le pétitionnaire ne peut donc pas ainsi rattraper un refus d’autorisation.
Cette solution renvoie aux limites du pouvoir du juge face à un refus de permis de construire, dans le contexte de son office, limitée au recours pour excès de pouvoir et à l’absence de texte particulier (à l’inverse notamment de son office et de ses pouvoirs dans le cadre du contrôle de la légalité des décisions de refus rendues en matière d’autorisation environnementale).
Si la portée de cette décision peut paraître assez claire, elle méritera toutefois de nouvelles précisions.
De nombreuses dispositions du code de l’urbanisme mentionnent l’usage des prescriptions assortissant une autorisation (Cf. Articles R. 111-2, R. 111-3, ou encore R. 111-26 du code de l’urbanisme, relatifs au règlement national d’urbanisme).
De manière plus subtile, en matière de réseau, récemment, le Conseil d’Etat est venu encadrer les décisions de refus d’autorisation fondées sur l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme lorsque le pétitionnaire s’engage à prendre en charge les coûts liés aux travaux sur le réseau public (Cf. CE, 18 décembre 2024, n° 490274, notre commentaire).
Comme cela a déjà pu être relevé, il sera rappelé en particulier qu’en application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, sur la base d’un texte assez précis sur les prescriptions, le Conseil d’Etat considère que, lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime qu’il n’est pas légalement possible d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales (Cf. CE, 26 juin 2019, n° 412429, notre commentaire).
Dans le cadre de cette jurisprudence, l’administration est donc tenue de délivrer avec des prescriptions si cela est possible, mais il ne peut pas refuser l’autorisation.
La question posée par le tribunal administratif de Toulon ne portait pas précisément sur cet article, et le contentieux ne devait pas non plus porter sur l’application de cette disposition, car elle était finalement déjà lisible pour le juge administratif.
Toutefois, l’avis du 11 avril 2025 peut créer une certaine incertitude quant à la portée de cette jurisprudence propre à l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. L’avis ne donne en tout état de cause pas de manière explicite la solution.
Le contenu de l’avis indique sur ce point que l’administration a la faculté d’accorder un permis avec prescription, « sans jamais y être tenue », alors qu’elle y est tenue dans le sens de la jurisprudence résultant par exemple de l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. L’avis et cette jurisprudence pourrait également se combiner, dès lors que cette dernière se fonde sur un texte règlementaire spécifique. Cela étant, l’analyse publiée par le Conseil d’Etat fait mention, sous cet avis, de l’abandon de la jurisprudence issue de la décision du 26 juin 2019.
Le juge administratif ne semble en tout état de cause pas être en situation de dégager une jurisprudence générale sur la régularisation des projets faisant l’objet d’un refus, compte tenu des éléments en vigueur du code de l’urbanisme, même pour des non conformités pouvant aisément faire l’objet d’une prescription.
Florian Ferjoux
Avocat – Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Charte de l’environnement : le juge judiciaire est compétent, à certaines conditions, pour statuer sur une demande de réparation du préjudice écologique causé par une activité autorisée (AMM) par l’administration (Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°500 FS-B)
En cette année du vingtième anniversaire de la Charte de l'environnement, la Cour de cassation vient, pour la deuxième fois (cf. notre commentaire) d'en faire application. Mais d'une manière qui peut apparaître surprenante. Par un arrêt rendu ce 13 novembre 2025, la...
Dérogation espèces protégées : l’illégalité de l’autorisation d’exploiter une activité industrielle peut démontrer l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » imposant au préfet d’enjoindre au porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèces protégées » (TA Guyane, 11 décembre 2025, Association Guyane Nature Environnement, n°2201889)
Par un jugement n°2201889 rendu ce 11 decembre 2025, le tribunal administratif de la Guyane a annulé, à la demande de l'association Guyane Nature Environnement, d'une part une autorisation d'exploiter une mine d'aurifère, d'autre part le refus du préfet d'ejoindre au...
Dermatose nodulaire : Arnaud Gossement invité de l’émission « Sur le terrain » sur France info TV
Ce lundi 15 décembre 2025, Arnaud Gossement était l'un des invités de l'émission "Sur le terrain" présentée par Loïc de la Mornais sur France Info TV et consacrée à la colère des agriculteurs confrontés à l'épidémie de Dermatose nodulaire contagieuse (DNC). L'émission...
[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol
Arnaud Gossement est l'un des intervenants de la grande conférence sur l'énergie solaire qu'organise Tecsol au salon Energaia, ce mercredi 10 décembre, de 15h30 à 16h30. Nous remercions André Joffre (président), Alexandra Batlle (secrétaire générale de Tecsol) et...
Communication responsable : l’Agence de la transition écologique (ADEME) publie l’édition 2025 de son « Guide anti-greenwashing »
L'Agence de la transition écologique (ADEME) a publié, ce 3 décembre 2025, sa nouvelle édition du "Guide anti-greenwashing". A jour des dernières évolutions du droit de l'Union et interne sur les allégations environnementales, ce guide, très complet et utile,...
Urbanisme : le maire peut refuser un permis de construire en raison de l’insuffisance de la ressource en eau (Conseil d’Etat, 1er décembre 2025, n°493556)
Par une décision n°493556 rendue ce 1er décembre 2025, le Conseil d'État a jugé que le maire de de la commune de Fayence avait légalement pu rejeter une demande de permis de construire des logements au motif d'une insuffisance de la ressource en eau, et ce, sur le...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.




![[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol](https://www.gossement-avocats.com/wp-content/uploads/2024/04/solaire-adobe.jpeg)

