En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Energie : le Gouvernement prévoit de supprimer les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables électriques, en métropole (avant-projet de loi relative à la souveraineté énergétique)
Résumé
1. Le Gouvernement vient de présenter un avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique.
2. L’article 1er de ce texte prévoit de modifier l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit à l’article L.100-4 du code de l’énergie. L’objectif ne serait plus de « réduire » mais de « tendre vers une réduction de » ces émissions.
3. L’article 1er de ce texte prévoit de supprimer les paragraphes 4° à 11° de l’article L.100-4 du code de l’énergie qui comportent actuellement les objectifs chiffrés de développement de la production et de la consommation d’énergies renouvelables électriques.
4. L’article 1er de ce texte consacre le « choix durable du recours à l’énergie nucléaire ». Il n’est pus question plafonner la capacité de production installée du parc nucléaire. Le texte fixe, pour la production électronucléaire, un objectif de maintien d’une puissance installée d’au moins 63 GW et une disponibilité d’au moins 66%, avec l’objectif d’atteindre une disponibilité de 75% à partir de 2030, assurant un socle de sécurité d’approvisionnement jusqu’en 2035.
5. Cette modification de la partie législative du code de l’énergie pourrait, si elle était adoptée, avoir des conséquences importantes, par exemple pour l’identification en cours des « zones d’accélération des énergies renouvelables ».
6. Cette modification aurait également pour effet de rendre la partie législative du code de l’énergie avec les objectifs et exigences du droit de l’Union européenne (cf. notre commentaire de la directive « RED III » n°2023/2413 du 18 octobre 2023).
Commentaire général
1. La rédaction de cet avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique n’est bien entendu pas définitive. Elle peut encore évoluer d’ici à sa présentation en conseil des ministres et, ensuite, lors de sa discussion au Parlement. Toutefois, il témoigne déjà d’un changement important de la conception, par l’exécutif, de la politique énergétique nationale.
2. Cet avant-projet de loi affaiblit les objectifs climatiques de la France à commencer par l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. L’objectif ne serait plus de « réduire » mais de tendre vers une réduction de » nos émissions de gaz à effet de serre. Cette modification de la nature même de cet objectif aurait sans doute des conséquences pour des contentieux engagés par des personnes physiques ou morales souhaitant opposer à l’Etat ses propres objectifs. Si ces derniers sont imprécis ou faibles, la question de la responsabilité de l’Etat dans la réalisation de ces objectifs ne sera pas analysée de la même manière.
3. Cet avant-projet propose de traduire dans la loi le choix de l’exécutif de maintenir une part prépondérante d’énergie nucléaire dans la production d »électricité. Un choix qui rompt avec celui de de réduire cette part du nucléaire et qui avait été inscrit dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le « scénario central », inscrit dans la loi, sera la production d’électricité au moyen du recours à l’énergie nucléaire. Le solde sera assuré par les autres énergies pilotables et renouvelables, en fonction d’un décret.
4. Cet avant-projet de loi témoigne aussi du souci, à la veille des élections européennes, de juin 2024; de délaisser la catégorie juridique des énergies renouvelables » au profit d’une nouvelle catégorie, celle des « énergies décarbonées » .
5. Cet avant-projet de loi ne comporte pas de disposition de nature à transposer en droit interne les exigences de la nouvelle directive « RED III » n°2023/2413 du 18 octobre 2023. Directive qui prévoit notamment une augmentation de 32% à 42,5% voire 45% de la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’électricité de l’UE en 2030 : « Les États membres veillent collectivement à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030 soit d’au moins 42,5 % » et « Les États membres s’efforcent collectivement de porter à 45 % la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030. »
6. L’argument selon lequel les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables électriques pourraient être traduits dans un autre texte (stratégie ou programmation pluriannuelle de l’énergie) de valeur réglementaire est fragile, notamment pour les motifs suivants:
– Rien ne justifie que cette loi comporte des objectifs chiffrés de niveau législatif pour le développement de l’énergie nucléaire, des énergies renouvelables non électriques, et des énergies renouvelables en outre-mer mais pas pour le développement des énergies renouvelables électriques en métropole.
– Les objectifs de développement de la production et de la consommation des énergies renouvelables, électriques ou non, doivent figurer dans la loi comme le précise l’article L.100-1 A I du code de l’énergie, lequel prévoit l’élaboration d’une telle loi : « I.-Avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. »Au demeurant, ces objectifs ont toujours été fixés dans la loi.
– La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est adoptée par décret qui a une valeur juridique inférieure à celle de la loi. Cette PPE ne peut pas décliner un objectif, secteur par secteur, qui n’a pas d’abord été défini au niveau législatif, dans la loi précitée. Plus encore, la PPE doit être le reflet des priorités définies dans la loi. Si cette dernière ne comporte plus aucun objectif chiffré de développement des énergies renouvelables électriques, il sera difficile pour la PPE de considérer ce développement comme une priorité.
– En outre, au contraire d’une loi, le Parlement ne débat pas des termes d’un décret. Or, il est certainement important que le Parlement reste saisi, comme il l’a toujours été, de la question de la définition de tous les objectifs de la politique énergétique de la France.
Les objectifs chiffrés de la politique énergétique nationale sont actuellement inscrits à l’article L.100-4 du code de l’énergie. L’article 1er de l’avant-projet de loi qui vient d’être diffusé par le Gouvernement prévoit de modifier la rédaction de cet article L.100-4 du code de l’énergie. Ce qui emporterait les conséquences décrites dans les développements qui suivent.
– d’autre part, l’objectif serait de « tendre vers une réduction » de – non plus 40% mais 50% de ces émissions « en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie ».
– Les objectifs non chiffrés de développement des énergies renouvelables sont re-définis en vue de la rédaction de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera adoptée par décret.
2. La correction de l’objectif chiffré d’un mix énergétique 100% renouvelables, dans les départements et régions d’outre-mer
De manière à conforter la part du nucléaire dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (article 141-1 du code de l’énergie), l’article 1er de l’avant-projet relatif à la souveraineté énergétique précise de la manière suivante les objectifs que devra comporter ladite programmation qui fait l’objet d’un décret :
« Afin d’atteindre les objectifs mentionnés au I [de l’article 1er de l’avant-projet de loi] dans le respect des orientations fixés à l’article L.100-1, la programmation énergétique porte les objectifs suivants par secteur et par vecteur énergétique, dont les conditions et modalités sont fixées dans la programmation mentionnée à l’article L.141-1 [du code de l’énergie] :
3° Pour les installations de production d’électricité pilotables hors nucléaire, maintenir leur puissance installée en visant une conversion progressive à des combustibles bas-carbone des installations pilotables thermiques, intervenant dès 2027 pour les installations à combustible charbon mentionnées au II de l’article L.311-5-3 ;
4° En matière de production de chaleur et de froid, viser une part de 45% de chaleur et de froid renouvelable dans la consommation de chaleur et de froid en 2030 et de 55% en 2035 ;
5° Afin d’assurer de manière souveraine la sécurité d’approvisionnement conformément au critère mentionné à l’article L.141-7 et la réduction de la dépendance aux importations :
a) Assurer un déploiement des énergies renouvelables permettant d’assurer conjointement aux moyens pilotables mentionnés aux 2° et 3° la couverture des besoins en électricité décarbonée ;
b) En matière de flexibilité de la demande, favoriser le développement des flexibilités nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement et optimiser le fonctionnement du système électrique telles que la modulation de la consommation et de la production électrique et le stockage d’énergie pour le système électrique. »
3. Le programme industriel nucléaire
L’article 1er de l’avant-projet relatif à la souveraineté énergétique prévoit la création d’une « programmation énergétique anticipant la fin d’exploitation des réacteurs existants et en complémentarité des énergies renouvelables » laquelle « fixe « le programme industriel suivant » :
« III.- Afin de préparer l’avenir du mix énergétique en vue de la neutralité carbone en 2050 et de la sécurité d’approvisionnement, la programmation énergétique anticipant la fin d’exploitation des réacteurs existants et en complémentarité des énergies renouvelables fixe le programme industriel suivant :
1° Maintenir en fonctionnement toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ;
2° Construire de nouveaux réacteurs nucléaires, avec l’objectif qu’au moins 9,9 GWe de nouvelles capacités soient engagées d’ici 2026 et que des constructions supplémentaires représentant 13 GW soient engagées au-delà de cette échéance ;
3° Maintenir en fonctionnement les installations contribuant au retraitement et à la valorisation des combustibles usés, sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ;
4° Assurer la disponibilité des installations nécessaires à la mise en œuvre du retraitement et de la valorisation des combustibles usés, dans le respect des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’environnement, et définir les modalités d’organisation et de financement adaptées pour favoriser la gestion durable des substances radioactives, la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise des coûts ; (..)«
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Le décret du 17 novembre 2025 confirme que la filière REP des emballages professionnels répond à un schéma plutôt financier, ce que confirmait déjà la version projet du texte.
On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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